La bannière jaune (1988)
L’INSTANT PASSÉ
Par-dessus les toits la bannière jaune flotte, au sommet
de sa perche,
le vent souffle donc. L’air remue. Je regarde, ébahi.
Un oiseau s’approche d’un coup d’aile pataud, le ciel
s’est maquillé de gris uni. Cet instant ne peut pas
se reproduire, il est effacé déjà, des cellules de mon
cerveau
sont débranchées, la truffe de mon chien se lève de sur
mes pieds.
J’aurais pu trancher mon destin d’une autre manière
que par le passé, me défaire de mes serments d’amour,
ou du moins rompre, me détourner de la peur à laquelle
je suis suspendu, quêtant un refuge. Je me vois, je regarde
l’océan des toitures, les signes du vent, les nuages levant
au loin. Je suis un autre, si je fus moi-même
naguère. L’oiseau n’est plus seul,
mais un vol de passereaux.
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