QUATRE MOUVEMENTS
sous le signe de Beethoven
Homme, tu portes ton enfance comme un
stigmate dans la mémoire.
La vengeance t'essouffle. Tu ne cesse pas
de trembler. Il arrive même que tu pleures.
Qui parle d'édifier, qui parle de détruire,
puisque tout mot proféré est redoutable ?
La faute qui t'accable, tu ne pourras jamais
lui donner un nom.
Simplement, tu es debout et nul ne peut
savoir ce qu'il t'en coûte. L'arbre est ton sem-
blable. Vous luttez, là où l'on ne peut se rejoindre.
Dans l'énigme des racines.
p.20
VISAGES EN QUESTION
pour Martine.
La peinture fait obstacle à
la vision pour mieux capter
l'invisible.
Georges Perros.
I
Tu revêts les visages de saisons inouïes. Tu
couvre la toile de couleurs dont on ne sait si
elles recevront jamais un nom (le bleu, le jaune,
le rouge. . . je puis énumérer, je ne ferai que trahir).
Le lieu où le pinceau te guide, toi-même
tu l'ignores, car ton geste te précède comme un
présage.
Voici qu'une lumière fugitive déchiffre tes
signes. Et te donne raison.
Un instant, nous avons vu, par delà nos
murailles.
L'inconnu resurgit plus loin pour te mettre
à l'épreuve.
p.33
SAISIR/ÊTRE SAISI
Il faut trouver, trouver. Mais comment
se murer et s'ouvrir à la fois ?
Pierre-Albert JOURDAN.
I
Le passant n'a rien dit : ce n'était pas son rôle.
Il a seulement traversé la nuit
pour faire la preuve de son ombre.
Le froid était vif. Nous nous hâtions vers nos refuges.
Dehors le givre est resté seul avec nos cicatrices.
Sûrement, l'amoureuse attendait un visiteur. . .
Le jour l'aura pris en otage.
Sous nos yeux, le feu a scellé un pacte
avec la cendre de toutes nos écritures.
p.51
SAISIR/ÊTRE SAISI
I
Qui répondra pour la soif de l'exilé ?
Peut-être ces mots que tu as bannis.
Chaque matin, le vent s'éprend de ses blessures.
Une chance, que le jour ne laisse pas échapper.
Avec le chant, l'éternité s'enfonce
dans la mémoire. Ewig . . . Ewig . . .
Ensuite il a remercié l'orage.
Des bribes de tonnerre grondaient encore ;
un éclair, difficilement, surnageait.
p.52