Jean Onimus

Odile, Anne-Marie, comme je suis loin de vous avoir dit tout ce que je voulais vous dire !
(p. 195)

Les quatre années de silence qui suivirent L’Homme révolté ont été des années de fatigue, de maladie et de stérilité relative ; un travail intérieur a commencé à se faire : La Chute jalonne cette métamorphose : Camus n’a pu s’empêcher de dire enfin la vérité…
C’est à Paris que Clamence a commencé à se mépriser. C’est sous le ciel bas d’Amsterdam qu’il s’est installé « juge-pénitent » au centre de canaux concentriques qui rappellent les « bolge » dantesques, c’est-à-dire au cœur de l’enfer. Tant que Camus a vécu au soleil d’Alger il pouvait ignorer le péché. Mais dans les pays du Nord, dans le monde pestiféré que concentrent les grandes villes, au milieu des pierres et des eaux grises, sur les ponts nocturnes, dans l’air opaque et la neige sale, loin des sources de la vie, loin de la nature , une partie de son être a commencé à dériver loin de lui.
C’est le grand mérite de Camus d’avoir consenti à ce face à face, cette mise en question du bonheur, à cette retentissante et publique pénitence.

     
« Peut-être en mêlant peu à peu
la peine avec la lumière
avancerai-je d'un pas »
     
(Airs, 1967)
     
Ce mélange devient un leit-motiv. Il permet d'éviter les extrêmes, le double mensonge du pessimisme absolu et de la pure célébration. La vérité est dans ce mixte. Et Jaccottet veut être vrai. ...
     
Juste milieu qui n'est pas celui de la facilité : « Toujours entre deux extrêmes sans jamais te montrer médiocre » (Eléments d'un Songe, 1961). Au contraire, je l'ai dit et j'y reviendrai, la merveille et l'horreur, l'éloge et la désécration, l'espérance et le désespoir s'avivent par leur proximité, ouvrant ainsi parfois des lignes de fuite sur l'indicible, sur un au-delà que laisse pressentir leur mystérieux affrontement.
Il serait évidemment excessif de lier ce pessimisme à une éducation calviniste fondée sur le sentiment de la Chute originelle et dont on n'aurait pas retenu l'heureux message de salut ; il y a plus ; il y a chez Jaccottet un sentiment bouleversant de l'énigme universelle : « Tout ce que j'ai écrit [...] n'a été que pour repousser l'inconnu, éloigner la peur... » (La Semaison, 1971). Cette oeuvre est un cri, l'expression d'un tourment qui n'a cessé de croître, presque jusqu'à couper la parole. ...
     
Sur les bords du désespoir, Jaccottet s'ouvre à ce que parfois lui révèlent les évidences du regard poétique, mystérieuses réponses au chaos, seule lueur d'espérance dans la nuit. ...
     
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Si les oiseaux nous enchantent à ce point c'est qu'ils sont un prodigieux mixte d'air, de feu et de vie :
     
« Cris en mouvement dans l'espace [...]
Flammes sans cesse changeant d'aire » – (Airs)
     
     
I. UNE MANIÈRE D'ÊTRE AU MONDE / 3. Dimensions du mal – p. 17 & 98

Le tableau que je vous ai proposé du monde moderne n'est guère encourageant.
(p. 80)

Si l'émerveillement est signe d'ouverture, il est donc au cœur de la vie, celle des sens et de l'esprit.
Heureux qui préserve son enfance dans l'âge mur! Heureux ceux qui osent et savent rester fidèles à ce qu'il y a de plus profond en eux: la poésie.
L’illimité est dans l'infime: "Il faut des années pour épuiser la substance d'une seule heure de vie.
L'intelligence cela ne m’intéresse pas, la connaissance cela ne me suffit pas.C'est autre chose que je cherche. Tout le temps je guette cette flamme au fond des yeux des hommes.... mais il y a tellement d'écran, de rideaux qui empêchent de voir la lumière...
Autant l'aube est ambiguë, autant l'aurore est positive. L'une séduit les inquiets, l'autre convient aux actifs.
Le jour monte vers la vie, la nuit descend vers la mort: c'est pourquoi l'aurore est espérance et le crépuscule agonie.
Le haut connait le bas qui ne le connait pas: il faut donc monter pour voir. Celui qui n'a jamais fait d'effort pour monter restera inconsciemment aveugle.
Un arbre généalogique est un moyen de relier à une végétation durable la pérennité d'une lignée.
Le fond de cette ascèse n'est pas de tourner le dos au monde, mais d'affirmer notre parenté organique avec la nature et de reprendre notre place dans le concert universel, de vivre en harmonie avec la création.
toutefois nous avons besoin de l'illimité. Notre âme ne respire ben que dans l'immense.

Avoir des relations est un autre mot pour "Être"
Les vraies valeurs sont celles qui ouvrent le plus