Dix nouvelles sur les seize m'ont particulièrement surpris et enthousiasmé par leurs angles d'approche de la figure
zombiesque. Les cinq restantes sont loin d'être mauvaises mais elles ont moins su capter mon attention. (Étant moi-même l'auteur de Matriochki, je ne suis pas en mesure d'en parler objectivement.) Peut-être par leur manque d'originalité ou bien
par leur trop grande ressemblance avec d'autres oeuvres. Ce qui fait que le défi de l'innovation proposé par le concours
Zombies n'est pas à mon sens tout à fait relevé. La complexité de l'entreprise y est certainement pour beaucoup. Malgré tout, même si certains récits ne renouvellent pas le genre, leur style est suffisamment plaisant pour assurer un agréable moment de lecture. Je vais désormais aborder brièvement les nouvelles qui ont su me transporter.
La Condition, Marion Gallant :
Le zombie y est traité de façon décalée et ironique. le récit est autodiégétique et le lecteur peut donc suivre en direct les transformations atroces que subit l'héroïne. Une réflexion originale sur l'ambition professionnelle.
Le Rêve étrange du Professeur Waldmann,
Laurent Femenias :
Voilà une nouvelle qui pourrait marquer les balbutiements de la science-fiction. Un grand récit classique qui aurait pu s'appeler Hubris et Catharsis. Il n'y a pour ainsi dire pas de chute mais la richesse du style et du propos pallient ce petit inconvénient.
Le Réveil, La Manna :
Les images suscitées par le style étrange de cet auteur peuvent paraître absconses. Mais ce ton décalé sert à merveille un message inattendu dans un tel recueil. Une chute qui prête à sourire est suffisamment rare dans l'ensemble de cet ouvrage pour être mentionnée.
Le Carrefour du Diable,
Olivier Masson
La principale originalité de cette nouvelle est de transporter la figure du zombie dans un espace temps inédit. le Moyen-âge et sa peur du Diable.
Les Nouveaux cafards,
John Steelwood :
L'auteur propose dans son récit un retournement des valeurs. Qui est le véritable monstre ? le zombie ou l'être humain ?
John Steelwood interroge son lecteur sur la légitimité de cet instinct de survie que possède l'homme.
Pantins, Yoann Legave :
Aucune autre nouvelle ne décrit avec autant de maestria les états d'âme du zombie qui se souvient avec regret de son ancienne condition d'être humain.
Les nouvelles des jurés
Carine Roucan et
Pierre Dupuis,
Rémy Garcia et enfin
Leïla Rogon mettent toutes trois en scène, sur des partitions différentes, l'amour jeté en pâture aux démons de la survie. La dernière oeuvre du recueil, celle de
Lanto Onirina, sorte de point d'orgue d'un orchestre funèbre, met un point final à cette chasse aux
zombies dont ni les personnages de papier ni le lecteur ne sortiront indemnes.
Je ne peux pas terminer ma critique en ne parlant pas des illustrations du génial Jimmy Rogon. La couverture est sanglante et trash à souhait. Elle attire l'oeil du potentiel acheteur et c'est exactement son rôle. Quant aux dessins intercalés entre les différents récits, ils sont d'une finesse et d'une exécution si parfaite qu'ils parviennent à hisser le gore et l'horreur au rang d'art. Ils subliment les pépites littéraires contenues dans ce très bon recueil.