Il y a un an, jour pour jour, la bête mécanique se ruait sur la France. Victimes de leur neutralité, la Hollande et la Belgique s'écroulaient dans le sang. Le pays qui - selon l'expression du Président de la Chambre des députés belge - s'est "fait une spécialité du crime", "l'agresseur des antiques ruées" dont parlait naguère Clemenceau, partait à l'assaut de l'Occident. Endormie par de faux stratèges dans les formules d'une guerre périmée, travaillée par des dissensions et des complots dont l'ennemi tenait les fils, trahie par certains de ceux qui avaient pour mission de la défendre, la France fut terrassée. Mais Jeanne, qui tira la Patrie d'un abîme plus profond encore, nous dit : "Ce n'est pas pour toujours".
Comme il arrive dans tous les siècles, une poignée de mercenaires s'est mise au service du vainqueur provisoire. Les dignes fils de ceux qui - pour brûler une sainte - se drapèrent dans le manteau de l'Eglise, ont inventé cet euphémisme : "La collaboration avec l'Allemagne", pour dissimuler ce forfait : "L'intelligence avec l'ennemi". Après s'être résignés à la défaite, ils ont exalté la défaite. On a entendu le Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Vichy célébrer comme le début d'une ère nouvelle cette date du 10 mai 1940, anniversaire du grand deuil de la France. Pire encore : voici que ces prétendus Français se flattent d'assister Hitler dans sa course éperdue vers la victoire impossible, vers cette victoire qui retrancherait pour des siècles de la communauté française Alsaciens, Lorrains, Flamands, Picards, Francs-Comtois, Niçois, sans compter les fils de nos terres impériales déjà sournoisement envahies. Mais Jeanne qui a vu la Cour de Bourges et ses valétudinaires chamarrés, Jeanne qui fut victime d'un procès de sorcellerie parce qu'elle voulait poursuivre le combat jusqu'à la délivrance, Jeanne nous dit : "Patience ! Ce n'est pas pour toujours". (11 mai 1941.)
A un enfant, quel que soit son âge, on n'a jamais le droit de voler la fin d'une belle histoire.
Je préfère un futur imprévisible à un futur imposteur."