La vraie finalité de l'art appartient exclusivement à l'artiste. Un oeuvre, c'est avant tout un cri, un besoin d'exprimer quelque chose, une envie de transgresser. Ce que les gens en pensent ou vont faire avec n'est finalement pas vraiment important. Chacun est libre de lui donner une fonction, une valeur. Qu'allez-vous faire avec les tableaux que je vous ai vendus ? Vous allez sans doute les vendre à votre tour, et vous faire beaucoup d'argent. Ou vous les garderez, parce qu'ils signifient quelque chose d'important à vos yeux. La réussite d'un artiste ne tient pas seulement aux prix qu'il fait aux enchères. D'autres données rentrent en compte, la plus importante étant la vérité de l'expression. Elle est unique, comme l'est chacun de nous. Plus tard, quand on regardera mes toiles, on pourra aussitôt dire : "C'est un Bacon". On comprendra le sens de ma démarche qui est restée cohérente, quelle qu'ait été la façon de l'illustrer. L'échec, ce n'est pas que vos tableaux soient utilisés pour je ne sais quelle transaction financière fumeuse. C'est de vouloir être tout, et au bout du compte, de n'être rien.
Ces douze derniers mois, une révolution m'avait frappé de plein fouet. Etait-ce la maladie qui avait tout bouleversé ? Sans doute pas. Elle n'avait été au mieux qu'un catalyseur parmi d'autres, propice à une remise en question. Je n'avais pas non plus changé par besoin de rédemption. Il me semblait trop facile de remettre les choses à l'endroit, par souci de bonne conscience, lorsqu'on savait que la mort était proche. Pourquoi alors ? Pour tenir une promesse ? Ou par amour ?
Cette dernière question me déstabilisa. Je ne m'attendais pas à ce que mes pensées m'amènent là. Soudain, je me sentis fébrile. L'évocation de ce mot me rendait vulnérable.
Sans magie, la vie n'est rien. Sans utopie, le cynisme gagne.
J'aime beaucoup la photographie. C'est l'art qui, par le biais du cadrage, rend l'objectivité subjective.