"Vous dire que, sans quelques écrivains comme vous, que j'admire et chéris, une épaisseur d'intelligence et d'humanité manquerait à mon appréhension du monde." Martine Mathieu-Job, MON CHER ALBERT (mai 2021)
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Je suis d'Algérie, je vis ici, dans le bruit et les couleurs de Bab-el-Oued, dans la rumeur des marchés odorants, dans sa brise marine qui parcourt l'air tout entier, dans ces sillages d'odeurs suaves, de fleurs et de parfums bon marché que portent les femmes voilées. La rose et le henné, l'oeillet et le mimosa : des essences fortes qui saturent l'odorat.
Le maître ne fait pas état de ces impressions pourtant perceptibles à tous. Il enseigne comme on enseigne sur l'autre rive. La France éternelle, le roman national, ses héros, ses drames et ses guerres. Il tient à ce que notre langue soit pure et châtiée.
Mon premier jour de classe a été un véritable événement familial. L'heure qui précédait mon départ eut une agitation de ruche. Tandis que ma mère tentait de démêler ma tignasse frisée... Melkheir, ma grand-mère, me faisait répéter mon nom de famille, que je découvrais pas la même occasion. Jusqu'à ce jour, je répondais au nom de Fatima bent Mohammed. Fébrile, Yémouna, ma jeune tante, s'est brûlé les doigts en retournant les "msemens" qu'elle faisait cuire pour l'occasion... Brahim, mon grand père maternel, était descendu de sa montagne...pour m'offrir les habits et les souliers à lacets qu'il avait achetés la veille au souk du village. Quant à Mouloud, mon grand père paternel, il s'activait à nettoyer ses chaussures et à ajuster son chèche blanc car c'était lui qui allait m'accompagner.
(Fatima Besnaci-Lancou)
Je suis retournée à Mercier-Lacombe, redevenu Sfisef, en 2015, soixante ans plus tard. Les deux écoles, celle des filles et celle des garçons, existent toujours, de part et d’autre de l’église devenue mosquée, attendrissantes, avec leurs arbres aux troncs badigeonnés de blanc. Mais à quelques centaines de mètres seulement de la petite source, se trouve maintenant un monument à la mémoire d’autres institutrices, onze martyres, égorgées, à la rentrée des classes 1997, par intolérance religieuse, pour le crime de s’être, elles aussi, dévouées à apprendre à lire et à vivre à d’autres petites filles.
Les héritiers ont dû accomplir un travail difficile, des détours multiples, pour approcher un pays mythique dans sa complexité. L'Algérie est "un pays étranger", "un monde perdu", "déchu", "interdit", fantôme...Le mot exil court d'un texte à l'autre... "J'ai hérité d'une guerre que je n'ai pas vécue"
Martine Mathieu Job et Leila Sebbar
Nous autres, enfants de pieds-noirs, sommes en fâcheuse posture : invités à nous exprimer sur l'Algérie héritée de nos parents ou grands-parents, nous devons vite admettre qu'elle est bien lointaine. Certes,des souvenirs ont bercé notre enfance et notre adolescence, mais ce n'étaient pas les nôtres, ni notre histoire... (Guillem Querzola)
Le livre s'ouvre à une page aimée....
Texte dactylographié daté de janvier 1936 offert par Camus à Mireille et Lucien Bénisti. Il préfigure les premiers essais de Camus publié chez