Allons à São Paulo, Carlos passait son temps à m'en persuader, on fera du théâtre ensemble là-bas, il connaissait des troupes, Recife, c'est mort pour les gens qui ont du talent comme toi, là-bas ils reconnaîtront tout de suite ta valeur, ton humour hors du commun, mon amour, il n'y a personne comme toi, tu sais, aussi drôle. J'étais follement amoureux, avec Carlos je me sentais capable de reprendre un cirque en faillite, de courir au bout du monde, mais je n'avais jamais pensé à abandonner ma mère, mon père, mes frères ont besoin de moi, je suis le coeur de la famille...
on se souvient, on se souviendra éternellement de la fin de l'innocence, de ce qui est resté de ce premier amour, du jour où son cœur est allé en enfer et est revenu, les mains vides, parce que cette joie, ces flammes, ces braises, c'était du vent, qui l'aurait cru ? (p.22)
Je suis un vieil homme et ces histoires dénuées de tendresse m'anéantissent et m'effraient, alors l'exercice que je fais, concentration, apaisement de l'esprit, une vie consacrée au théâtre pour y parvenir, m'éloigne de l'horreur, la réalité, au moins publiquement, ne me blesse ni ne m'abat. (p.18)
Ma dramaturgie vient de là, aujourd'hui je le sais, de ces carences j'ai construit mes personnages errants, malheureux mais confiants, taureaux sauvages, peuple qui se dresse, fier et ressuscité, galerie insistante d'âmes perdues entre grâce et disgrâce. (p.30)
le vrai théâtre c'est ce que moi, au prix de dures et pénibles batailles sur ma terre, à cette époque, je continuais à faire, ignorant, échoué, solitaire, au bord de la mort éternelle. (p.22)
je ne regrette rien, je comprends mon destin, tragique, c'est de lui que j'ai construit mon art, mon plus grand sacrifice, toute ma liberté. (p.152)
j'écris pour redonner vie aux personnes que j'ai aimées