Citations de Patrick Denys (17)
Le corps est à l'âme ce qu'est la bête au dompteur, une bête fauve et dangereuse et familière des ruses du "malin".
Et pourquoi pas l'amour de soi-même ? Peut-on vivre heureux, se demande-t-il, si l'on ne donne pas une priorité au goût de sa propre existence ?
Pour nous, la religion, c'était le respect des choses saintes, et les choses saintes, ça n'était jamais triste, ça ne faisait peur à personne.
Quand on n'a plus rien à partager, disait-elle, la présence de l'autre est une souffrance.
Enfermé dans votre caverne, que saviez-vous du désir ? Sans doute vous étiez-vous fait une représentation du feu mais aucun incendie ne vous avait encore embrasé. Vous ignoriez encore que les brûlures ne sont pas de l'ordre de la pensée, mais de l'affection. Vous vous croyez à l'abri de l'humanité des autres, ignorant qu'elle peut être tout simplement désirable; cette découverte inattendue vous était insupportable. A quel moment avez-vous posé vos lèvres sur la bouche de cette femme ? L'avez-vous dénudée ce jour-là? Était-ce pour vous une première fois ?
C'est quoi la raison ? Le désenchantement, l'ennui, l'aversion ? Et c'est quoi l'amour ? Devenir folle, sans doute. Folle de bonheur.
Tu as raison, le possible ça n'existe pas. Les choses sont ou ne sont pas.
Comment expliquer son geste ? Comment avouer sa peur, révéler qu'il n'était pas un locataire ordinaire, que le capitaine n'avait, en fait, plus aucune attache avec sa hiérarchie, qu'il était un clandestin, un combattant de l'ombre, certains auraient dit un "terroriste", que le moindre faux pas pourrait compromettre sa vie et celle de ses compagnons de réseau ?
Savez-vous que c'est vertigineux, la lacune du nom ?
Nom du père : Nom de la mère :
Deux points et le vide de l'espace blanc sur une carte d'identité ! Comment un arbre pourrait-il s'épanouir si les racines ont été coupées, qui le raccordaient au sol ?
Avez-vous jamais songé à cela, à la perte ou au refus du nom comme un dépouillement, une mise à nu ? L'irrémédiable amnésie, l'oubli du nom de l'autre, comme s'il n'existait pas. La béance de ce vide
Vous ne m'avez pas donné votre nom, vous ne m'avez rien donné. Ma mère non plus ne m'a pas donné mon nom. Il a fallu en inventer un à la sauvette pour l'état civil. Même les fruits vénéneux ont leur nom.
Depuis la naissance de l'enfant, tout se passe comme si les liens de sa vie et de sa conscience s'étaient délités.
Ludovic cherchait le regard de Dorine et continuait de l'éviter dès qu'il le croisait, ce jeu d'esquives devenait irrésistible et cela n'avait rien à voir avec l'âme, rien qui fût pensé ou réfléchi, cela venait du creux de son ventre, un désir immense de sentir sa peau contre la sienne.
Peut-on vivre heureux, se demande-t-il, si l'on ne donne pas une priorité au goût de sa propre existence ? Son soupçon devient vertigineux...
Rassurez-vous, monsieur Le Gall, Dieu qui est toute justice n'acceptera pas qu'une famille honnête soit salie. Le temps venu, nous trouverons bien dans l'arrière-pays une de ces bonnes familles chrétiennes qui aura la charité de recueillir cet innocent.
La nuit, il retrouvait ses compagnons du réseau, au petit matin, il se remettait de ses peurs, le reste du temps, il inventait les mille occasions qui le mettraient sur le chemin de Dorine.
Pendant la traversée de Saint-Trujan, des trombes d'eau obligent Dorine à ralentir son allure. Le garage Le Gall est encore ouvert ; Corentin, le chef d'atelier, a reconnu la voiture et lui a fait signe. Elle a honte. Non, ce jour-là, elle n'avait pas versé une larme.