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EAN : 9782070338917
240 pages
Gallimard (25/05/2006)
4.14/5   7 notes
Résumé :
Ce volume est une sorte d'anthologie récapitulative de toute l'œuvre du plus grand poète finlandais actuel, né en 1927 : il regroupe des extraits des recueils qui s'échelonnent de 1950 à 2003.
Poète de la modernité quotidienne, Holappa ne verse pas dans le folklore : la Finlande est bien présente, mais jamais sous un angle mièvre ou attendri. Et Holappa est aussi un poète de l'amour, comme Cavafy, de l'amour des garçons, charnel et passionnel, qui entraîne l'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Totale découverte pour moi que ce poète finlandais, né dans le Nord de son pays, d'origine modeste, autodidacte , traducteur d'auteurs français, bibliophile. Et je constate avec émotion que ses dates de vie et de mort sont les mêmes que mon père: 1927 -2017...

Totale mais très belle découverte! Je suis entrée dans ses poèmes avec curiosité et plaisir. Pudique mais sensuel dans son évocation de l'amour homosexuel, angoissé, partagé entre doutes , idees sombres et éclairs lumineux, il fait entendre sa voix toute particulière, décalée, loin du folklore. Même si certains textes m'ont paru complexes, son écriture toujours m'a plu. Poèmes en vers ou en prose, ils sont tout en frémissement et en sensibilité.

" Semant ses bienfaits un nuage vole
puis un aigle, messager.
Seules les îles gémissent vers le rivage à leur départ,
quand le vent sous le gel se fige, pleurant sur leur sort."

Le décor qu'il a connu enfant est au coeur de sa poésie: vent, oiseaux, arbres,
neige . Mais il évoque aussi son lien aux autres, ses élans amoureux, vécus souvent comme un mystère indicible:

" Jamais le plus ardent poème n'élucidera
l'aigre et furtive jouissance des sens."

Ma préférence s'est portée sur les poèmes célébrant la nature sauvage, dans un jaillissement de mots simples et vrais, puissants.

Je suis heureuse de cette rencontre. Je sais que je feuilletterai souvent ce recueil...
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Une somme bienvenue sur le plus grand poète finlandais contemporain.

Francophile décidé, traducteur en finlandais de Baudelaire, Reverdy, Ponge, Claude Simon ou encore Le Clézio, Pentti Holappa, également calme militant de la cause homosexuelle, est en général considéré comme le plus grand poète finlandais contemporain.

Bien que le recueil titre ("Les mots longs") soit de 1980, l'anthologie proposée par Poésie Gallimard (dont un bref extrait figurait dans l'habile "Il pleut des étoiles dans notre lit", extraits de poésie scandinave publiés à l'occasion du prix Nobel de Tomas Tranströmer) couvre 17 recueils, du "Un bouffon dans la galerie des glaces" de 1950 au "La voix de l'éléphant" de 2003.

Comme le rappelle Gabriel Rebourcet dans sa préface, Penti Holappa maîtrise à la fois une formidable culture classique, un extraordinaire historique proprement finlandais, tant "savant" que "populaire", et met en oeuvre une formidable volonté de dire : "Humble jardinier des mots, il va donc jusqu'au bout de ses tâches : le poète monte même à bord du traîneau du réalisme socialiste, et tente de rendre à l'ancienne poésie du peuple ses lettres de noblesse, avec une certaine réussite, et surtout un entêtement touchant. (...) Il cultive la démarche rationnelle, cartésienne, jusqu'à l'instant où il libère la force de la nature afin qu'elle vienne frapper son château de mots, dans une sorte de rage subitement libérée, par l'effet d'un mystère incontrôlable - cette combinaison de fureur et de mystère donne à son écriture une ampleur et une force en tous points comparable à celle de René Char."

Une révélation pour moi, donc.

"Pour une mère les débris de l'océan suffisent, l'écume
et le sable, car elle est tout entière au désir de faire
naître,

les possibles s'unissent en matière désormais vivante
non plus par son ventre mais par la force de sa volonté.

Elle est la mère de Lemminkainen, la femme vêtue
de noir des tragédies antiques, et dans les cortèges

elle crie le nom des combattants pour la liberté d'aujourd'hui
défiant les charges de police et les gaz lacrymogènes,

mais sous d'autres habits elle est un des bourreaux,
criminelle complice du procréateur ploutocrate,

ourdissant les mensonges sur l'égalité. Telles sont
les fables modernes sur les princes et les princesses.

Responsable de l'absurdité de sa descendance elle aussi
voit s'effondrer les hautes voûtes des cathédrales,

les chefs d'oeuvre de Léonard et de Picasso périssent
dans les flammes de la bibliothèque d'Alexandrie.

Les déformations cellulaires provoquées par les déchets
industriels sont la chair vivante des enfants, leur avenir.

Veillant seule, quand la foule aguerrie dort déjà,
elle cherche sa consolation dans la paix universelle

puisqu'elle sait que dans les accélérateurs de particules
les cours closes de la matière s'ouvrent en tunnel béant."
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Une découverte, un saisissement. Un immense poète à découvrir pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
LE BERGER

A l'odeur de ton chandail humide
je t'ai reconnu, berger
toi qui menas le poète aveugle
dans les landes de l'Antiquité.

Ici on est aveugle sans cécité.
Octobre vente, octobre pleut,
les maisons chancellent.
Nous rentrons du cinéma.

Dans les derniers mètres du film
les amants sont restés figés
dans un baiser de mort et les étoiles
pleuvaient sur leur couche.

La bêtise ni la haine ne les ont
séparés, le poison non plus
qui consuma jusqu'à la braise
les caresses de Roméo et de Juliette.

Le paradoxe même de l'existence,
le signe fatal noyé en chaque cellule
les contraignit à chercher
le réconfort dans la mort.

Nulle volonté humaine, le destin plutôt
nous a drossés aussi sur les deux rives
opposées du fleuve du temps,
malgré notre amour partagé.

Ta beauté est la destinée que je défie.
Dans les flammes de tes torches de résine
je rassemble en tremblant mes vestiges
pour en bâtir une silhouette humaine.

Je crois que ton visage ambré
par les nuits blanches m'appelle
car tu scintilles comme une ville illuminée
dans les ténèbres des rives arctiques.

Vers toi je tangue sans gouvernail,
épave de navire, pensée sans demeure,
promeneur ivre dans la nuit. Je me glisse
dans la laine de ton chandail mouillé.

Berger, ne pleure pas. Il est un pays
où les amants les yeux grands ouverts
se fondent, se confondent, et veillent sur la nuit.

Les jours sont comptés, pas les caresses.
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ALEXANDRE

Sur un noble destrier et poussé
par l'amitié Alexandre le Grand
soumit l'univers. Je roule à cent
kilomètres à l'heure vers mon bien-aimé.

Mon destrier est une voiture russe, une Lada,
bleu ciel. Cent trente mille bien sonnés au compteur,
elle rugit en traversant ma patrie enneigée.

Une paire d'yeux gris et dans ces yeux la mer,
Ecartez-vous, belle Aphrodite, voici mon tour
de ramper par l'écume blanche
et de lécher l'eau salée sur sa peau.

En lui, près de lui, voici l'Attique,
les rivages azurés protégés du gel à jamais.
Là-bas je renais, je suis Alexandre,
ma voiture prend le frais dans un bosquet d'oliviers.

Les sorcières du Nord, les divinités de Scythie
je me lève avant l'enfer des chrétiens et
la haine des bourgeois rouges ou noirs.
Ainsi je suis prêt à l'aimer.

Sur les rochers du rivage, un jeune homme nu,
un poète, chante sur sa guitare:
Alexandre est un assassin. En amour,
il n'y a pas de héros, juste des estropiés.


Parfum de fumée (1987)
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La bannière jaune (1988)



L’INSTANT PASSÉ

Par-dessus les toits la bannière jaune flotte, au sommet
      de sa perche,
le vent souffle donc. L’air remue. Je regarde, ébahi.
Un oiseau s’approche d’un coup d’aile pataud, le ciel
s’est maquillé de gris uni. Cet instant ne peut pas
se reproduire, il est effacé déjà, des cellules de mon
      cerveau
sont débranchées, la truffe de mon chien se lève de sur
      mes pieds.
J’aurais pu trancher mon destin d’une autre manière
que par le passé, me défaire de mes serments d’amour,
ou du moins rompre, me détourner de la peur à laquelle
je suis suspendu, quêtant un refuge. Je me vois, je regarde
l’océan des toitures, les signes du vent, les nuages levant
au loin. Je suis un autre, si je fus moi-même
naguère. L’oiseau n’est plus seul,
mais un vol de passereaux.


p.143
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Du matin au soir la pluie fait sa fable.
Je n'ai pas écouté, maintenant le silence est revenu.
Les arbres, mes amis, sont muets
flânant dans leur passé :
comme enfin l'âme toujours avare laisse courir les souvenirs,
de perle en perle, ils délivrent la pluie.
Je ne vois personne, à perte de vue,
et déraisonnable je suis:
grand ouvert mon coeur est prêt
à suivre la première ombre qui passe.
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Sur la terre, sous le ciel
(1991)



LE MERLE

le merle n’hiverne pas sous ces latitudes,
mais il hiverne pourtant. dans l’hiver du cœur
il fait sombre ici, le gel si dur, moins trente
(Celsius, soixante degrés Nord).

La vie n’est pas facile pour le merle noir. Solitaire,
il erre dans le parc, sifflant à fendre l’âme, il
quête à manger, ou bien reste muet
sans se plaindre du destin qu’il s’est choisi.

Car enfin, il a des ailes, il est en bonne santé, il aurait pu
migrer vers le sud, il n’avait qu’à s’y prendre à temps,
maintenant bien sûr, il est trop tard pour regretter. engourdi
comme il est, il ne volerait pas loin. Donc il ne se plaint
     pas

[…]


p.147
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Pentti Holappa : Poème de Noël 95 (extrait). lu par Alain Bouras.
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