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Citation de TerrainsVagues


Peut-on remettre cette lettre au vent?
"Et si vous ne reveniez jamais. Qu'il vous prenait l'envie comme cela, sans même dire au revoir, las que vous devez être de balayer la crasse des villes, de disperser les fumées empoisonnées des usines, de secouer des fils électriques et des panneaux de signalisation, pour vous retrouver quelques mètres plus loin à tourbillonner dans l'odeur pestilentielle des décharges, sans compter que vous vous déchirez les rafales sur les milliers d'antennes et de câbles dont les villes sont hérissées.
Il n'y a pas si longtemps, c'était magnifique d'être le vent. Vous apportiez des senteurs selon les saisons, effeuilliez des roses, courbiez des blés, faisiez faire des loopings aux oiseaux, arrachiez les feuilles mortes, séchiez le linge. C'est aussi vous qui faisiez grincer les girouettes, claquer les oriflammes des champs de bataille et dans certains pays tourner des moulins. Certains jours, plus polisson, vous emportiez les chapeaux et souleviez les jupes mais, surtout, pendant plus de deux mille ans c'est vous qui emmeniez les bateaux. Pas un voyage sur la mer sans vous, pas de Christophe Colomb, pas d'Amérique, pas d'Australie, pas de Polynésie. Jusqu'il y a cent ans, pas un grain de café ni une lettre d'amour qui ne soit arrivé sans votre aide.
Il faudrait une vie pour raconter tout ce que vous nous avez permis de faire. Jadis, tout le monde le savait et vous saviez que vous étiez utile et aimé, et en Méditerranée, berceau des civilisations, on avait coutume de dire: quand vous n'êtes pas là, c'est la galère.
Aujourd'hui les moulins tournent au nucléaire, les sèche-linge aussi, les roses poussent dans des serres en plastique, plus personne ne porte de chapeau et les filles ont des collants sous leurs jupes, et pour ce qui est des bateaux... Nous, les marins, parlons de vous tout le temps, recherchons sans fin votre compagnie. Vous faiblissez, c'est l'inquiétude; vous partez, c'est le drame; nulle part au monde vous n'êtes autant chéri, choyé,attendu."
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