Entretien avec Romain Puértolas à propos de La petite fille...
On dit souvent qu’après un grand succès, il est difficile d’écrire son deuxième roman. Pour vous, comment est née l’idée de ce livre, après le retentissement planétaire de L`Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA ?
J’ai écrit ce livre en deux semaines et demie alors que le Fakir n’était pas encore sorti en France et était déjà acheté par les maisons d’édition à l’étranger. Cela n’a pas été difficile d’écrire ce deuxième roman, car pour moi c’est un neuvième roman !!
Le fakir et la factrice ont en commun d’accomplir un grand voyage. Est-ce un thème qui vous inspire particulièrement et pourquoi ?
Fakir/Factrice, je voulais jouer sur la proximité phonétique de ces deux mots. Le fakir était quelqu’un de très atypique, alors que j’ai insisté sur le côté très commun de cette factrice. Je voulais un personnage ordinaire à qui il arriverait quelque chose d’extraordinaire. Le voyage fait partie de ma vie. Je vis dans le mouvement. J’ai déménagé 32 fois en 39 ans. J’aime les cultures, les langues, j’aime me promener dans mon jardin : la Terre.
Malgré l’aspect onirique de votre histoire, vous décrivez minutieusement chaque élément et faites preuve de précision. Est-ce pour vous une façon de rendre crédible l’invraisemblable ?
Au contraire, je ne pense pas être très détailliste. Je laisse beaucoup de place à l’imagination du lecteur. Je décris les personnages ou les lieux de deux coups de pinceau. Car pour moi ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est ce qui leur arrive.
Vous faites intervenir des personnages réels dans votre roman : contrairement à ceux du Fakir, dont les noms étaient modifiés, ici, Barack Obama et François Hollande sont bien présents, et vous osez vous glisser dans leur peau pour des dialogues humoristiques. Faut-il y voir un message politique ?
Oui, avec le Fakir, je déformais. Maintenant, je laisse les personnages réels tels quels et m’amuse avec eux. Je ne suis pas politique, je la déteste. Je déteste tout ce qui divise les gens : la religion, le football et la politique. Voilà trois choses que je voudrais voir disparaître de la face de la Terre. Alors, je me moque et les ridiculise.
Vous avez traité des sans-papiers, vous vous attaquez cette fois à la maladie. Aimez-vous particulièrement vous confronter à des thèmes délicats ?
Oui, j’en ai fait une « mission ». J’aime aborder des sujets délicats, des sujets qui font notre vie, mais d’une manière légère et humoristique. Écrire sur des choses tristes de manière triste ne m’apporte rien.
Votre écriture est devenue plus noire, plus critique que dans votre premier livre, comme on peut le voir dès les allusions à Tchernobyl. Comment expliquer cette évolution ? Est-ce que le succès vous a donné une forme d’assurance pour prendre position plus fermement ?
Je prends ma petite position. Je suis un idéaliste, un utopique. J’aimerais un monde sans guerre et sans conflits, sans haine, sans jalousie, sans envie, sans meurtres gratuits. Malheureusement, tous ces sentiments sont propres à l’homme. Ce monde n’est pas possible, alors je l’invente dans mes livres.
Léo dit à son coiffeur : « c’est la plus belle histoire qu’on vous ait racontée ». Est-ce ainsi que vous définiriez votre rôle d’écrivain : raconter les plus belles histoires possibles ?
Oui. Je ne suis pas un écrivain. Je suis un raconteur d’histoires. J’invente des histoires et j’espère qu’elles soient les plus jolies possibles.
Romain Puértolas et ses lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Sans doute Le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne.
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Aucun puisque je continue d’écrire !
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Emile Zola. J’adorais Zola.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Je lis tellement que je n’ai pas le temps de relire les livres. Mais je pense que j’ai relu L`Ecume des jours de Boris Vian
plusieurs fois.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Ulysse de James Joyce ? Je l’ai commencé en anglais, en espagnol et en français. Impossible. J’y comprends rien ! Ce n’est pas du plaisir, c’est de la torture. Or, pour moi, la lecture, c’est du plaisir.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
La dernière en date est L`ours est un écrivain comme les autres de Kotzwinkle. J’adorerais l’avoir écrit !
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Ulysse. AHAHA !!
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
J’en ai dix mille. Donc impossible de vous en dire une.
Et en ce moment que lisez-vous ?
6 livres en même temps, comme d’habitude. Le restaurant de l`amour retrouvé d`Ito Ogawa, Comment braquer une banque sans perdre son dentier de Catharina Ingelman-Sundberg, Une histoire de tout, ou presque... de Bill Bryson, Engañar a Houdini d`Alex Stone, Les 13 marches du mentalisme un livre de prestidigitation de Tony Corinda, Fakirs, fumistes et cie de Paul Heuze, etc.
Découvrez
La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel de
Romain Puértolas aux éditions
Le Dilettante :

"Les Ravissantes" le nouveau roman de Romain Puértolas
Un livre, c'est quelque chose de très personnel. On ne l'interprète pas tous de la même façon. Il ne réveille pas les mêmes émotions en chacun de nous. Que les gens lisent ce qu'ils veulent! Ce qui les fait le plus vibrer, croire, rêver, mais qu'ils lisent!
- Je n'ai jamais connu mes parents biologiques, et je doute de les connaître un jour.
- T'as pas la curiosité de le savoir ?
- Disons que je considérerais cela comme un manque de respect vis-à-vis de ceux que j'appelle papa et maman, qui m'aiment et qui m'ont toujours tout donné comme ils l'auraient fait pour leur propre fils de sang. Pour l'instant, disons que je suis heureux sans savoir. Je n'éprouve pas le besoin de savoir.
Je connais un peu la mentalité de la campagne, où les enfants commencent à fumer à dix ans, où on leur apprend à conduire à douze, où on les envoie travailler en toute impunité pendant les vendanges, la récolte des pêches ou des poires. Je suis un produit cent pour cent de la ville, mais mon oncle, qui avait une exploitation (le mot veut tout dire) dans le sud de la France, ne se gênait pas, durant les grandes vacances, pour m'envoyer, en dépit de ma jeunesse, cueillir ses tomates pour pas un sou, avec les mêmes horaires que ses ouvriers adultes et salariés.
–Par où me faut-il commencer ?
–Il y a cette phrase que dit le roi dans Les Aventures d’Alice au pays des merveilles : « Commencez au commencement et continuez jusqu’à ce que vous arriviez à la fin, ensuite, arrêtez-vous. » Je pense que cette méthode a fait ses preuves.

En vérité, gourmand comme il l’était, notre fakir ne pouvait passer plus d’une journée sans s’alimenter. Dès que le soleil se couchait, chaque soir, on était venu refermer la toile de tente pendue devant le figuier et il s’était nourri des victuailles que son cousin Rhibbasmati (prononcez Riz basmati), complice de bon nombre de ses tours, était venu lui apporter. Pour ce qui était des vis et des boulons, ils étaient en charbon, ce qui, loin d’être très agréable à manger, était tout de même plus facile à déglutir que de vrais clous en acier, aussi rouillés fussent-ils.
Mais Ajatashatru n’avait jamais jeûné enfermé dans une armoire sans victuailles cachées dans le double-fond. Peut-être y arriverait-il s’il y était contraint. Après tout, il s’appelait Aja (prononcez À jeun). Le médecin de Kishanyogoor lui avait un jour affirmé qu’un être humain, fakir ou pas, ne pouvait survivre en moyenne plus de cinquante jours sans nourriture et pas plus de soixante-douze heures sans eau. Soixante-douze heures, autant dire trois jours.
Ne vous inquiétez pas, les ouvriers des Postes et Télégraphes (P & T) sont à la tâche et la communication devrait être rétablie en fin de semaine. Mais avouez qu'il y a un certain charme à retrouver le plaisir d'une bonne lecture, d'une conversation entretenue au rythme du courrier et un peu de lenteur dans ce monde au tempo effréné.
L'embarras que provoque le mensonge chez celui qui en est coupable, la peur d'être démasqué entraînent une activité gestuelle importante. C'est proportionnel, plus on bouge en parlant et plus on ment.
Mais l'erreur est humaine. C'est pour cela qu'il y a des gommes au bout des crayons à papier.
Eh bien moi, j'aimerais mieux être incinérée, lui avait dit la Française. j'aurais trop peur de me réveiller dans un cercueil. - Et de vous réveiller dans une urne, ça ne vous fait pas peur? lui avait rétorqué le fakir
Mais pour rendre cette conversation un brin plus intéressante, disons que je suis toujours un peu révolté lorsque j'entends quelqu'un s'exclamer " Hitler était inhumain !" alors que ce qu'il a fait, sans l'approuver cela va sans dire, est, au contraire, très humain. Incontestablement humain même ! Vous connaissez beaucoup d'animaux, vous, qui construiraient des camps de concentration pour y exterminer d'autres animaux à cause de leur couleur de peau ou leur religion ?