(sans titre)
ce n’est jamais vraiment un table
dans le poème / simplement une table
cela ressemble trop à un poème
je le gomme
je le fais disparaître au fond d’un bol
je fais passer le bol de main en main
mon poème est le deuil d’un poème
les vivants sont assis autour de la table
(note bleue)
bas et lourd
ce couvercle
son poids de détresse
de peurs qui s’amoncellent
sans peine
les oiseaux le soulèvent
ou simplement
ils l’ignorent
leur chant est ici
et déjà ailleurs
dans le jour qui court à sa perte
ils écoutent
plus loin que ce qui est perdu
(lied)
on va sur la berge
perdu dans la perte
dont la rivière suit le cours
notre visage de mort
est déjà passé par là
comme on rêve pourtant
d’un grand lit d’indulgence
et d’être ce marcheur
dont le visage est en paix
et qu’on n’a pas vu venir
(à la mémoire d’Imre Kertész)
ces ornières derrière nous
creusées
ces coups de pelle
fugue fracassée
et ces corps
ces tas de corps
lui quand même
respirant
et la main qui écrivait
d’une page non ensevelie
il nous enfante
(après une lecture / Joë Bousquet)
les mots attendent de nous
autre chose que nous-mêmes
c’est cela
que secrètement ils écoutent
lorsque nous les prononçons