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Critiques de Laurent Thirouin (5)
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L'aveuglement salutaire : Le réquisitoire con..

Le sous titre de ce remarquable essai est « Le réquisitoire contre le théâtre dans la France classique ». Même si l’auteur replace le débat dans son contexte historique, celui du XVIIe siècle, voire du XVIIIe, il se concentre essentiellement sur un moment clé, la décennie 1660-1670. Elle a vu la querelle du Tartuffe, ainsi que la publication de deux textes importants, le Traité de la Comédie de Pierre Nicole et celui du prince de Conti, tous les deux violemment opposés au théâtre. Laurent Thirouin analyse en profondeur l’argumentaire des adversaire de l’art dramatique, en démontrant à quel point leur discours était construit et étayé,(« discours théoriques articulé ») et qu’il soulève des problématiques, anthropologiques et philosophiques entre autres, qui dépassent largement le cadre du théâtre à l’époque classique. Néanmoins, l’auteur passe en revue toute l’argumentation utilisée par les adversaires du théâtre, et cette argumentation est diverse et se situe sur des plans différents, aussi différents que peuvent l’être les ennemis du théâtre.



Les premiers arguments sont des arguments d’autorité, dans une perspective historique. Les Pères de l’église ont en effet condamné le théâtre. Malgré les tentatives des défenseurs du théâtre, qui mettent en avant qu’il s’agissait d’un théâtre païen, qui participait à un culte, ses détracteurs considèrent que c'est l’essence même du théâtre qui est condamnée. Cela aboutira à ce qu’on appelle le paradoxe de Senault ( « plus [la comédie] semble honnête, plus je la tiens criminelle » ) : la purification de la scène des aspects les plus choquants, la rend paradoxalement plus dangereuse, car cela permet d’apaiser les scrupules moraux des spectateurs, endort leur vigilance.



Une deuxième partie rappelle que la condamnation de la personne du comédien est un argument de poids pour condamner le théâtre. L’anathème du comédien repose là aussi sur des raisons disparates. Il y a les raisons morales (les mauvaises mœurs supposées des comédiens) mais aussi des raisons plus philosophiques, reposant sur la condamnation platonicienne de l’imitation. Il y a aussi le parallèle entre une représentation théâtrale et la liturgie chrétienne, qui fait du théâtre un rival du culte divin, et du comédien un avatar profanatoire du prêtre.

L’auteur tend pourtant à nuancer la condamnation officielle des acteurs. Aussi bien les autorités politiques (édit de 1641) que religieuses (le Rituel Romain de Paul V n’inclut pas les comédiens dans les pêcheurs publics devant être écartés des sacrements de l’église) ne sont pas forcément dans une logique de condamnation systématique. Mais les listes de ces pêcheurs publics étant établies par les rituels de chaque diocèse, de plus en plus d’évêques français s’appliqueront tout au long du XVIIe siècle à les inclure, ce qui pouvait aboutir à une interdiction de funérailles chrétiennes par exemple.



Laurent Thirouin évoque aussi des arguments de l’ordre poétique. Paradoxalement, c’est une pièce « chrétienne » de Corneille, Théodore, qui va le plus servir à attaquer le théâtre en général. Les adversaires du théâtre reconnaissent les ambitions louables de Corneille, mais l’échec de la pièce, reconnue par l’auteur lui-même, signe d’une certaine manière l’incompatibilité réciproque du théâtre et du christianisme. En effet, le personnage de théâtre doit respecter des exigences esthétiques et techniques pour susciter l’intérêt du spectateur. Et ces exigences sont en contradiction avec l’idéal chrétien. Un saint homme ou une sainte ne peuvent être représentés au théâtre qu’au prix de transformations, qui les dénaturent. S’ils sont peints dans toute leur vertu chrétienne, ils ne passeront pas la rampe, vont ennuyer, provoquer le rejet. Il y a aussi la règle de la bienséance, qui exige des personnages conformes à des définitions stéréotypées, et surtout des personnages qui correspondent aux attentes du public (bienséance externe). Le spectacle théâtral obtient l’effet d’identification qu’il cherche en faisant siens les préjugés de son public : dès lors qu’il n’en est que l’émanation, il ne saurait être en mesure de l’éduquer, but invoqué par certains défenseurs du théâtre.



Des arguments reposant sur la morale à proprement parlé, sont bien évidemment opposé au théâtre. Le fait de réunir des hommes et des femmes dans une forme de promiscuité, et aussi de donner à voir un spectacle impudique, voire obscène. D’une manière peut-être encore plus pernicieuse, le théâtre ne représenterait que des passions coupables, telles que l’amour, la vengeance, l’ambition, et en ferait une apologie, même s’il prétend les condamner.



Mais Laurent Thirouin accorde la plus grande importance à des arguments anthropologiques et métaphysiques. Les dangers principaux de la Comédie viennent d’une rencontre entre des modalités d’action particulières, propres au théâtre, et la manière dont ces modalités agissent sur le spectateur, d’où une interrogation sur la nature humaine. La théorie de la contagion pose qu’il est impossible d’assister à un spectacle théâtrale qui repose sur la mimèsis (imitation du réel) et y trouver du plaisir sans ressentir, éprouver de manière intime ce qui est montré. Cela provoque chez le spectateur une transformation, dont il peut ne pas être conscient, car ces transformations sont provoquées par des impressions, échappent d’une certaine manière à la raison, à la maîtrise consciente. Et seules certaines passions sont susceptibles de provoquer la contagion. Il y a dans l’homme un désir du mal, qui fait que seuls les mauvaises passions peuvent être transmises. Le théâtre ne peut créer un désir, il ne peut que déclencher un désir préexistant. Le spectateur adhère au spectacle, car celui-ci lui révèle son propre désir. Par le déclenchement des sensations, des émotions, le théâtre bloque l’exercice de la raison, la réflexion. Il réduit d’une certaine manière l’homme à ses instincts. Le spectateur qui voudrait analyser, réfléchir, comprendre, ne pourrait plus éprouver du plaisir à une représentation. Pour vivre ce plaisir, il faut se laisser aller aux impressions.



Enfin, à un niveau métaphysique, surtout abordé par les penseurs port-royalistes, en accord avec les perspectives platoniciennes et augustinienne, il s’agit de dénoncer l’inconsistance de la mimèsis (imitation) opposée à la vérité. La dénonciation du théâtre constitue donc un cas particulier de la lutte contre l’esprit du monde, opposé au christianisme. D’où l’aveuglement salutaire du titre, la conversion du regard passe forcément par une privation, il s’agit de nier les réalités illusoires, les faire disparaître. C’est le monde lui-même, en tant que spectacle que rejettent ces moralistes, le théâtre ne serait qu’un exemple emblématique de tout ce qu’il faut refuser, par un dépassement de soi, une ascèse. C’est la condition première du salut, la possibilité d’accéder à la Vérité divine.



C’est un résumé très sommaire et réducteur de ce livre, qui est vraiment très riche et passionnant. L’auteur, d’une manière très judicieuse, fait des rapprochements quelques analyses et questionnements sur des pratiques culturelles plus actuelles, comme le cinéma, même si c’est à la marge.



Le livre apparaît toutefois comme daté (1997) sur un point précis, paradoxalement en évoquant une conception propre à l’époque où il a été écrit. Laurent Thirouin pose que l’art n’est plus considéré que par sa valeur esthétique, et refuse d’être évalué par d’autres critères dont les critères moraux, refuse toute contrainte sociale ou utilitaire. Or dans la trentaine d’année écoulé les choses ont complètement changé. Régulièrement des œuvres d’art ou artistes sont mis en cause pour le contenu de leurs créations, ou pour leurs comportements ou propos. A titre d’exemple, qui me paraît assez bien résumer la problématique, je vais citer un article paru dans le journal Le Monde le 27 janvier 2023. L’article concernait Bastien Vivès et l’annulation d’une exposition de ses œuvres à Angoulême. Etait interrogés André Gunthert, historien des cultures visuelles et Carole Talon-Hugon philosophe. Le titre était extrait d’une phrase de cette dernière « La valeur morale d’une œuvre fait partie de sa valeur artistique ». Elle questionne la possibilité de monter le mal : « ...s’il est possible de montrer le mal à des fins de moralisation, il faut alors que cette dimension de désapprobation soit sensible .. ». Platon se retrouve, exactement comme chez les moralistes du XVIIe, mis à contribution.



Ce qui montre à quel point le livre de Laurent Thirouin reste d’actualité...
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Pascal ou le défaut de la méthode : Lecture des..

Je n'ai pas rencontré Dieu (quoique..) mais Pascal !



Avant mes premiers cours de philosophie, donc vers l'âge de 15 ans...

Je me risque à commenter la très belle étude de Laurent Thirouin alors que je ne sais presque rien dire de sensé (d'un tant soit peu "détaché") sur le philosophe, génie universel qui en est le sujet, tant mon admiration reste inchangée..

J'explore seulement de nouvelles facettes de l'oeuvre, des "Pensées" en particulier.

Plusieurs stades (dans le sens d'un approfondissement) pour la lectrice que je suis : 1) le ravissement (pour l'esprit), 2) la séduction (pour la rhétorique), 3) la consolation (pour le sentiment)



Est-ce un mal si j'ai souvent trouvé plus de réconfort en lisant l'intraitable géomètre plutôt qu'en compagnie de mes proches ou amis ?

Passée la séduction, en effet, il reste que l'écrivain, s'il m'est étrangement familier, c'est par sa propension à ne rien accepter comme allant de soi.

Alors TOUT peut être difficile..

Tandis qu'un peu plus loin, à un autre niveau, si tout ne se simplifie pas complétement ; on a au moins la légèreté de se retrouver tels que nous sommes, c'est-à-dire ni plus ni moins que des hommes (faillibles, nécessairement).



L'entreprise littéraire de Thirouin, son patient travail de relecture des "Pensées" est remarquable tant par sa valeur scientifique (rigueur et méthode dans la recherche) que par sa valeur poietique.

Il est aussi bon analyste qu'aphoriste, apparemment. Et peut-être, autant "habité" par Pascal que celui-ci l'était par Montaigne..



"Le défaut de la méthode" chez Pascal est propre aux gens de son espèce, propre au génie. Mais ce qui distingue le génie pascalien de tous les autres (d'un Nietzsche, d'un Cioran par exemple), c'est qu'il n'a jamais succombé à la tentation de vouloir échapper définitivement à la misère et la grandeur de sa condition.

S'il est croyant, c'est d'abord parce qu'il est humain.
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Pascal ou le défaut de la méthode : Lecture des..

Laurent Thirouin nous propose une lecture des Pensées de Pascal qui prend en compte le classement que celui-ci a fait en "liasses" entre lesquelles il a réparti un certain nombre de fragments (mais pas tous). Ces liasses ont pour nom "Divertissement", "Vanité", "Misère", "Raison des effets", etc. Il ne s'agit pas là de titres de futurs chapitres pour son apologie mais d'une manière d'organiser sa réflexion, préalable à la rédaction.



On remarque très vite que la liasse "Divertissement" par exemple, si elle concentre beaucoup de fragments le concernant, abrite d'autres thèmes, et que l'on retrouve ce thème du divertissement dans plusieurs autres liasses. Le caractère de chaque liasse ne tient donc pas à la matière qu'elle envisage (le divertissement) mais aux divers éclairages qui sont jetés sur une même matière (le divertissement vu par le prisme de la vanité/la vanité vue par le prisme du divertissement).



Les éditions qui regroupaient tous les fragments par thème ne permettaient donc pas de comprendre la visée de Pascal. En analysant au plus près les fragments dans la liasse à laquelle ils appartiennent, Thirouin nous permet de renouveler la lecture des Pensées en suivant au plus près la réflexion de Pascal et en clarifiant les notions qu'il utilise.



La démarche exige une grande attention car Thirouin est très rigoureux et détaillé dans son raisonnement mais la compréhension des fragments laissés par Pascal n'en est que plus profonde.



La réédition est bienvenue. Je remercie les éditions Honoré Champion et l'équipe de Babelio Masse Critique pour cet envoi.

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Pascal ou le défaut de la méthode : Lecture des..

Avant d’entrer davantage dans les détails de cet essai, Laurent Thirouin doit être profondément remercié pour son formidable travail qui honore l’œuvre de Pascal ainsi que sa pratique d’une forme de dialectique s’accomplissant dans l’ordre de la charité. Si Pascal peut parfois sembler incomplet dans le cadre d’un discours qui émanerait de la laïcité ordinaire, la reconnaissance de la portée religieuse de ses réflexions permet de retrouver celles-ci dans leur densité originelle.





Lorsque Pascal meurt en 1662, ses Pensées n’avaient pas encore de forme définitive. Il n’en existait qu’un ensemble de feuillets dont le classement aura été à l’origine d’éditions différentes. Dans un premier temps, la population de Port-Royal les rassemble et les publie en 1670 sous le titre des « Pensées de Monsieur Pascal sur la religion et quelques autres sujets qui ont été trouvés après sa mort parmi ses papiers ».





Certaines éditions tentèrent un classement des feuillets selon un ordonnancement thématique. Pourtant « Pascal proclame ainsi que l’originalité et l’intérêt de son travail ne sauraient tenir à la matière même de ses réflexions, résultat d’emprunts divers. L’ordre seul est sien ». S’interroger sur la méthode que privilégia Pascal pour formuler ses Pensées n’est pas un vain amusement mais une manière d’inscrire la réflexion philosophique dans l’ordre de la charité. Pascal se distingue de la méthode de Descartes qui se veut rectiligne, affirmée, immédiate et donc partiellement aveugle, mais il se distingue également d’un Montaigne qui, pour critique qu’il se montrât également vis-à-vis de la méthode cartésienne, n’en proposa point de meilleure en badinant d’un point à l’autre sans référentiel fixe lui permettant d’ancrer son discours et de lui ôter sa gratuité un peu vaine. Le classement des liasses des Pensées n’obéit ainsi pas à une rationalité thématique mais argumentative. La valeur argumentative de chaque liasse apparaît dans le rapport qu’elle entretient avec des liasses connexes.





Pascal peut sembler déstabilisant : tantôt il évoque implacablement l’aveuglement dans lequel se perdent les hommes à travers le divertissement, tantôt il en repère la logique en remontant à la « raison des effets ». Cette oscillation pourrait sembler gratuite et montaignienne. Il n’en est rien. Si Montaigne se rit des effets, Pascal se rit de ceux qui en rient car ceux-ci ignorent les raisons de ces effets. Dans le cadre de cette forme rhétorique précise, il convient de distinguer ceux qui ne sont pas habiles et qui se contentent des faits, les demi-habiles qui se rient des effets et les habiles qui ne rient plus que des demi-habiles car ils sont remontés à la raison des effets qui laisse découvrir la nécessité logique de ce qui semblait absurde et vain.





Pascal se hisse à cette hauteur de vue, non de lui-même, non par une forme d’intelligence qui ne dépendrait que de lui, mais animé qu’il est par la charité. Le divertissement apparaît comme remède à un malheur ou comme tentative de fuir l’horreur. Le divertissement est le produit d’une souffrance ontologique qui s’ignore. Dans l’ignorance, le divertissement est la solution la plus rationnelle que l’homme met en place, toujours sans le savoir, pour pallier un manque plus profond. Le divertissement témoigne en faveur du christianisme, en faveur de Dieu : il est l’indicateur de ceux qui ne peuvent ou ne veulent connaître sa grâce. La liasse « Vanité » aborde les phénomènes du monde selon l’angle de l’ignorance des causes d’un point de vue logique. La liasse « Misère » transpose ces phénomènes marqueurs de l’ignorance sur le plan existentiel : ils sont à l’origine de ce que l’homme ressent comme étant la misère, c’est-à-dire comme le manque de Dieu. La liasse « Raison des effets » témoigne de la découverte d’une rationalité derrière l’absurdité apparente des opinions et des lois. Elle rétablit la grandeur de l’homme qui transparaît même dans sa vanité et dans sa misère en tant que ces qualités sont, par défaut, la preuve de la nécessité de Dieu.





« [...] ayant su mieux que tout autre désigner les effets (« ces étonnantes contrariétés »), la religion chrétienne est capable de les expliquer et de les justifier, mieux qu’aucun autre discours n’a su le faire. Les Pensées lancent de la sorte un étrange défi à l’athée, car cette raison qui doit départager chrétiens et incroyants n’est pas de l’ordre d’un rationalisme : il s’agit d’un regard supérieur sur un objet réellement déraisonnable – c’est-à-dire d’une aptitude à donner la raison des effets. »





Il apparaît ainsi qu’il ne sert à rien de vouloir convaincre autrui – de vouloir le conduire vers le lieu où pourrait se produire une « véritable conversion » par exemple (voir ici le formidable article sur la ressemblance du divertissement et de la conversion en tant qu’ils sont tous deux des phénomènes d’interférence catégorielle, le surnaturel et le naturel s’intriquant et se confondant). Quelque peu précurseur de la notion de « discours » ainsi que la formalisa Lacan, Pascal comprend bien que chacun évolue dans un repère doté d’une origine et de coordonnées qui lui sont propres. Son approche du dialogue se fonde alors sur quelques principes élémentaires qui consistent à écouter les arguments d’autrui ; à se mettre à la place de l’autre en essayant de penser à travers ses catégories pour comprendre le lieu d’où il raisonne ; à se montrer convaincu ou non ; à trouver dans les vides et les pleins de la parole de l’autre la place pour une survenue de la grâce. Jésus-Christ, qui n’a jamais cherché à convaincre qui que ce soit de son vivant, mais qui a incarné cette grâce par son être et ses paroles, constitue le modèle insurpassable dont a ainsi voulu s’inspirer Pascal pour écrire ses Pensées. Cet essai de Laurent Thirouin éclaircit brillamment et clairement ces aspects. Sa fidélité à la pensée de Pascal et sa modestie – malgré des intuitions souvent géniales et puissamment restituées – font également de lui un parfait philosophe en Christ.

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Pascal ou le défaut de la méthode : Lecture des..

Les « Pensées » de Blaise Pascal constituent une œuvre inachevée et ont été publiées après la mort de leur auteur selon un certain ordre et en fonction notamment de la découverte au fur et à mesure de nombreuses liasses contenant des considérations sur le christianisme ainsi que d’autres sujets philosophiques. Laurent Thirouin, dans son ouvrage « Pascal ou le défaut de la méthode », présente – en sous-titre – une « Lecture des Pensées selon leur ordre ». À cet effet, il reprend l’ordonnancement des différentes liasses en analysant les divers éléments méthodologiques utilisés dans les éditions successives de l’ouvrage posthume de Pascal pour en ressortir les manquements dans cette répartition des fragments. Pour l’universitaire lyonnais, ce défaut de la méthode implique chez Pascal la faiblesse de toute argumentation, l’insignifiance de toute énonciation, et la stérilité de toutes les méthodes.

Cette répartition des liasses des « Pensées » poussent à la réflexion pour ce qui est de l’ordre que préconisait Pascal et qu’il avait déjà initié – cet ordre qui est pour lui à la fois une rhétorique singulière et un rapport original à la vérité. D’où l’examen minutieux, voire pointilleux, de Laurent Thirouin sur près de 390 pages… Pour ce faire, il rassemble toute une série d’études qu’il a produite tout au long de sa carrière de spécialiste de Pascal, de ses « Pensées » et l’ordre de présentation des fragments qui composent les liasses de ces dernières dans les différentes éditions. Il a ainsi pour objectif d’organiser les diverses tentatives de présentations ordonnées des « Pensées », tout en tenant compte du contenu des nombreuses liasses que Pascal a collectées en vue de son ouvrage majeur et magistral sur la religion chrétienne.

Retrouvées au décès de Pascal, ces liasses aux multiples fragments ont suscité un grand questionnement sur l’établissement d’un recueil posthume. Sans oublier une certaine controverse quant à la vision de Pascal sur son travail global de prospection spirituelle.

C’est donc dans une belle perspective de conciliation entre ces diverses tendances et visions que Laurent Thirouin a ainsi entrepris une investigation inductive et précise sur l’ensemble des liasses afin de s’interroger sur la signification du classement incomplet que Pascal a entamé, mais aussi et avant tout afin d’exploiter intellectuellement le contenu des liasses.

Ce qui est fort intéressant dans la présentation et l’explication de l’organisation des fragments dans les différentes liasses des « Pensée », c’est que Laurent Thirouin n’oublie pas le Pascal mathématicien, logisticien et scientifique, en plus de son côté moraliste, théologien et janséniste. À cet égard, la théologie de Pascal se manifeste non seulement dans le spirituel et dans la foi chrétienne, mais aussi dans la logique arithmétique et l’expérimentation physique. Les nombreux exemples que donne Laurent Thirouin qui concernent Copernic, Galilée, Torricelli, Leibniz et bien d’autres l’attestent. À partir de ce constat est exposé l’apologie du christianisme tel que le conçoit Blaise Pascal – thème principal de son ouvrage en préparation.

Au final, l’ouvrage de Laurent Thirouin présente l’avantage de pouvoir mieux appréhender Blaise Pascal et ses « Pensées » au travers de son système herméneutique, malgré – et c’est là son inconvénient – une approche philosophique complexe pour lecteurs déjà baignés dans la logique pascalienne…

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