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Citation de coco4649


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   À Port-Soudan, le crépuscule obéissait à un rituel
immuable. Un bref instant les toits, les ombrelles légères
des arbres, les rinceaux des palmes, comme portés à incan-
descence par la chaleur accumulée du jour, laissaient fuser
des flammes où dansaient les couleurs les plus violentes
d'oxydes et de sulfures. Ce paroxysme semblait rendre fous
les charognards dont les patientes orbes soudain se préci-
pitaient, se mêlaient, se heurtaient. Des grappes d'oiseaux
clabaudeurs roulaient dans le ciel, des tourbillons de plumes
ensanglantées tombaient lentement sur la ville comme un
voile de suie. Une semblable fureur jetait l'un contre l'autre
les animaux scrofuleux, infâmes hybrides de chiens et de
hyènes, qui erraient le long du rivage à la recherche de vis-
cères de poissons – et quelquefois des longs boyaux puants,
cardés sur les pierres, d'un noyé. On les voyait refermer
leurs crocs sur la gorge, sur les reins d'un adversaire qu'ils
n'abandonnaient que mort, ou paralysé : yeux blancs, révul-
sés. Et aussitôt il le dévoraient. La nuit s'écroulait d'un
coup, comme une vague énorme déferlant depuis les côtes
de l'Arabie, tout glissait soudain dans l'empire de l'obscur
où les brasiers mettaient des battements d'ailes rouges et les
lampes à kérosène des halos blancs étoilés de moustiques.

p.21-22
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