Marcel Mathiot

Les extraits des carnets de Marcel Mathiot constituent un ouvrage rare car il n’existe que très peu de témoignages sur la vie des personnes arrivées à un très grand âge. Mais cette seule raison ne serait pas suffisante à en faire apprécier toutes les qualités et l’ouvrage en possède beaucoup.



Tout d’abord, il est très bien écrit.

L’ancien instituteur était cultivé certes, mais il avait un réel et très grand talent d’écrivain. Si cette existence débridée n’avait pas été obnubilée par la jouissance amoureuse, Mathiot aurait pu sans doute oeuvrer à une carrière littéraire très étonnante et couronnée de succès.

On songe ici souvent à Paul Léautaud, mais encore plus souvent à Jules Renard. Marcel Mathiot en a la plume déliée faite d’observations incisives sur les travers et vanités de ses contemporains. Comme Renard, il a aussi cette poésie teintée de nostalgie et de tendresse.

Si sa désinvolture, son coeur d’artichaut sont irritants, il nous faut lui reconnaitre une vie consacrée à l’éducation et au service souvent des plus démunis, effectuée dans la discrétion sans forfanterie ou recherche de gloriole.

Ce paradoxe de lucidité et de légèreté surprend et n’en rend que plus humain cet homme épris de liberté et d’humanisme.

Fond et forme réunis par un même talent font, selon moi, de ce livre posthume un très grand livre et de M. Mathiot, un personnage inoubliable.

Cet ancien instituteur retrace dans des carnets qu'il a écrits tout au long de sa vie l'histoire de ses amours, en parallèle avec l'histoire de son pays et sa condition d'instituteur. A savourer . Une belle lecon sur la fin de vie et notre capacite a aimer

Marcel Mathiot «Carnets d’un vieil amoureux» - éditions Philippe Rey (2008 - ISBN 978-2-84876-126-8), préface de Philippe Delerm, texte présenté par Claire Hauter et Bernard Fillaire.



Un témoignage "extra-ordinaire".

Marcel Mathiot, né en décembre 1910 à Amiens, commença à tenir ses "Carnets" dès l’âge de 16 ans, à partir de 1927. Marié en 1932 à une institutrice, il fut de ces canoniques «instituteurs secrétaires de mairie» ruraux, de surcroît directeur de l’école primaire dans laquelle il exerce à Contigné, situation fréquente à cette époque. Il prit sa retraite d’instituteur en 1968, et abandonna le secrétariat de mairie en 1977. Il sera élu conseiller municipal puis premier adjoint. En 1982, le couple renonce à la maison de Contigné et s’installe à Angers, dans un appartement. Son épouse décède en janvier 2000.



Les extraits des carnets publiés ici commencent précisément au premier janvier 2000, au moment où il devient veuf, mais contiennent de fréquentes allusions aux carnets antérieures.



Au premier rang de ces "Carnets" vient le monde féminin : cet homme a vécu entouré de femmes, il en a aimé certaines, il continue à en fréquenter, et aura même une liaison passagère avec une jeunette de 36 ans ! Sa grande passion charnelle partagée reste Mado, 82 ans, jusqu’à son dernier soupir ; son grand amour fou fut Hélène, 81 ans, et bien d’autres. Les quelques témoignages sur les conditions de vie avant 1940, puis avant les années 1960 sont captivants, ses réflexions sur la vie actuelle tout autant.

Un sacré bonhomme. Un témoignage incontournable et bien plaisant sur la période 1930-2000.

Attention toutefois : certaine dame de ma connaissance juge qu’il ne s’agit que d’un vieil égoïste…

La pudeur pour ce livre eut-été de "tirer le rideau" sur l'entrée à l'hôpital pour escamoter ces derniers instants de vie qui n'apportent rien au propos de notre vieil amoureux. C'eut été lui faire grâce d'une fin qu'il ne désirait pas.