Quand je suis devenue mère, j’ai soudain pris conscience qu’il fallait être féministe. Une femme, une fois qu’elle a un enfant, renonce à beaucoup de choses auxquelles un homme n’a pas à renoncer. Elle devrait en tenir compte lorsqu’elle prend la décision. Le système culturel dans lequel on vit nous piétine.
4. « Considérer que la maternité ou la vie professionnelle sont les seules options qui existent pour une femme et qu'il n'y a par conséquent pas d'autre raison pour qu'une femme décide d'être la mère de personne revient à oblitérer la diversité des identités féminines qui ne se limitent pas à "être la femme parfaite" ou à "vouloir être comme un homme". […]
Le patriarcat (qui presse les femmes de devenir mères) conjugué au capitalisme (qui pousse à un "progrès" constant dans l'esprit du "marché libre") crée une fois de plus un choix binaire ne laissant aucune place aux femmes pour qu'elles puissent se considérer elles-mêmes et être considérées par autrui comme des êtres humains capables de déterminer par elles-mêmes quel est le sens de leur vie sans que ce soit nécessairement lié à la maternité ou au travail, ou de décider que le sens de leur vie, c'est justement qu'il n'y en a pas. » (pp. 204-205)
1. « […] Sachant que le regret fait partie des réactions émotionnelles humaines possibles dans toute rencontre entre plusieurs personnes et entre nous-mêmes et les conséquences des décisions que nous avons prises ou qu'on nous a forcées à prendre, regretter d'être devenue mère éclaire sous un nouvel angle notre (in-)capacité à appréhender la maternité comme une relation humaine parmi d'autres, et non comme un rôle ou un royaume sacré. Dans ce sens, le regret peut contribuer à commencer à déconstruire la notion selon laquelle les mères sont des objets qui ont pour seule mission d'être en permanence au service des autres en associant étroitement leur bien-être à celui de leurs enfants, au lieu de les reconnaître comme des sujets distincts dont le corps, les pensées, les émotions, l'imagination et les souvenirs leur appartiennent, et qui sont à même de décider si tout cela en vaut la peine ou non. » (p. 14)
3. « Certaines femmes dans mon étude ont également indiqué que la femme qu'elles étaient avant de devenir mère était relativement neutre en termes de genre, parce qu'elles avaient le sentiment de faire ce qu'elles voulaient sans être conscientes de leur "infériorité" due à leur condition de femme. […]. Le fait d'être devenues mères leur a donné le sentiment d'être enfermées dans un genre, celui de la femme qui n'est pas libre d'agir à sa guise comme si elle n'avait pas d'enfants. Bien que la société valorise cette féminité "ultime" qui passe par la maternité, plusieurs femmes […] ont décrit leur nouvelle expérience de la féminité ainsi que les contraintes que leur impose la société patriarcale comme une des pires choses qui leur soit arrivée après avoir enfanté, un piège auquel il est impossible d'échapper. » (p. 115)
C'est ainsi que les lois sociales relatives à la mémoire se sont formées, des lois qui institutionnalisent l'idée que certains moments et événements peuvent être revisités, qu'on peut s'en souvenir et qu'ils valent la peine qu'on les commémore ou qu'on s'y intéresse, tandis que d'autres, il faut bien le reconnaître, doivent être oubliés et laissés derrière soi.
C’est en effet toujours la même chose : chaque fois qu’une autre façon de penser se fait jour dans la vie des humains, cela nous dit quelque chose non pas de cette nouvelle façon de penser, mais des idées convenues sur lesquelles nous nous appuyons, bien souvent sans même nous en rendre compte.
En effet, peut-on affirmer que les femmes disposent réellement d'une marge de manœuvre dans le climat social actuel si notre liberté est limitée par les injections qui nous sont faites, ce qui signifierait que nous sommes libres de choisir uniquement ce que la société attend de nous ?
Le regret lié à une expérience personnelle de la maternité, en soi, est perçu soit comme inexistant et inconcevable, soit, lorsqu'il n'est pas nié, comme un sentiment illégitime et condamnable et à tout le moins comme un objet d'incrédulité.
2. « De tels désirs [de maternité] s'expliquent en partie par le besoin d'adhérer à la norme en matière de fécondité. Mais ils peuvent aussi refléter ce que j'appellerais une volonté institutionnalisée, une volonté faite à la fois des désirs des femmes et des attentes sociales. Cette volonté institutionnalisée peut ainsi être un sentiment bien réel – tant physique que mental – […], mais il n'est pas rare qu['il] soit le fruit de l'intériorisation par les femmes elles-mêmes des images qui sont socialement assignées exclusivement à la maternité. » (pp. 42-43)
Des enfants à naître sont parfois utilisés comme instruments de pouvoir et de négociation, ce qui conduit souvent les femmes à prendre des décisions visant à préserver la relation et assurer sa continuité.