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3.53/5 (sur 15 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Magali Junjaud écrit depuis ses 16 ans.

Elle a commencé par les arts plastiques, en obtenant un baccalauréat en art, puis s'est tournée vers le cinéma.

Elle s'est ensuite naturellement tournée vers l’écriture. "Au temps qu'il passe" est son premier roman.

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Bibliographie de Magali Junjaud   (5)Voir plus

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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Elle avait été le défi. Patricia était experte, comme si elle avait répété cette scène dans sa tête et dans son lit des centaines de fois. Une fois nue, elle n’était plus Charlotte, elle était une femme, une belle femme, mais une femme parmi d’autres. C’est pourtant ce qui lui arrivait le plus souvent avec les hommes, un de plus, une de plus… ça ne devrait pas faire de différence. Ça ne faisait aucune différence pour Patricia, en tout cas. Mais elle ne voyait pas ce qui avait pu être si particulier pour faire autant de dégâts dans leurs vies.
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Patricia, sous le charme, resta malgré tout à l’écart de ses filets. Elle se sentait tellement ridicule dans cette robe, elle qui passait son temps en pantalon. Les physiques d’athlètes charpentées ne s’accordent vraiment pas avec les robes meringue et les dinettes de poupée. Elle se sentait bien trop empêtrée dans son accoutrement pour vouloir porter l’attention sur elle. Elle sentait bien que son charme était trop amoindri pour tenter toute forme de séduction même avec tout l’alcool du bar. Elle restait donc aussi discrète que possible et se contentait de sourire ou de répondre quand cela était nécessaire. Remplir sa couche n’avait jamais vraiment été un problème pour elle, mais parfois, il fallait être conscient de son handicap; cette robe était un repoussoir à femmes et un véritable tue-l-amour. Rien que d’imaginer la gymnastique pour l’enlever avec dignité et sensualité, elle en riait. Elle n’était prête ni pour un rejet ni pour une humiliation en règle, c’était trop tôt.
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Elle n’est pas dure… forte, oui, mais pas dure. Ses émotions débordent, les rires comme les larmes. Et surtout, pour elle, pleurer n’est pas un signe de faiblesse, mais un soulagement. Ce qui coule sur ses joues ne l’encombre plus. Elle évacue dans ses sanglots le trop-plein de sentiments dont Julie ne saurait que faire aujourd’hui. Elle n’a pas pu assister aux derniers jours de son amie, elle n’aurait pas pu lui cacher sa douleur, et Julie ne voulait pas que les gens viennent larmoyer sur son sort. Elle savait que ses heures étaient comptées et elle refusait de devoir consoler tout son entourage jusqu’à ce que mort s’ensuive. Elle était trop faible pour ça. Elle voulait sourire encore un peu, rire de bon cœur une dernière fois et juste profiter du calme et du silence auprès de son cher époux et de ses proches. Mais pas de douleur. Son corps tout entier n’était déjà que douleur.
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Elle n’aime pas cette débauche de rancune et de remords. Elle a l’impression d’avoir quelques heures seulement pour vider l’océan avec une pelle. Toutes ces années n’ont fait que rendre invisible un malaise profond, que rien n’a pu guérir, d’un côté comme de l’autre. Mais maintenant que les couteaux sont affutés, il faut en finir au plus vite, et tout redeviendra comme avant. Avant que Patricia ne veuille l’inscrire à son tableau de chasse, comme les dizaines d’autres femmes, avant qu’elle ne cède, par envie, par curiosité… Avant la honte et l’humiliation. C’est elle qui a changé les règles du jeu, il fallait en assumer les conséquences, c’est tout. Si personne n’est honnête, il n’y a pas d’issue possible. Charlotte s’est remise de sa faiblesse, mais elle ne veut plus jouer, pas quand l’adversaire triche et ne joue pas ses propres cartes.
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Elle n’était que désir et brûlure. Elle sentait son sexe battre au rythme de son cœur comme ce soir-là sur le balcon. Pour se sortir de cette impasse charnelle, elle examina les toilettes dès que le champ fut libre. Elle fit le tour pour voir d’où pouvait venir le problème. Charlotte, bras croisés derrière elle, détaillait l’allure de Patricia alors qu’elle s’attaquait aux problèmes de tuyauterie de la maison. Sa tenue de combat, classique et sobre, révéla qu’elle ne portait pas de soutien-gorge et laissait apparaitre l’excitation de la plombière. Elle la trouvait terriblement sexy au milieu de ce spectacle caricatural. Évidemment, si on oubliait qu’elle était en train de pomper le fond d’une cuvette avec une ventouse géante. Mais Charlotte restait imperturbable.
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Charlotte n’appréciait guère les mâles dominants, surtout ceux qui pourraient lui faire de l’ombre dans les dîners. Peu sûre d’elle, de sa culture et de sa capacité à participer à toutes les conversations, elle n’avait pas envie que la personne à son bras puisse mettre ce manque en exergue. Aussi, Simon, comme les autres, faisait pâle figure face à la petite bande. Ça n’enlevait rien à leur gentillesse ou à leur douceur la plupart du temps, mais pour eux, le politiquement correct était d’un ennui mortel, et ils finissaient par se dire que le jeu devait forcément amuser Charlotte, car il s’agissait là d’un comique de répétition. Mais Simon surprit l’assemblée en saluant chacun d’entre eux, allant même jusqu’à serrer les mains de Lucien et Patricia.
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Patricia s’était retrouvée à table en face d’une petite blonde aussi belle qu’agaçante. Charlotte parlait beaucoup, riait fort, charmait tout ce qui portait un caleçon et dévorait des yeux le jeune marié. Ce dernier élément était plutôt dérangeant, mais quand elle était lancée, Charlotte avait une fâcheuse tendance à s’attirer la sympathie de son auditoire. Patricia ne fit pas exception. Elle profitait du fait que celle-ci dévisageait le marié pour la dévisager à son tour. Des cheveux longs, blonds et ondulés, attachés nonchalamment dans un chignon, des yeux verts en amande, un visage mutin et un regard rieur. Il fallait l’avouer, elle était à tomber.
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Ce n’était pas Koh Lanta, mais ce n’était pas le Park Hyatt non plus. Et depuis le weekend où elle avait omis de se munir de ses produits d’hygiène féminine, elle avait édité un tableau Excel, détaillé et précis, de tout ce dont elle pourrait avoir besoin, avec une liste à cocher, complétée de séjour en séjour. Une fois que vous savez que votre téléphone ne captera pas de signal, que les douches sont à l’eau froide, que les courses se font en bateau avec un trajet aller-retour de deux heures et demie environ, et qu’une bonne lecture est une précieuse alliée, vous pouvez passer un bon weekend.
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L’accoutrement militaire mettait plutôt son corps en valeur, mais le chemisier et le tailleur révélaient sa féminité, ce qui plairait peut-être plus à sa cliente. Ce fut en déposant une ponceuse dans sa sacoche à outils, peu utile pour déboucher des toilettes, qu’elle s’aperçut qu’elle divaguait complètement. Charlotte avait été claire, inutile de se torturer pour son allure.
Elle prit sa sacoche à outils, sa veste et se rendit jusqu’à son quatre-quatre. Sa tenue de travail bureaucratique et sa Porsche Cayenne la caricaturaient moins que le treillis, les outils et la grosse voiture.
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Pousser Patricia à se confier sur ce qu’elle endure depuis des années, dans un silence toxique. Mais pour Charlotte, cette nuit ne s’est pas éteinte non plus. Il y a eu tous ces hommes, et Patricia. Deux vies et deux routes possibles. L’éternelle recherche d’un côté, et l’impossible trouvaille de l’autre. Elle a bien conscience maintenant qu’elles n’ont pas vécu toutes ces années de la même façon. Elle voit bien que Patricia se bat avec elle-même depuis ce matin. C’est pourtant Charlotte qui s’est fait avoir dans l’histoire. Elle a suivi sa partenaire dans son jeu et elle a perdu.
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