L’avocat de Marie-Antoinette, Chauveau-Lagarde, est le seul à avoir conservé la trace de ce qui s‘est dit lors du procès de la reine, à l’audience de la citoyenne Capet. Les seules choses qu’on a aujourd’hui sur ce qui s’est passé, nous proviennent de cet avocat qui a été commis d’office la veille au soir à 17h.
(...) Nous sommes en 1793, c’est un évènement ahurissant où cinquante témoins doivent défiler à la barre en moins d’une demi-journée devant le tribunal révolutionnaire. Marie-Antoinette est accusée d’inceste, de prévarication, de complot avec l’étranger.
(...) Il passe sa nuit à écrire sa plaidoirie et à prendre des notes parce que l’enjeu est énorme.
(...) Malgré sa fatigue, il est le seul à l’audience à comprendre que ce qui se passe ce jour-là est capital pour son pays et pour l’histoire. Alors il note intégralement ce qui se dit. Il note ce que dit Fouquier-Tinville, il note ce que disent les témoins, il note les déclarations de Marie-Antoinette (...) La seule trace que nous avons de cette affaire, de ce qui s’est passé et surtout de ce qui s‘est dit, c’est Chauveau-Lagarde qui l’a écrite. Il a pensé : « Pour l’Histoire, il faut que je garde. » Ce qui a failli lui coûter la vie par la suite car on a fait de lui un royaliste, alors qu’il a été commis d’office, et on en a fait un soutien de la reine parce qu’il a publié ce qu’elle avait dit.
Vous voyez pourquoi je m'intéresse beaucoup à cette question de la trace et de l'inscription, c'est pour ne pas perdre.
(Le livre est un entretien entre Philippe Bouret et Emmanuel Pierrat : le premier interroge le second. Les phrases citées sont d'Emmanuel Pierrat.)
(...) la psychanalyse m’intéresse depuis cette époque et au plus haut point. Mais je ne vous cacherai pas que je m’en tiens à une certaine distance. Les réponses, et non plus les questions qu’elle pourrait m’apporter me font peur – on va être précis – dans la mesure où elles viendraient éclairer ma fringale de fétiches par exemple, ou répondre non pas à mon angoisse, mais à mon refus du vide, où elles viendraient expliquer le mécanisme de mes accumulations, mon rythme de vie sans fin, et cent mille autres choses qui font partie de mon moteur et sont mes carburants essentiels.
J'écris et en même temps, j'improvise. Je suis avocat, je suis dans la théâtralité. J'ai des documents très préparés qui côtoient de totales improvisations. Il y a de nombreux avocats qui écrivent leur plaidoirie après. Car lorsqu'une plaidoirie est improvisée, on n'en a plus la trace. La plaidoirie est un art éphémère et évanescent.
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... l'objet sans le savoir qui va avec, ne vaut rien.
( à propos des objets d'art, anciens, exotiques...)
Pour moi, l'écriture est le corolaire de la lecture.
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