Les meubles anciens du Canada français
Jean Palardy
Nathalie Chauvin, Laurier Lacroix, Olivier Perreault-Jacques et Pierre Wilson témoignent de l'importance de l'ouvrage Les meubles anciens du Canada français pour le développement de la connaissance historique.
[La] jeune femme qui, dans son unique pièce de la rue Oldfield à Montréal, produit des œuvres au crochet sur un châssis de fabrication domestique est-elle la même qui séjourne longuement au Japon afin de matérialiser le rideau de scène du Centre national des arts à Ottawa ? Est-ce bien celle qui partage pendant deux étés la vie des Inuits ou qui voyage auprès des peuples autochtones d’Amérique centrale pour se documenter de première main sur leur art et les rapports que les matériaux indigènes entretiennent avec les tissus qu’ils créent ? Le parcours de Micheline Beauchemin vaut d’être abordé sous divers aspects – esthétique, sociologique, technique – afin d’éclairer la recherche qu’elle a poursuivie et sa contribution remarquable à la question de l’intégration de l’art à l’architecture.
La popularité de Leduc et la diversité de son œuvre le font remarquer d’adeptes de groupes idéologiques opposés qui interprètent différemment son message. Autant sa recherche symboliste intéresse les jeunes intellectuels, autant ses sujets à caractère rural sont lus par l’élite clérico-nationaliste comme un éloge des valeurs qu’elle défend tournées vers le terroir et la définition de la nation canadienne-française. Leduc ne semble pas se formaliser de cet écartèlement ni vouloir se positionner politiquement.
Entre 1887 et 1900, Leduc réalise quelques portraits, ceux de ses parents et du maître d’école Galipeau, et il explore le genre de la nature morte en prenant comme sujet des objets tirés de son environnement immédiat. Nature morte aux livres, 1892, lui vaut le premier prix pour un artiste de moins de trente ans qui n’est pas membre de l’Académie royale des arts du Canada (ARC). Ses natures mortes exposées à l’Art Association of Montreal (AAM), dont Nature morte, violon, 1891 (disparue), Nature morte, livres, 1892, Nature morte, livre et crânes, 1895 (disparue), reçoivent l’attention de la critique et sont acquises par des amateurs d’art.
À partir de 18 ans, selon la tradition orale, Leduc est engagé comme peintre de statues pour l’atelier de Thomas Carli (1838-1906) qui réalise des sculptures en plâtre. En 1886, il devient l’apprenti de Luigi Capello (1843-1902), peintre décorateur d’églises, dont celle de Saint-Rémi. Originaire de Turin, Capello a épousé en 1881 la cousine germaine de Leduc, Marie-Louise Lebrun (1859-1939), et il réalise la commande d’un panorama représentant l’intérieur de la cathédrale Saint-Pierre de Rome (disparu) auquel collabore Leduc. Au cours de la même année, Leduc décore la chapelle Saint-François-Xavier de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré (détruite).
Ulysse Comtois, le sculpteur, dessinait ? Vous ne le saviez sans doute pas, mais on pouvait l´imaginer. Tous les sculpteurs dessinent. Michel-Ange, Bernin, Rodin, Brancusi, Bourgeois, Poulin, nommez-les, tous ils ont dessiné ou dessinent. Forcément, on parle de dessins de sculpteurs. Ils auraient un dessin particulier, les sculpteurs : cernant la masse et suggérant le volume. Mais les choses ne sont pas si simples. Comme les autres artistes, ils ont des velléités de se servir du papier pour saisir une idée au vol, développer un système à moindres frais, esquisser un projet ou, pourquoi pas, créer une œuvre sur ce noble support qu'est le papier.
Ma joie est de travailler avec des matériaux que je considère assez précieux, que ce soit les fils métalliques que j’emploie pour traduire cette lumière de givre et de glace, que ce soit les lins qui me viennent d’Australie, avec lesquels j’aime tant travailler à cause de cette grande luminosité, ou dernièrement, depuis mon séjour en Amérique du Sud, des laines d’alpaga si douces et de tons naturels si riches. C’est peut-être le seul luxe que je m’offre.
Leduc débute sa carrière à Montréal, réalisant des statues et des décors d’église. En 1897, Leduc part pour la France, où il trouve l’inspiration dans l’art européen. À son retour au Canada, il peint en portant une attention nouvelle à la lumière et à l’expression poétique. Son travail, imprégné de principes modernistes, mais toutefois distinct des tendances artistiques contemporaines, est reconnu pour sa chaleur exquise et la qualité de sa facture.
La carrière d’Ozias Leduc couvre soixante-dix ans d’activités incessantes dans des domaines aussi variés que les différents genres de la peinture de chevalet, la peinture murale religieuse, la conception de vitrail, l’illustration, le décor de théâtre et la sculpture. Isoler quelques oeuvres ne peut que signaler certains des enjeux qu’il a soulevés, quelques-unes des pistes qu’il a poursuivies, en vue de répondre aux questions qu’il s’est toujours posé sur le rôle de l’oeuvre d’art et sa place dans l’histoire et la culture d’une société, la sienne.
Découverte dans un cours de John Russell Harper en 1970, l’œuvre d’Ozias Leduc est demeurée depuis ce temps un centre d’intérêt de ma recherche. J’y ai consacré mon mémoire de maîtrise, quelques expositions et de nombreux articles. Revenir à Leduc est l’occasion de découvertes et d’une émotion esthétique renouvelée. Ses tableaux chargés de mystère et de symboles demeurent toujours éloquents, que ce soit ses petits tableaux de chevalet ou les murales dont il a décoré les églises.
Il faut imaginer Suzor-Coté dans ce pays de forêts et de rivières qui a pour nom Arthabaska. Car toute sa vie durant, ce pays où il est né a nourri son œuvre artistique. Les paysages qui l'entourent, les gens qu'il côtoie, le milieu social où il évolue lui fournissent la matière première, qu'il transcende selon une vision tout à fait personnelle. Tant et si bien que l'artiste va imposer ce lieu et ce vocable dans l'histoire, l'iconographie et l'imaginaire canadiens.