
Depuis ma chambre, située dans l'une des plus hautes tours au Sud du palais, j'avais une vue magnifique. À mes pieds s'étendait un immense jardin, orné de grands et majestueux arbres centenaires à la blancheur immaculée, sous lesquels reposaient des petits bancs de pierre marmoréens. Les fontaines étaient couvertes de glace et l'eau semblait suspendue dans sa course par un arrêt du temps. Les dalles scintillantes nous faisaient la promesse d'une échappée enchantée à travers ce paysage aussi magique que mystérieux. Des nappes de fleurs aux doux reflets bleutés et argent s'étendaient çà et là, parsemant le manteau neigeux de petites notes colorées. L'hiver était peut-être éternel ici, mais loin d'être stérile. La vie s'en était accoutumée.
Plus loin, une clôture de fer blanc gardait jalousement l'arrière du palais. Elle encadrait toute la bâtisse, finement ouvragée et véritable œuvre d'art à elle seule. Mais la clôture n'était pas seulement là pour décorer, elle était renforcée par un enchantement rendant l'accès au palais impénétrable pour quiconque n'était pas le bienvenu. Il suffisait d'observer le halo bleuté qui s'en dégageait pour s'en apercevoir. Un petit portail donnait accès à un sentier, assez escarpé, qui descendait jusqu'à la plage. La Mer de Cristal, parsemée d'icebergs, était si agitée qu'elle ne gelait jamais entièrement. Une unique couche de glace mince et fragile faisait le lien entre la plage enneigée et les flots déchaînés. La Vallée Scintillante s'étendait sous mes yeux, encadrée de montagnes recouvertes de conifères se tenant miraculeusement droits malgré le poids de la neige sur leurs branchages.
« - Ne sous-estime jamais l'effet de surprise, ma chérie. Bien des guerres que l'on pensait sans issues ont été remportées grâce à cela, car même en nombre et en puissance inférieurs, il y a toujours un espoir tant que l'on a la volonté de vaincre. »
– Pour résumer la situation, nos plus lointains voisins avaient des soupçons sur une planète, une planète noire qui semble maléfique et sur laquelle nous n’avons que très peu de renseignements. Elle était sans activité et ne présentait aucune menace, mais depuis peu, il semblerait qu’elle se soit… réveillée…
– Et c’est grave ?
– Le problème, c’est que nous ne savons rien, à part qu’il s’en dégage une puissante force obscure…

Les cinq hommes sombres qui avaient regardé toute la scène depuis les dunes, sans bouger, se mirent lentement en marche vers nous. D’un geste de main du premier, tous les civils neutralisés disparurent. Nous ne savions absolument pas à quoi nous attendre et étions un peu angoissés. Nous nous replaçâmes en demi-cercle, face à eux et attendîmes leur arrivée en position défensive.
La peur me gagnait et laissait place peu à peu à une intense panique. Je tentai de me maîtriser et saisis ma hache à deux mains, essayant par la même occasion de contenir mes tremblements.
Les hommes en noir se rapprochaient de plus en plus et, vus de près, ils étaient très impressionnants. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale, alors que j’attendais le moment décisif.
⎯Muti mali telli ! hurla Gaia en s’élançant face à l’un de ces hommes.
Apparemment, elle préférait tenter sa chance avant que l’un d’entre eux ne lance une offensive que l’on ne pourrait contrer, car nous ne savions absolument pas à quoi nous attendre.
Le lierre de Gaia s’enroula autour des jambes de l’homme en noir, qui n’eut qu’à tendre la main pour le réduire en cendres.
Je passai d'abord par les cuisines afin de demander à ce qu'on m'apporte un repas pour mes amies et moi-même à midi au dôme. Une fois dehors, je ne pus m'empêcher de m'arrêter un instant en haut des marches du palais, émerveillée par la beauté du paysage : il avait neigé cette nuit-là et les rayons du soleil faisaient scintiller le manteau blanc comme des milliers de diamants. Ajouté à ce décor, la palais ressemblait à un énorme cristal de glace, brillant de mille feux. Je me sentis tout à coup incroyablement fière d'appartenir à cet endroit et une chose était sûre : j'allais tout faire pour le sauver!
⎯ Maintenant, laisse-moi tranquille, je t’appellerai quand j’aurai décidé de mon plan. Ils vont tous payer et ils verront que ce qu’ils ont connu sur Diamant n’était qu’un échauffement !
L’homme éclata alors d’un rire diabolique qui me fit frissonner malgré mon habitude pour le caractère cynique du Grand Maître. Je quittai la pièce précipitamment relevant la tête et adressant un large sourire aux gardes lorsque je passai devant eux. Puis, je me retirai dans mes appartements, attendant sagement que le Grand Maître me fasse part de son nouveau plan.
Bon, je crois que je vous ai dit tout ce que vous aviez à savoir. Une dernière chose : gardez bien ceci à l'esprit : Galatéa, tu maîtrises la Glace et bien plus encore grâce à ta hâche, Despina, le Feu, mais aussi la Terre, Naiad, l'Air et tout ce qui s'y rapporte, et Larissa, le Métal sous toutes ses formes. Ce sont là les seuls indices que je peux vous donner sur vos pouvoirs. Je vais devoir vous laisser maintenant, j'ai pas mal de choses à faire encore pour la réunion ce soir... N'oublie pas que nous t'y attendrons, Galatéa.
Il est un ex-dieu et moi une simple humaine, mais également la petite fille d'une terrible sorcière. Nos mondes diffèrent en tous points, de même que nos antécédents. Cet homme, qui était un parfait inconnu il y a peu de temps, est à présent tout ce qu'il me reste avec Kaisa. On ne peut certes pas parler d'amour entre nous, et puis j'ai passé l'âge de croire au prince charmant. Ces choses-là prennent du temps, mais je sais que j'éprouve une certaine affection pour lui et qu'il m'attire, indéniablement.
Le reste de la journée passe très vite. Nous travaillâmes sans relâche, ne nous accordant qu'un court instant de répit pour prendre notre repas de midi. Chaque jour qui suivit se passa de la même manière, jusqu'au moment tant attendu du prochain entraînement.
Cependant, nous étions toutes inquiètes à l'idée d'affronter une nouvelle fois les colosses car, malgré les nouvelles combinaisons d'attaques, aucune de nous n'avait trouvé son nouveau pouvoir.
– Il est temps de te révéler la Prophétie, lança-t-elle dans un murmure à peine audible tout en fixant de ses yeux brillants comme le clair de lune.