Variante
dedans comme dehors
les souffles
les glaives
la salive des blasphèmes
le déchaînement des songes
qui parle l’oreille collée
au secret qu’il ne dit pas ?
quelle voix s’insinue entre les lèvres
afin que la mer soit annoncée ?
QUATRE MOUVEMENTS
sous le signe de Beethoven
Homme, tu portes ton enfance comme un
stigmate dans la mémoire.
La vengeance t'essouffle. Tu ne cesse pas
de trembler. Il arrive même que tu pleures.
Qui parle d'édifier, qui parle de détruire,
puisque tout mot proféré est redoutable ?
La faute qui t'accable, tu ne pourras jamais
lui donner un nom.
Simplement, tu es debout et nul ne peut
savoir ce qu'il t'en coûte. L'arbre est ton sem-
blable. Vous luttez, là où l'on ne peut se rejoindre.
Dans l'énigme des racines.
p.20
SAISIR/ÊTRE SAISI
Il faut trouver, trouver. Mais comment
se murer et s'ouvrir à la fois ?
Pierre-Albert JOURDAN.
I
Le passant n'a rien dit : ce n'était pas son rôle.
Il a seulement traversé la nuit
pour faire la preuve de son ombre.
Le froid était vif. Nous nous hâtions vers nos refuges.
Dehors le givre est resté seul avec nos cicatrices.
Sûrement, l'amoureuse attendait un visiteur. . .
Le jour l'aura pris en otage.
Sous nos yeux, le feu a scellé un pacte
avec la cendre de toutes nos écritures.
p.51
SAISIR/ÊTRE SAISI
I
Qui répondra pour la soif de l'exilé ?
Peut-être ces mots que tu as bannis.
Chaque matin, le vent s'éprend de ses blessures.
Une chance, que le jour ne laisse pas échapper.
Avec le chant, l'éternité s'enfonce
dans la mémoire. Ewig . . . Ewig . . .
Ensuite il a remercié l'orage.
Des bribes de tonnerre grondaient encore ;
un éclair, difficilement, surnageait.
p.52
On voudrait s'en tenir alors à l'interprétation
la plus simple. Que la lumière coïncide avec le
projet que nous lui prêtons.
Mais, hormis celle de l'oiseau, quelle liberté
osera se mesurer à l'espace ?
Promesses. Intentions… Seule la rosée habite
au plus près des choses, confère une réalité à
ses demeures.
Quant à nous, qui pourvoira à notre ini-
tiation ?
Car les mots n'y suffiront pas.
(sans titre)
ce n’est jamais vraiment un table
dans le poème / simplement une table
cela ressemble trop à un poème
je le gomme
je le fais disparaître au fond d’un bol
je fais passer le bol de main en main
mon poème est le deuil d’un poème
les vivants sont assis autour de la table
VISAGES EN QUESTION
pour Martine.
La peinture fait obstacle à
la vision pour mieux capter
l'invisible.
Georges Perros.
I
Tu revêts les visages de saisons inouïes. Tu
couvre la toile de couleurs dont on ne sait si
elles recevront jamais un nom (le bleu, le jaune,
le rouge. . . je puis énumérer, je ne ferai que trahir).
Le lieu où le pinceau te guide, toi-même
tu l'ignores, car ton geste te précède comme un
présage.
Voici qu'une lumière fugitive déchiffre tes
signes. Et te donne raison.
Un instant, nous avons vu, par delà nos
murailles.
L'inconnu resurgit plus loin pour te mettre
à l'épreuve.
p.33
(note bleue)
bas et lourd
ce couvercle
son poids de détresse
de peurs qui s’amoncellent
sans peine
les oiseaux le soulèvent
ou simplement
ils l’ignorent
leur chant est ici
et déjà ailleurs
dans le jour qui court à sa perte
ils écoutent
plus loin que ce qui est perdu
APPROCHES
pour André Schmitz
9
l'heure venue
un présage agite les branches
l'archet
incise le récit
marcheur au souffle miraculé
inclinant l'aveu
vers une vallée
de très ancienne sagesse
je respire
APPROCHES
pour André Schmitz
7
l'aube récolte les défis
stupéfaits les mots
s'entassent dans la grange
où l'hirondelle fait halte
d'où elle jaillit
pour graver
sur le blason du jour
des initiales
qui pourraient t'appartenir
8
Le rapace
traverse
neige
et cendre
gagne
son désir
le plus vif
puis retrouve
très haut
l'œil
de l'homme
frappé
de folie