Au milieu des pires tragédies, on ne peut exclure la possibilité du beau et du poétique, lesquels arrivent souvent comme par effraction.
La science ne pense pas. La technique ne résout aucun problème, elle les aggrave si elle se fait sans conscience, sans valeurs morales.
Dans ce pays, dans cette société, cela faisait belle lurette que personne ne se tendait plus ou ne se serrait plus la main. Les gens ne se parlaient plus, et cela avait commencé bien avant les épidémies. Mais le phénomène s’était fortement aggravé depuis le covid, et maintenant, le Tartariphus 23. On se méfiait de l’autre comme un pestiféré. Le premier ennemi, le premier virus porteur de mort, le potentiel prédateur, c’était l’autre, le voisin, le passant, l’être humain. Au mieux, en cas de nécessité, on lui parlait masqué. L’humain était devenu un être sans visage. Avait-il encore une âme ? On pouvait se le demander. On pouvait se poser mille questions à propos des transformations de l’homme moderne. Il était certain qu’on subissait de plein fouet une mutation anthropologique de grande ampleur. Mais jusqu’où irait ce désastre ? Vivre avait-il encore un sens dans ces conditions ? Une vie désincarnée, anonyme, numérisée, sans visage, était-ce encore une vie ?
L’homme avait d’évidence fait naufrage dans un océan de néant. Et même naufragé, il ne criait pas, il n’appelait pas au secours ; il ne se rendait même pas compte qu’il s’était noyé, car il ne pensait plus. Tous les problèmes de la planète et de l’humanité avaient leur origine première dans cette dégénérescence de l’homme. Qu’il s’agisse de la crise du climat, de la mort des espèces animales, de la disparition de la vie sur terre, des pandémies, des guerres, de la perte de la fraternité, tout était lié à cette dégénérescence humaine. Les problèmes ne tombaient pas du ciel tout seul. L’homme avait cessé d’être un homme, c’était là le drame cuisant et la source de tous les maux.
Il vivait sur une planète où les humains n’existaient plus. Il vivait dans un désert. Avoir une relation humaine normale, physique, en face à face, était devenu plus difficile que d’aller sur la lune . Et il n’y avait là aucune exagération, il en avait fait mille fois l’expérience : l’idée même qu’on puisse parler naturellement à quelqu’un dans la rue relevait d’un scénario de science-fiction, aussi bien en Galicia qu’à Tawani. Dans ces moments-là, il se disait : « mieux vaut rester humain que de rester en vie », comme l’écrivait George Orwell.
- Vous devez comprendre quelque chose : les autorités veulent que la vie continue comme avant même si nous sommes tous en train de crever. Business is business. Les profits, les dividendes, la bourse, pas touche ! Le fric doit continuer à couler à flots sans entrave. En tout cas pour une minorité de possédants qui tiennent toutes les manettes du pouvoir.
C’est pareil en politique : on est bien obligé de temps en temps de cramer deux ou trois lampistes. C’est le prix à payer pour le bien de la nation.
Gouverner par la peur est le meilleur moyen de maîtriser la société.
La beauté est dans les yeux de celui qui regarde.