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Citation de Nastie92


J'ai tant pleuré qu'un jour un coquard s'est formé sur ma paupière supérieure droite, hématome gros comme un œuf de pigeon, et tel que l'ami ophtalmologiste que je consultai alors m'avoua n'en avoir jamais vu en vingt ans de carrière − je ne tirais aucune fierté des trésors d'ingéniosité que ma petite fabrique de chagrin déployait. Je pleurais tant les premiers mois, naufragé dans ma vallée de larmes, que mon entourage s'inquiétait pour ma santé mentale. Je pleurais matin, midi et soir, comme pour respecter une prescription de l'au-delà, pleurais, aussi inapte à endiguer ma peine que si, en quittant ce monde, mon père avait emporté mon entière volonté. Je pleurais sans raison, pareil au déséquilibré qui rit pour un rien, pleurais à la moindre allusion triste ou joyeuse que faisait la vie quant au passage de mon père sur cette terre. Je pleurais comme certains esprits simples disent qu'un homme ne devrait jamais pleurer, anéanti de douleur, un édifice effondré sur mes épaules, je pleurais de désespoir, liquéfié, dissous, manquant de souffle et d'air. Mais le plus étrange était que ce saccage intime qui me laissait plus abattu qu'un boxeur après son combat, loin de m'affliger, s'accomplissait dans une sorte d'extase, car cet abîme de désolation, plongée à l'écart du monde, m'accordait de partager un dernier moment avec mon père.
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