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3.59/5 (sur 17 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 06/06/ 1960
Biographie :

Philippe Bérenger fut d’abord assistant de Bertrand Tavernier et Milos Forman notamment, avant de passer lui-
même à la réalisation télé et cinéma. De Méditerranées à Maigret, Maupassant ou Césaire, ses films parlent toujours de
l’humain, ses failles et ses espoirs. Avec le roman, il ajoute une corde à son arc d’une vie bien remplie, puisque,
comme il le dit parfois : mieux vaut vivre vraiment puisqu’à la fin, on meurt.

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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Un poète aurait dit que cette soirée-là avait une allure criminelle. D'ailleurs, tous les chats gris et même ceux d'autres couleurs étaient rentrés chez eux en tremblotant. Mais pas la silhouette sur deux pattes qui trottait sur le bord de la route.
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Nous passons notre temps à mater le quotidien des gens, à noter leurs défauts, à grignoter leurs pauvres tranches de vie, en oubliant la notre.
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– Mansour et Goujon, vous restez sur la cité Prévert.
La cité Prévert, c’est notre résidence secondaire. La jungle qu’on nous a ordonné de surveiller. Chaque groupe a sa part de zones pourries. Nous, c’est la Prévert : trois mille cinq cents habitants officiellement répartis sur quatre barres entrelacées, deux ascenseurs plus ou moins en état de marche, sa misère, son ennui, le chômage et une majorité de gens qui voudraient être ailleurs. On part du principe que le nouveau banditisme, les extrémismes, tout ce qui nous met en alerte, peut se cacher, se créer ou s’épanouir dans les quartiers abandonnés par l’État comme une vulgaire réserve apache par les successeurs du général Custer. On y connaît tout le monde, et personne ne nous connaît… J’espère. Sur certains murs, on lit le nom, le matricule, l’adresse et parfois même le prénom des enfants des policiers du coin, mais pas encore les nôtres, nous, les invisibles. Si jamais le bombeur vient de là, nous ne le raterons pas. Nous n’avons pas le droit de le rater.
Mansour Boudjellal s’étire. Il a presque quarante ans, c’est mon capitaine adjoint. Bac plus cinq et juriste, comme moi. Quand il boit… il boit. Mais à part ça, c’est un solide, un manuel, un taiseux, une poutre. Sa femme est institutrice, ils s’adorent et sont complémentaires. Elle a son voyou, il a son intello. Ils ont fait deux filles. Un flic heureux en ménage, et c’est mon ami !
Gabriel Goujon, c’est autre chose. À presque cinquante balais, il est major de police et porte le même costume râpé depuis trente ans. Il adore les écoutes, toutes les écoutes, les ragots, les potins, les on-dit. Ensuite il en parle à sa femme ; ils n’ont plus que ça à partager depuis que leur fils vole de ses propres ailes. Mansour et lui, vous les collez sur une planque et vous oubliez de leur dire de rentrer, ils seront encore là dans mille ans. Voilà pourquoi je garde ces deux là sur Prévert."
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La mémère à la caisse lui sourit. Elle est du genre à passer son samedi chez le coiffeur pour en ressortir encore plus moche et plus maquillée qu’une voiture de footballeur fan de tuning.
– Eh bé, du désherbant et du fertilisant en même temps ? Vos plantations vont pas s’y r’trouver, hein ?
Il hausse les épaules parce qu’il faut bien répondre quelque chose. Mémère prend ça pour un encouragement.
– Et puis, vous trompez pas de sel en cuisine, hein ? Si vous mettez du potassium, moi je viens pas dîner chez vous. C’est qu’à force de voir les produits défiler, je m’y connais, moi, tiens !
Elle lui fait un clin d’oeil et rigole toute seule. Elle est contente. La seule caissière de l’allée qui ne fasse pas la gueule. Koala cherche une réponse mais rien ne vient. Il a perdu l’habitude de parler. Et l’envie aussi. Alors il soupire en grimaçant un semblant de sourire et paye rapidement pour sortir des griffes de la grosse rigolote. Ne jamais se faire remarquer, c’est ce qu’ils conseillent. Pourvu que la caissière ne soit pas une indic. Non, pas de parano ; rester calme. Les caissières ne reçoivent aucune consigne des policiers. On n’est pas chez les Soviets. Mémère est juste un de ces êtres solitaires en quête de chaleur humaine… Mais l’homme se sent glacial. Un jour, il y a longtemps, il a fait du bénévolat dans l’humanitaire ; il avait envie (besoin) d’aider plus malheureux que lui, et puis… quand il a rencontré les autres, ils lui ont fait comprendre qu’on n’y pouvait plus rien ; qu’il valait mieux effacer l’ardoise pour tout redessiner.
– Et puis, vous trompez pas de sel en cuisine, hein ? Si vous mettez du potassium, moi je viens pas dîner chez vous. C’est qu’à force de voir les produits défiler, je m’y connais, moi, tiens !
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Ce soir, la rame est bondée, comme tous les soirs ; c’est l’heure de pointe parisienne et plus ça va, moins je supporte. On est tous debout, on sent mauvais. On est humides parce que dehors, il pleut. Une pluie chaude et grasse, chargée de rejets nauséabonds. On se marche sur les pieds, on est tristes et en colère. On a fini par comprendre que la vie se fiche de notre gueule. Maman, maman, où sont passés mon innocence d’enfant et mes rêves d’ado, quand les horizons étaient roses et l’avenir radieux ? Les gens sont là, las et fatigués, mécaniques et déçus. Lequel d’entre eux sera assez désespéré pour actionner le bouton et faire exploser son sac bourré de saloperies ?
À moins que je ne l’attrape d’abord.
S’ils savaient qu’on trouve tout le nécessaire pour fabriquer une bombe dans une grande surface… Je me dis qu’il faudrait mettre des mouchards dans les caisses et repérer les achats suspects ou donner des consignes aux caissières. J’en parlerai lors d’une prochaine réunion. Les chefs prendront l’air inspiré en se demandant comment piquer l’idée si elle est bonne, et mes collègues me traiteront de lèchebottes. Ouais… J’en parlerai un de ces quatre. Ou pas.
Je contemple un barbu et son épouse aux cheveux invisibles. L’islam… Tout le danger semble venir de là, mais moi je sais… Y a pas que l’islam dans la vie, y a aussi la lassitude, le vide, l’absence de tout. Pour moi, tout le monde est suspect parce que c’est mon boulot. Paranoïaque est ma fonction, gardien de vie ma conviction. En fait, je vous protège ; je veille sur votre existence, qui n’en est plus vraiment une depuis que le progrès a largué tous ses freins.
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Dans la vraie vie, je suis le capitaine Franck Venel et je bosse à la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur. L’antiterrorisme, le renseignement, pour faire simple. J’ai quarante-deux ans, une fille de seize qui s’appelle Élodie, une ex-épouse (sa mère) et deux ou trois petits coups que je m’envoie de temps en temps sans jamais ressentir autre chose que le frottement de mon gland. Ma fille vient quand elle veut, elle a sa chambre. Sa mère est hôtesse de l’air, toujours au bout du monde. Je l’ai rencontrée pendant une alerte à la bombe à Roissy, dans une autre existence. De toute façon, on n’a jamais réussi à se voir plus de deux jours d’affilée. Je m’entends bien avec ma fille, enfin, je crois. Mais pour ce qui est d’être un père comme il faut, ben, cherchez pas, c’est pas moi. J’suis fatigué dans mon pauv’ crâne. La plupart d’entre vous pensent que nous sommes des super-héros avec la cape et le slip rouge, mais non. Pas vraiment. Pas du tout. Nous sommes fonctionnaires de police. Fonctionnaires. C’est important, ce motlà. Ça dit tout.
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18 heures 30. Koala, le grand homme maigre, adore les grandes surfaces. On y trouve de tout. D’un regard, il embrasse son caddie : bananes, pommes golden, abricots secs, mâche sous vide, acide chlorhydrique, pommes de terre, poireaux, carottes, acétone, eau minérale, une bouteille de vinaigre de vin, du lait, du bicarbonate de soude, un peu de désherbant et du fertilisant, une boîte de Kiri, du chlore pour la piscine, du sel de potassium et du sel de table…
La mémère à la caisse lui sourit. Elle est du genre à passer son samedi chez le coiffeur pour en ressortir encore plus moche et plus maquillée qu’une voiture de footballeur fan de tuning.
– Eh bé, du désherbant et du fertilisant en même temps ? Vos plantations vont pas s’y r’trouver, hein ?
Il hausse les épaules parce qu’il faut bien répondre quelque chose. Mémère prend ça pour un encouragement.
– Et puis, vous trompez pas de sel en cuisine, hein ? Si vous mettez du potassium, moi je viens pas dîner chez vous. C’est qu’à force de voir les produits défiler, je m’y connais, moi, tiens !
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Elle lui fait un clin d’oeil et rigole toute seule. Elle est contente. La seule caissière de l’allée qui ne fasse pas la gueule. Koala cherche une réponse mais rien ne vient. Il a perdu l’habitude de parler. Et l’envie aussi. Alors il soupire en grimaçant un semblant de sourire et paye rapidement pour sortir des griffes de la grosse rigolote. Ne jamais se faire remarquer, c’est ce qu’ils conseillent. Pourvu que la caissière ne soit pas une indic. Non, pas de parano ; rester calme. Les caissières ne reçoivent aucune consigne des policiers. On n’est pas chez les Soviets. Mémère est juste un de ces êtres solitaires en quête de chaleur humaine… Mais l’homme se sent glacial. Un jour, il y a longtemps, il a fait du bénévolat dans l’humanitaire ; il avait envie (besoin) d’aider plus malheureux que lui, et puis… quand il a rencontré les autres, ils lui ont fait comprendre qu’on n’y pouvait plus rien ; qu’il valait mieux effacer l’ardoise pour tout redessiner.
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Koala adorait les grandes surfaces. On y est anonyme. On y voit plus malheureux que soi. Des qui comptent encore plus leurs maigres sous, des qui hésitent en rêvant devant les grandes marques avant de choisir celle du magasin, la pauvre discount super exceptionnelle de la semaine avec deux cents grammes en plus gratuits. On effleure du doigt le rêve, on a l’impression qu’il y aura toujours de tout. De trop. Les étiquettes vous narguent, on vous pousse à acheter, à gaspiller, à faire n’importe quoi ; c’est un lent suicide collectif. Il se surprend à vraiment sourire. Suicide collectif… Il rit tout seul. Il va les aider, lui. Mais avant ça, il faut encore passer chez GO Sport et à la pharmacie pour les derniers éléments de la bombe. Ça y est presque : le caddie est rempli de quoi faire sauter tout un quartier. Fruits et légumes exceptés, bien entendu. Koala adorait les grandes surfaces. On y trouve de tout. Et bientôt, il est l’heure de mourir.
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Jacky hausse les épaules en souriant. Rien de spécial pour l’instant. Il y a quelque temps, elle s’est retrouvée dans une armurerie et l’autre client était un type avec un fort accent russe. Ils ont parlé armes puis, en rentrant chez elle, elle nous a faxé son signalement. Quand le portrait-robot est arrivé sur son fax, elle a confirmé. Elle venait de lever Tarkov, un ex du KGB et du FSB. Elle a surveillé l’armurerie et, quand l’Ukrainien est revenu, elle y était aussi. Surprise ! Ils ont encore parlé d’armes et sont devenus copains. Visiblement, Tarkov a envie de s’intégrer. Pour vraiment changer de vie ? À voir. Lui et sa famille sont venus en France monter une entreprise de volailles import-export. À voir. En tout cas, cette mission, c’est la sienne, pas question de la lui enlever. J’ai adjoint Paul à Jacky parce qu’elle est super zen. Ce type a besoin d’une bonne influence.
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