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Citation de Berthelivre


C’était en 1924, vers la fin de l’année… Entre la place Blanche et la place Pigalle… Deux hommes allaient de l’une à l’autre sans en avoir véritablement conscience. Ils parlaient en même temps et avec une ardeur telle qu’ils étaient comme aveugles et sourds au mouvement des flâneurs, clochards, fêtards, truands et filles de Montmartre, marée de l’heure indécise où l’ombre balance et la clarté hésite.
Ils s’arrêtèrent brusquement entre l’enseigne d’un cabaret tenu par un homosexuel célèbre et d’énormes bocaux rouges qui, à la devanture d’une pharmacie, rutilaient sous les feux électriques. Et le plus âgé qui avait la face longue et creuse d’un loup affamé, cria :
- Nous sommes du même chemin !
- De la même étoile ! cria le plus jeune.
- Alors… dit le premier.
Il sortit un couteau de sa veste, en fit surgir la lame, entailla son poignet gauche, saisit la main de son compagnon, l’incisa au même endroit et l’appliqua sur la sienne de manière à joindre les lèvres des deux coupures. Et d’une voix qu’un accent étranger faisait vive et chantante, il dit :
- Chez nous, quand deux vagabonds se reconnaissent pour frères, ils le signent de leur sang.
Personne, aux alentours, ne s’émut, ne s’étonna. Dans les aubes de Montmartre on était habitué à des saignées plus dangereuses.
L’homme au couteau était Panaït Israti. Il replia la lame, noua un mouchoir autour de son estafilade, mit cette main sur mon épaule et nous reprîmes notre promenade bienheureuse.
Il y avait une semaine, au plus, que nous nous connaissions.

(Préface de Georges Kessel)
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