Collabos et résistant - Conférence avec Romain Slocombe sur la saga Sadorski
Johnny Thunders a été retrouvé mort dans sa chambre de motel de la Nouvelle-Orléans en 1991. Le corps portait des traces de coups mais les flics locaux ont bâclé l'enquête, attribuant le décès à l'héroïne alors que le musicien suivait depuis des années un traitement de substitution par la méthadone. Les dealers doivent être de nos jours au moins quinze à raconter lui avoir fourgué la dose. Une nouvelle légende urbaine.
On allait éteindre Paris. C’était tout naturel, mais ça faisait un effet étrange, Paris sans lumière. C’est comme si on allait éteindre toute la clarté du monde.
Erich Maria Remarque
Arc de Triomphe
Dans cette partie de l'Europe, les frontières bougeaient souvent. Il existe une plaisanterie à ce sujet: "Un type est né en Autriche, il est allé à l'école en Pologne, il s'est marié en Allemagne, il a eu des enfants en Union soviétique, et il est mort en Ukraine. Et pendant tout ce temps, il n'a jamais quitté son village!"

"Notre informateur avait aussi rédigé un long mémorandum sur le soutien occulte du patronat français aux éléments de la droite extrême et à la politique allemande. Il citait MM. Peugeot et Scheller, qui est le directeur de L'Oréal et de Monsavon, comme financiers du CSAR, mouvement surnommé la Cagoule, notait que M. Albert-Buisson, président de Rhône-Poulenc, était un vieil ami de Pierre Laval... Ostniski avait copié une liste une liste de tous les donateurs de la Cagoule: autant que je me rappelle il y avait la société Michelin, les huiles Lesieur, un groupe de soyeux lyonnais, les chantiers de Saint-Nazaire, Pont-à-Mousson, les peintures Ripolin, le syndicat de l'industrie lyonnaise, Saint-Gobain, Cointreau, Lemaigre-Dubreuil, et des banquiers, notamment la banque Words...Les souscripteurs étaient recrutés par le Polytechnicien Eugène Deloncle, fondateur du MSR. Vous comprenez, nos grands patrons avaient connus une sale frayeur en 1936 avec la Front Populaire... Alors dans ces milieux-là, l'expression courante était "Vivement qu'Hitler vienne mettre de l'ordre!"
Dans cette atmosphère glacée, nette et fonctionnelle, Sadorski, passant la paume sur ses joues envahies de barbe, ses doigts dans ses cheveux blancs mal peignés, se sent crasseux, vil et puant. Ravalé aujourd'hui à l'état des youtres qu'il envoyait régulièrement coucher au Dépôt. Lui, Léon, René, Octave Sadorski, engagé volontaire en novembre 1917, médaillé de guerre, policier expérimenté, chef de brigade de voie publique de la direction des Renseignements généraux et des Jeux, loyal serviteur du Maréchal, de l'Etat Français, descendu brusquement au rang de sous-homme, si l'on compare avec ces inspecteurs diligents et sûrs d'eux, ces géants SS en tenue noire impeccable. Si Yvette le voyait!... Ce matin, avec sa veste, son pardessus fripés, sa mine chiffonnée et hagarde, il symbolise à la perfection sa nation rabaissée, trahie par les francs-maçons et les juifs.
Par curiosité, il retourne au salon examiner la bibliothèque. Les lectures sont une bonne information en général sur la psychologie et les idées politiques des visités. Et puis les femmes lisent beaucoup, c'est bien connu. A partir d'un certain niveau d'éducation.
"Mon cœur est un cimetière."
Danielle CASANOVA
paroles prononcées à Auschwitz
(au sujet de l'acteur Harry Baur)
pas plus loin qu'avant-hier, rue des Saussaies, le Doctor Yodkum lui a raconté avoir servi d'interprète durant l'interrogatoire, par le SS-Sturmbannführer Tiemann, de Rika Baur; et l'inspecteur Jalby, lui aussi de l'unité spéciale antijuive, a vu Harry Baur frappé par Dannecker et Tiemann à coups de tabouret. Les Baur ont été libérés en fin d'année faute de preuves, mais l'acteur - ce colosse du cinéma français qui avait notamment interprété le rôle de Jean Valjean-, ramené ensuite chaque jour à la Gestapo de l'avenue Foch pour de nouveaux interrogatoires, est mort à son domicile dans d'atroces souffrances, ayant perdu 37 kilos à cause de l'acharnement des nazis... L'affaire a été étouffée, évidemment.
Et lui revient en mémoire, Dieu sait pourquoi, la blague radiophonique de Pierre Dac qui faisait tant rire Yvette... Ce ne sont pas les enfants sur la banquette arrière qui font les accidents, mais bien les accidents sur la banquette arrière qui font les enfants...
Tu sais comment ça se passe les exécutions à Suresnes? Moi, j'en ai déjà vu. Des otages juifs que j'ai fait fusiller parce que c'était des rouges! Des pourritures, des têtes de cons comme toi! On les fait partir à 6h30 du matin de Drancy ou du fort de Romainville. Chaque détenu est enchaîné et accompagné par deux SS. Les cercueils font le voyage avec eux. Pas de couvercle, ça fait gagner du temps. On les fabrique tous de la même taille, donc certains trop justes pour les macchabées qu'on y mettra. Ceux-là, on les fait rentrer entre les planches à coups de pied. Les otages ont le droit de formuler leurs dernières volontés, de fumer une cigarette, et pour ceux qui veulent, de demander l'assistance d'un aumônier.