Citations de Nicole Charpail (25)
Aux grands malades :
Sachez seulement que moi aussi j'attends depuis longtemps la rémission, sachez que je lutte aussi pour vivre. La différence est qu'il vous semble à vous que vous n'avez pas choisi la menace qu'il pèse sur vous, mais demandez-vous si j'ai vraiment choisi ma maladie.
Cela fait plus d'un an que je vis sans jamais ressentir en moi aucune certitude d'un vrai désir d'en être.
Organiser un programme scolaire où le désir d'aimer, le désir de tuer et le désir de suicide soient les matières principales étudiées, réfléchies, discutées. Sans examen final car la vie qu'on mène est l'examen final.
Si je n'écrivais pas, je serais devenue folle.
Avec toi aussi, il faudrait que je paraisse et non pas que je sois.
Travail de chaque jour, chaque minute, chaque seconde et chaque fraction de seconde, qui consiste à gouverner mon propre système mental afin de désamorcer les processus internes qui fabriquent de la douleur.
Il est absolument évident que les hommes que j'ai rencontrés dans ma jeunesse, et je pense à plusieurs très mauvaises rencontres, ont altéré considérablement mon rapport à la vie relationnelle pour la suite.
Tout m'indiffère mais je m'aperçois que le bruit de la pluie, dehors, ne m'indiffère pas.
Il faut donc, avant même que mes propres questions soient débrouillées, trouver les moyens de lever ce frein de la culpabilité vis-à-vis de mes parents.
Mais je ne peux tout de même pas exister pour faire plaisir aux gens.
Paradoxe : mes parents sont ceux qui me sont le plus étrangers à moi-même et les seuls qui ont besoin vraiment que je vive.
Il faudrait que je puisse expliquer à mes parents, d'une part que ma vie a eu du sens pour moi, qu'elle n'est pas un échec en soi, c'est-à-dire que je ne regrette pas d'avoir été mise au monde, et leur faire comprendre que c'est uniquement pour qu'elle garde un sens que je l'interromps. Mais comment expliquer cela ? Les fatras que j'écris sont très probablement incompréhensibles pour mes parents.
Mais pour des parents, il s'agit d'abord d'une amputation, d'une privation de sens. Des parents (qui ont aimé leurs enfants), ne comprennent pas pourquoi ils survivraient à leurs enfants.
Mes parents sont les seules personnes pour qui ma disparition serait une tragédie véritable.
Aux malades, on dit soyez "patients". Or, ils ne peuvent QUE l'être. Du moins en terme de posture.
Je suis comme vous qui ne savez plus s'il faut lutter pour vivre ou lutter au contraire contre ce désir complètement imbécile.
J'ignore auprès de qui tu pourrai porter plainte. Mais tu devrais. Mon exigence est probablement inadmissible.
A. certes, n'est pas mort directement à cause de moi, mais on peut dire que je suis aussi en partie, par mon impuissance, responsable de cette mort.
Es-tu certain de n'avoir rien oublié qui reviendrait ?
Moi j'ai l'impression de m'être tellement battue. Battue. Il est possible que je sois assommée par mes coups.