[...] Dans le siècle où nous sommes,
Vous ne l'ignorez pas, on rencontre des hommes
Qui, parés d'un bienfait qu'ils n'ont jamais rendu,
En arrachent le fruit qui ne leur est pas dû.
(L'Andrienne - 1729)
MONCADE : Ma lettre sera perdue, je suis au désespoir. On verra que je vous priais de venir passer à la campagne quelques heures avec moi chez ma tante, et ceux qui ne cherchent que l'occasion de vous déchirer... Mais, de grâce, apprenez-moi ce qui vous agite si furieusement contre moi.
LUCINDE : Ah ! le détour est fort adroit, je l'avoue, et je serais peut-être assez bonne pour te croire si le billet pouvait s'accorder à ce que tu dis. Je l'ai, ce billet, il est entre mes mains ; ne t'informe point de la manière dont il y est venu, et voyons comment tu feras pour tourner à mon avantage tout le mépris qui y paraît de moi.
MONCADE : Du mépris pour vous ?
LUCINDE : Oui, cruel ! et dans toute son étendue. (Elle lit.) " Je suis à la campagne depuis deux jours, et j'y suis sans Lucinde. La complaisance que je suis obligé d'avoir pour une tante malade me fait rester dans une étrange solitude. N'essaiera-t-on point de me la rendre supportable ? Si vous ne vous chargez de ce soin, ma chère, Lucinde, toute la terre ensemble n'en viendrait pas à bout ; je n'aimerai et n'adorerai que vous de ma vie. Adieu. "
Acte II, Scène 11.
Pasquin
Moi ? Point ; je trouve cela le mieux du monde : aimer celle-ci aujourd'hui, demain la trahir, prendre de l'une pour donner à l'autre, fausses confidences, noirceurs, billets sacrifiés, flatteries, médisance, bagatelles ! me voilà prêt à tout. Nous n'en serons pas plus riches à la fin ; mais nous rirons bien. N'est-ce pas monsieur ?
Moncade
Ah ! je suis ravi de te voir raisonnable.
Croyez-moi, monsieur, et vous croirez une fille toute affectionnée à vos intérêts : soyez heureux pendant que vous pouvez l'être ; il vient un temps où le désir de le devenir n'est plus qu'un désir désespérant. Vous ne serez pas toujours aimable, et vous ne trouverez pas toujours une Lucinde qui vous aime.
Bon, lui ! Il se défierait de vous si vous lui disiez que vous le haïssez. Il est si prévenu de son mérite qu'il croit qu'on est forcé de l'aimer dès qu'on le voit. J'entends quelqu'un, c'est peut-être lui ; il donnera dans tous les panneaux que vous lui tendrez.
[...] Dans le siècle où nous sommes,
Vous ne l'ignorez pas, on rencontre des hommes
Qui, parés d'un bienfait qu'ils n'ont jamais rendu,
En arrachent le fruit qui ne leur est pas dû.
acte 2, sc. 2 (Pamphile)
Tel qui rit le matin pleure à la fin du jour ;
Et le proverbe dit que chacun a son tour.