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Citation de michelekastner


Pour se consoler, Jean instruit des comparaisons. Il se répète, par exemple, que l'errance de Didon est encore plus douloureuse que la sienne : quand la mort emporte celle que vous aimez, elle a beau vous l'enlever, elle ne vous enlève rien d'autre, tandis que l'abandon pur et simple vous retire tout d'un coup en jetant sur le tout premier serment la lumière noire du mensonge. C'est pathétique, mais il ne trouve rien d'autre : comparer sa douleur à celle d'une héroïne, soupeser les deux souffrances, passer par la fiction pour supporter la réalité. Il revient donc au chant IV de L'Enneigé comme on se blottit dans un vieux manteau. S'il avait su... S'il avait su, enfant, que l'excitation et la peur qu'il éprouvait chaque fois qu'il ouvrait le livre lui seraient un jour des consolations, il se serait senti moins coupable devant ses maîtres, mais qu'auraient dit ses maîtres de cette déréliction sans Dieu, de toute cette détresse à cause d'une pécheresse ? Sans doute le savait-il. Sans doute avait-il senti très tôt que la plainte de Didon recevait en lui un écho favorable, jumeau, qu'il était profondément de son côté. Il mouline ses évaluations tout le jour, ventile son esprit et son coeur mais ne fixe rien. S'il parvenait pourtant à mettre des mots à lui sur cette souffrance, il fabriquerait son antidote, saurait y revenir chaque fois que nécessaire, chaque fois que le chagrin viendrait le lancer, celui-ci ou un autre. Son antidote est celui du monde entier. Ecrire la tragédie de l'amour trahi, la tristesse pure de l'abandon, la suffocation, n'écrire que cela, cinq actes durant, oui, se dit Jean, rien d'autre que cette suffocation, et ainsi dépasser Virgile.
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