Le mot lendemain n'existait plus et les longues minutes du présent ne laissaient aucune place aux pensées réconfortantes.
On (des Néerlandais) avait fabriqué une affiche sur laquelle on pouvait lire : the Germans stole our food, the Canadians our heart! Ces mots en disaient long sur leur reconnaissance
Même si les soldats allemands étaient mes ennemis et qu'ils m'avaient fait subir les pires épreuves de ma vie jusque-là, j'étais capable de comprendre qu'ils voulaient la même chose que moi, gagner cette guerre. Nous faisions donc ce que nous avions à faire, et donner la mort en faisait partie.
Pour ma part, je n’appréhendais pas mon retour au Canada, mais j'étais anxieux à l'idée de devoir rencontrer les familles de mes amis disparus. J'étais toutefois très positif et je faisais confiance à la vie; elle m'avait bien servi jusque-là.
Ce que nous étions en train de vivre nous confrontait à des réalités qu'il nous avait été impossible de saisir à l'entrainement. Dès mes premiers pas sur le sol normand, j'ai compris ce qu'était la guerre.
C'était comme si je me retrouvais en plein milieu d'un orage sans qu'aucune goutte de pluie ne me tombe dessus. Une étoile, quelque part, devait me protéger.
(Débarquement de l'infanterie à Juno Beach le 6 juin 1944)
C'était la guerre comme on la voit au cinéma, mais cent fois plus terrible que lorsqu'on l'observe de l'extérieur. La vision de la fin du monde, je l'avais devant moi.
Nous avons déposé nos sacs dans la voiture à bagages. Ils renfermaient des outils, des munitions, des gamelles ainsi qu'un kit bag, une poche contenant nos vêtements, et notre "cercueil", une couverture dans laquelle on nous enveloppait si nous mourions au front.
Il faut avoir beaucoup souffert pour oublier qui on est.
Certains s'injectaient de l'eau de Javel dans les genous pour attaquer leurs articulations, d'autres avalaient des pois durs pour espérer faire apparaître des taches aux poumons lors de la prise de radiographie.