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Critiques de Nelcya Delanoë (4)
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D'une petite rafle provençale

L'histoire racontée, véridique, se déroule essentiellement à Villeneuve-les-Avignon qui n'est pas située en Provence, certes, mais l'auteure qui ne méconnaît pas les limites territoriales de cette contrée, a souhaité conserver ce terme : à l'époque et c'est toujours d'actualité, la porosité entre cette petite ville et Avignon est grande, et puis, en 1942 et en 1943,et jusqu'à la fin du conflit, Villeneuve dépendait en matière d'autorité militaire de la X Armée allemande , installée à Avignon, et puis lès ou lez signifie « tout près »,'Nelcya possède une résidence secondaire à Villeneuve-lès-Avignon (Sa « retirade »). (Son père y habita à sa retraite)

Un jour de marché (le jeudi!), une amie ,Marion, lui remet une photocopie.

Plus tard, chez elle, elle découvre qu'il s'agit d' un texte en vers d'Aragon « le médecin de Villeneuve », le poème est précédé une courte introduction : “Le 31 août 1942 à Villeneuve-lès-Avignon c’est la grande chasse aux Juifs. Une femme se jette par la fenêtre plutôt que d’être prise, d’autres sont assommées, rouées de coups, et meurent ».

Intriguée, elle va alors s'intéresser au récit qu'en fait Aragon qui lui même résida à Villeneuve pendant l'été 1942. (Maison Place de l'Oratoire, actuellement charmante et romantique maison d'hôtes « Les Saisons »).

Elle va tenter de retrouver trace de cette rafle qu' Aragon date du 31 août 1942.

Le parcours va être particulièrement difficile : Les contraintes, les obstacles nombreux vont jalonner son enquête , mais avec obstination, persévérance, professionnalisme, recherche de l'authenticité et de la vérité, elle poursuivra ses investigations .

Ses compétences d'historienne vont lui permettre de compulser et de pouvoir interpréter les archives municipales de Villeneuve, départementales à Avignon, à Nîmes , les archives nationales de la gendarmerie détenues au château de Vincennes, celles du Centre de documentation juive....





Elle essaiera aussi d'obtenir des renseignements auprès des habitants de Villeneuve, témoins souvent mutiques, désireux d'oublier ce passé peu glorieux.Les renseignements glanés sur Internet lui seront également utiles pour compléter ce qu'elle a pu reconstituer. Elle se rapprochera aussi de deux écrivains de confession juive qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet ( notamment Lewendel Isaac dont la mère mourut en déportation et Weisz Bernard , tous deux firent une intervention remarquable dans le cadre des conférences organisées par l'Université populaire d'Avignon).

Il lui faudra beaucoup de pugnacité pour enfin découvrir ce qui se passa non pas à la date indiquée par Aragon, mais quelques jours plus tôt le 26 août 1942, de vigilance aussi pour ne pas obérer la réalité.

Ses travaux vont lui permettre aussi d'apprendre qu'une autre rafle fut menée l'année d'après en juillet 43, et elle a pu établir, non sans peine, la liste des victimes.

Au total ce furent une vingtaine de juifs qui furent déportés lors de ces deux rafles sur 67 qui vivaient sur la commune. ( rafles initiées par les Allemands mais aussi par les autorités françaises et les maffieux à la solde de l'occupant) .

L' auteur , par ce récit entend honorés ceux qui furent déportés et qui n'en revinrent pas, mais aussi à ceux qui échappèrent aux rafles ou qui survécurent.



Tous les aléas rencontrés pendant cette enquête, donnent du corps au récit, véritable enquête policière par certains côtés.

Récit intéressant aussi qui fait revivre le quotidien pendant la guerre , la vie artistique qui s'y déroulait (Seghers, Aragon, Triolet...).

Beaucoup de détails concernant les décrets en vigueur à cette époque, les rapports moraux rédigés par les édiles (!) , les recensements, les fiches sur les individus. En analysant ces données, l'auteur pointe de nombreuses erreurs : transcriptions incomplètes d'identité, noms incorrectement orthographiés . Elle estime que cela est du à une combinaisons d'incompétence mais peut être aussi d'erreurs volontaires … ce qui va aussi complexifier l'enquête menée.



Ce récit va permettre aussi à Nelcya Delanoë de rendre hommage à sa grand-mère juive, qui dut s’exiler en Amérique pour échapper à un sort funeste, médecin, elle ne put retrouvé son poste à l'issue de la guerre. Elle extrapole sur tout ce qui, a l'époque actuelle, pourrait donner lieu à une surveillance policière malveillante ( les panneaux « voisin vigilant », c'est en quelque sorte une invite à rester vigilant pour que « La Peste » ne resurgisse pas comme le pensait Camus.

Elle dénonce aussi les difficultés (levées en partie aujourd'hui ?) à devoir prouver sa nationalité française, pour le renouvellement de documents d'identité quand on est né à l'étranger, de parents eux-mêmes nés hors métropole...

Conclusion :

Une belle lecture. Un livre très prenant, émouvant, attachant particulièrement bien documenté.

L'auteure conclut « Entraînée en terres inconnues par les beaux yeux de Marion et les strophes d'Aragon, j'ai été surprise et prise (…) J'ai beaucoup reçu de ce périple et j'ai, paradoxalement, beaucoup reçu de ce qui ne s'est pas transmis, ou si mal : la mise au jour de cette histoire invisible a fécondé d'autant la mienne » .

Cette lecture m'a apporté, personnellement tout cela , et bien plus encore .



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Indiens des plaines, les peuples du bison

Trouvé d'occasion cet ouvrage m'a passionné. Il s'agit du catalogue de l'exposition tenue à l'Abbaye de Daoulas en 2000. Il se présente sous forme d'une série d'essais : Seigneurs de la prairie /Un cercle de nations/Danse avec les chevaux/Le bison des plaines/Pratique religieuse et chamanique/Catlin et Bodmer dans les Grandes Plaines/ Guerre et mariage,confréries et clans/ le photographe et les indiens des plaines/Reservation Blues/ Comme le Phénix/ . En annexe cartes, chronologie et bibliographie. Les essais sont d'un très bon niveau et couvrent de nombreux aspects de la vie de ces peuples. Enfin les illustrations ( artisanat/ Peintures / photographies) sont remarquables et très nombreuses.
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Voix indiennes, voix américaines : Les Deux V..

Malgré un aspect assez austère et l‘accumulation de textes souvent juridiques, « Voix indiennes, voix américaines, les deux visions de la conquête du Nouveau Monde » est un ouvrage très intéressant permettant d’éclairer la face sombre de la Conquête américaine et plus particulièrement celle de l’Ouest.

On ne peut que ressentir du dégout et de la gêne en voyant ce que les colons blancs ont fait aux autochtones, avec sous le couvert d’un respect apparent nimbé de légalité, une politique de domination ultra violente ne laissant aucune place à l’autre.

Aujourd’hui il ne paraitra pas exagéré de parler de crime génocidaire tant les colons ont pour imposer leur propre culture (christianisme, mercantilisme, urbanisation) tenté de détruire celle des peuples locaux.

Le désastre s’étale donc, page après page et ne rend que plus poignants les textes d’Indiens éduqués tentant de protester par les voies juridiques du « système » colonial ou ceux plus poétiques d’écrivains rendant hommage au style de vie libre et proche de la nature des Indiens.

Je ne peux donc que recommander à tous la lecture de ce livre essentiel, ne serait ce que pour apprendre à respecter ceux qui sont souvent réduits aux rôles de « méchants » dans les westerns.
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Casablanca-Hanoï

Une histoire aux temporalités et aux frontières enchevêtrées



« Dans les sables mouvants de l’histoire des pays pourfendus par la guerre civile et la décolonisation, il reste toujours des histoires enfouies. Enfouies, enterrées sous des couches de sédiments humains, sous des respirations dont les échos nous parviennent encore ». Dans sa préface, Histoires dés-enfouies et transmises par des femmes, François Guillemot parle, entre autres, d’histoire, de sciences humaines et sociales, du destin heurté d’une femme nommé Dung, « femme métisse vietnamo-marocaine et enfant de la guerre d’Indochine », de dimension psychologique, « celle de mettre en avant un processus de recherche-création qui vise à établir à la fois une micro sociohistoire de colonisé.es/décolonisé.es et une création littéraire à cheval entre le témoignage sur autrui et le récit de soi tout en ne négligeant pas les enjeux pratiques et intellectuels d’une recherche », d’histoire de femme malmenée par la guerre des hommes, du voile de la domination, des « poussières d’empire », des « convolées » des espaces frontaliers, de recherche-création, de mémoires… Une belle introduction à ce livre singulier…



Je souligne en premier lieu le choix d’une écriture à plusieurs voix, le ton hors des manies de l’académisme, la présence des deux autrices et celle palpable de la dénommée Dung.



Nelcya Delanoë et Caroline Grillot parlent, entre autres, de femmes « socialement méprisées et privées d’existence légales », de récits intimes, de rencontres et d’histoire, d’orphelin·es, de parents biologiques et de parents adoptifs, « Imbroglio de parenté, mariage, adultère, remariage, concubinage, abandon, adoption, fuite, double voire triple filiation, progéniture ballotée entre affins et sans suivi systématique par l’état civil », de recherches et de documents, de colonisation et de lutte de décolonisation, de métissage dans des régions où cela est « mal vu », de soldats et de blessures, de la guerre, « La guerre détruit, blesse, tue, abolit histoires et archives – et donc identités administratives »…



Au fil des recherches et des déplacements géographiques, « le puzzle devient carte en relief », les figures de Dung se dessinent, « née métisse dans une famille bancale et brisée », « fille d’exclus, fille vendue et souillée, encore plus méprisée depuis ce drame », « doublement orpheline, deux mères deux pères, s’est fait bousiller la vie à force d’être femme, métisse et descendante d’« Européens noirs » comme on qualifiait les Arabes à l’époque au Viêt Nam », l’entrecroisement des destinées se précisent, des colonisés peuvent « rejoindre » le combat d’autres colonisés…



Les autrices abordent aussi les sens de mots dans des langues différentes, les lois du silence imposées aux « témoins de l’histoire », les « câbles enfouis, maquillés au point de les rendre méconnaissables » les histoires coloniales, le vertige des histoires d’« identité », les voyages d’amour er de libération, « Ainsi des poussières d’empires ont-elles, comme le pollen, voltigé au fil de décisions bureaucratiques et de la fin des guerres dans la guerre »…



Un récit et des échanges de correspondances, des incarnations situées de vie, des réflexions sur les exigences du travail scientifique, des constats sur le nouveaux camps ici et maintenant, « des réseaux de camps de centres d’accueil de centres d’hébergement, des centres de tri et de triage », le temps des démocraties « coquilles vidées, des barbelées hérissés de lames de rasoir, des camps et de leurs miradors », les transformations des services publics en machines pour client·es…



Je souligne notamment La Porte, « entre troncs et branches, une prote marocaine dressée là, haute et ciselée, trois arcs de pierre, des moulures noircies et effritées, des piliers nervurés pour supporter les chapiteaux, Meknès en plein Tonkin » et son devenir.



Et le temps des destinées retrouvées, malgré le tourisme pédophile, les politiques d’ajustement structurel, les traumatismes et les dérives toxiques, le passage « d’un coté à l’autre du trottoir », la reconnaissance légale, le devenir citoyen « au nom d’un père spectral »,



« L’«L’affaire Dung» s’était étirée sur une décennie, avait déclenché une cascade d’événement et noué des liens à la fois délicats et forts entre une migrante vietnamienne métis, une historienne française pied-noir du Maroc, une ethnologue bourguignonne, un ambassadeur du Royaume chérifien et une fonctionnaire maroco-vietnamienne – surtout des femmes ».



Voici donc un ouvrage, heureusement décalé de l’ordinaire des sujets et des formes d’écriture, un apport historique et humain plus que bienvenu. Un livre aussi contre les « lignes biseautées, aplanies, arasés par la lame de fer de l’histoire officielle », une « minuscule épopée »…



« Impossible fin de notre livre, il nous échappe, il s’échappe ». Ce livre contribuera j’espère aussi à penser le monde et l’avenir d’une espérance colorée et créolisée.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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