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Critiques de Nicolas Weisbein (2)
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L'évolution religieuse de Tolstoï

Nicolas Wiesbein, Christianisme et socialisme, 1964.



Nicolas Weisbein qui fait partie du club très fermé des gens de lettres distingués à avoir au moins écrit deux livres sur Tolstoï comportant une analyse fine sérieuse et savante de la vie et de l'oeuvre du célèbre écrivain ; jamais au grand jamais en écornifleur, écartant du même coup toute idée d'assaillant et répugnant même à l'idée de s'en mêler au risque de souiller son âme et son intelligence, pose les vraies questions dans une chronique de la Revue des Etudes Slaves de 1964 : Christianisme et socialisme qui procède d'ailleurs de la Correspondance de Tolstoï avec Biriukov paru à la même époque sous le titre Socialisme et Christianisme.



J'y lis ceci :

"Ce qui pousse Tolstoï à agir contre l'Eglise et l'Etat, c'est bien le sentiment religieux qu'il a en lui dès le départ. Autrement dit, la source initiale de sa pensée sociale est avant tout religieuse. Il suffit de se reporter à son Journal intime des toutes premières années pour s'en convaincre."



Je mettrais un bémol : - Que la pensée sociale de Tolstoï soit avant tout de source religieuse est indéniable. Que Tolstoï soit habité par le sentiment religieux dès le départ est déjà sujet à caution, puisque justement au départ, selon les mêmes sources, il dit à se comparer à ses frères et soeur et à la famille plus généralement qu'il n'y connaît rien, qu'il est même de fait agnostique et fermé aux choses de l'Eglise. Si l'on va chercher dans les airs de Tolstoï, des associations avec les textes bibliques, oui on en trouve, mais le hic c'est que Tolstoï présente une contradiction -qui n'a rien pour surprendre- dans sa vie jusqu'à 30 ans il brandit des règles morales d'essence chrétienne pour lui-même mais s'en éloigne à chaque fois dans sa vie courante, il est même ouvertement dissolu et est donc rattrapé par ses pulsions de sensuel incorrigible. Il n'arrête pas dans sa correspondance de regretter ses erreurs sans pouvoir y porter remède. D'où plus tard, sa Confession, sa Résurrection . Ce qui est trompeur c'est que Tolstoï n'a jamais nié qu'il n'était pas vertueux, à comparer à son frère Nicolas ou à sa soeur Marie.. et que les choses de l'Eglise ne lui disaient franchement rien, il n'était pas pratiquant. Au contraire même, très tôt il voit l'Eglise et ses mensonges, ses billevesées ou ses chimères et ça lui sort par les trous de nez !. Plus tard il concevra l'idée que le bonheur doit régner sur terre et non là haut à valeur hypothétique .. Plus tard il fera l'effort de croire à une forme de chrétienté primitive, ira même jusqu'à faire une relecture des Evangiles à tel point que ses travaux intrigueront Nietzsche. le philosophe le mentionnera dans ses brouillons de l'Antéchrist sans d'ailleurs jamais citer son nom, par crainte de ne pas être le premier sur l'affaire peut-être ?



Ce n'est d'ailleurs pas qu'une pensée sociale tolstoïenne qui va naître à l'image du Christ, c'est aussi une philosophie, une conscience de la condition humaine. Les angoisses dont il va souffrir parfois au long de sa vie, c'est plus l'absence objective de sens donné à sa vie , les vieux démons reviennent toujours : il se demande s'il a les ressources en lui pour dominer ses tourments et vaincre ses travers, il craint manquer de ces forces là, et en tout cas quand il magnifie sa vie dans ses fictions, ça ne lui est d'aucun secours moral ; d'ailleurs il les réfute après coup sans appel comme la manifestation d'un orgueil insupportable. L'exercice de l'artiste écrivain est solitaire .. Il me semble que c'est dans le Diable (nouvelle commencée en 1889, achevée en 1909 et publiée à titre posthume) où il lâche carrément les chevaux au regard de sa lutte pour le bien comme s'il mettait pour la première fois genou à terre. Il mettra pourtant une deuxième fois genou à terre et pour la dernière fois, à mon avis, ce sera sa fuite qui revêtira un autre sens !..



Je lis par ailleurs ceci : "Pour Tolstoï, le socialisme est l'application du christianisme au plan économique". Il me semble pertinent de préciser que Tolstoï rejette le socialisme en tant que système idéologique, il le manifestera haut et clair dans sa Lettre au révolutionnaire et à propos d'Anatole France dont il dit, à part les louanges, que son unique problème c'est le socialisme.. Et d'ailleurs ai-je besoin de le dire, c'est d'une telle évidence ! Tolstoï en appelle à la responsabilité de chacun, c'est plutôt giscardien que socialiste !..



Quant à Biruikov qui fut le secrétaire et le biographe émérite de Tolstoï, je le critiquerais sur un point fondamental : -qu'est-ce que ça donne un tolstoïen une fois que le Maître n'est plus là : une part d'égarement malgré lui dans ce que Tolstoï ne fut jamais, surtout qu'en vingt ans il y aura des bouleversements dans ce pays comme dans un siècle. J'aimerais d'ailleurs être démenti sur ce point !
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L'évolution religieuse de Tolstoï

Auteur de ce Sup philosophes intitulé Tolstoï écrit en 1968, à l'abri des pavés je présume, Nicolas Weisbein nous dit par exemple :

"La vie, la mort, l'amour, Dieu, tels sont les problèmes qui l'ont toujours préoccupé, à des degrés divers, certes, et dès ses plus jeunes années, et c'est peut-être parce qu'il a mis tant de lui-même, de sa pensée dans ses oeuvres de jeunesse et de sa maturité qu'il a connu un tel succès et une telle pérennité."



J'en suis intimement convaincu et pas qu'un peu, ce qui n'est pas banal parce qu'on a pris l'habitude d'en dire différemment, sauf que le Dieu dans ses jeunes années, il était fâché avec, il lui renvoyait une image peu flatteuse de lui-même, c'était un gros pêcheur, et je pense qu'à la place de Dieu on aurait pu mettre les femmes, la luxure qui va d'ailleurs nourrir ses premiers textes, comme la guerre pour la faire comme ensuite pour ne pas la faire ..



Plus tard, quand on lui commandera une autobiographie dont il finira par écarter l'idée, il avait à l'esprit en se devant de tout dire de rapporter des choses de sa vie qu'il méprisait au plus haut point, une autre vie, un autre Tolstoï, ce qu'il ne lui eût pas permis de parler de Dieu sans quelque honte.



Oh bien sûr il y avait bien quelques références à Dieu dans ses premiers textes, comme la rémanence d'un esprit familial et culturel. Au contraire s'il y a bien une chose dont il s'est affranchie objectivement dans se jeunesse, ce sont des principes religieux et dire que ça ne lui posait pas quelques problèmes de conscience, je ne le dirai pas, mais le remède était bien reporté à plus tard. On peut même se demander si sur ce chapitre, il ne nourrissait pas non plus quelque fierté à cultiver sa différence, et pourquoi ce Dieu l'avait privé si tôt d'un père et d'une mère comme tout un chacun. Fatalement cette ombre au tableau resurgira plus tard !



Je suis reconnaissant envers Nicolas Weisbein grâce à sa recherche d'avoir souligné cette chose
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