Citations de Marilyse Leroux (50)
Je me suis couchée
dans ton ombre
pour savoir ce que c'est
être toi
Nos corps ensemble
formaient une haie
entre deux jardins
À gauche
l'écarté des collines
à droite l'arc des dunes
Notre désir
ne savait où aller
alors nous l'avons allégé
de tout ce qui fait la dune
de tout ce qui fait la colline.
( anthologie " Grâce ")
Sur la côte
les phares un à un s'allument
où tenir haut les défis de la nuit.
Rien ne sortait de ma bouche. J'ai pris mes doigts pour les compter, ce n'étaient pas les miens. La nuit avait mangé nos ombres.
Je me souviens de mon arbre…
Je me souviens de mon arbre fort et fier de
respirer avec moi. Je n’ai pas appris sa patience.
Il me faudrait davantage de bleu dans la
bouche. Davantage de chants dans l’oreille,
davantage de lait sur ma peau. Davantage de
peau sur mes os.
Plumes, vent, poussière, les arbres d’ici me
saluent dans leur langue. Leur liberté m’a appris
à respirer. Je reprends souffle dans la leur.
Le mien, ma mère l’avait planté le jour de son
dernier lait. J’ai chanté sans son ombre, grandi
dans ses feuilles. Si la vie est un arbre, sa
lumière sera mon talisman.
L’exil est une terre sans pardon…
L’exil est une terre sans pardon. Aujourd’hui
encore, je compte mes doigts en me demandant
si leur nombre m’appartient.
Les feuilles se donnent à d’autres feuilles, les
fleurs à d’autres fleurs, les femmes à tout le
reste.
Qui prendra soin de nous, sinon nous- mêmes ?
…
Des grues bétonnent le ciel, la vie broyée dans des cailloux. Rien n'effraie les tourterelles.
Il reste une bague d'eau au doigt du pont. Dans les clapotis de l'ombre je reconnais leur visage, non pas la mer, non pas la fin, mais les lèvres qui me parlaient.
Un autre arbre
Un autre arbre
s’appuierait à son ombre
dans un air plein de jour
à sa cime la pesée
d’un amour.
J’imagine un arbre
J’imagine un arbre
revenu d’autrefois
avec la lumière neuve de ce qu’il a vu
Sa silhouette
croiserait la nôtre
sans nous reconnaître
La nuit le garderait
pour un autre lendemain.
On l’entendrait
creuser sa peine dans le noir
pour une trace dans la neige
un reflet sur les rocs
il bâtirait un temple à son désir
et la source reviendrait.
Qu'on ne traite pas le Zôziau de piaf ou de tête de linotte! Naïf, innocent, imaginatif, ce doux rêveur aime élire domicile sur les toitures, les frondaisons, promontoires et belvédères, d'où sa position au sommet de l'évolution rézôliente, très loin de son ancêtre le dinozôre avien dont il semble issu.
Une fleur t'appelle
dans le jardin de solitude
Tu te penches sur elle
et donnes tes yeux
à la couleur de l'instant
Tu la pares d'un nom
plus doux que la douceur
afin de préserver
cet espace entre vous
Tu te penches sur elle
elle avale ton ombre
et s'ouvre à ta pensée
(" Cinq roses pour ton jardin")
Tu entres
au coeur de l'espace
comme dans un nid
où tu poserais les ailes
Un duvet de rose
à tes pieds
pour te consoler
du poids de la terre
Et toujours
autour de toi
cette douceur de l'air
qui te dit
que toute chose
est habitable
ici-bas.
(" Le temps d'ici")
Je me sais la somme…
Je me sais la somme
des milliers de vies
qui bougent en moi
Et pourtant je me sens une
— unique —
parmi tous les autres
Une île moi aussi.
Nous ne dormons pas…
Nous ne dormons pas
c’est la nuit qui dort en nous
d’un œil ou de plusieurs
Il arrive qu’elle nous visite
en plein jour
entre deux marées
Nous la laissons faire
le noir possède ses lumières
Marée basse…
Marée basse
le temps se retire
dans l’îlot de ma rêverie
Les pins me font signe
du haut de leur falaise
Je les laisse faire
comme les aiguilles d’un cadran
dont je pourrais avoir besoin.
LES COURANTS SONT MULTIPLES
Les courants sont multiples
les mouvements d’aimer aussi
Il arrive qu’une lumière
se penche différemment
sur nous
Nous donne à voir
une image détachée
de ce que nous sommes.
COMBIEN DE BALBUTIEMENTS
Combien de balbutiements
au ras de l’eau
de conversations d’étoile à étoile
pour habiter un caillou ?
L’écume babille à la surface
En-dessous
la mer prépare ses relèves
dans un recueillement de baptistère.
AUTOUR DE NOUS/LE MOUVANT DEVIENT CERCLES
Autour de nous
le mouvant devient cercles
îlots concentriques
les courants brassent les sables
vers un centre possible
Il faudra du temps
avant la nacre
LIVRE OUVERT…
Livre ouvert
sur les genoux
le bleu de l’amandier
racontait un autre bleu
sa blancheur un autre blanc
Il est tombé du soleil
entre ses branches
le temps l’a mélangé
au jeu des couleurs
Depuis le chant
porte son nom.
Certains arbres
ont appris à veiller
sur le sommeil des morts
On leur pardonne leur silence
pour ce qu’ils ont entendu.
Les seuils ont viré bleu…
Les seuils ont viré bleu
sous la fumée des orages
La terre à bout de source
nous attend
nous tend ses lacets
Et partout sur les seuils
la sandale sèche du désir.
Le soleil est si vert…
Le soleil est si vert
dans l’herbe nouvelle
l’oiseau n’a pas dormi
Le désir ouvre ses ailes
dans la lumière docile
Et le jour croît
de la parcelle d’un songe.