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Citation de Iboo


Iboo
06 décembre 2017
Ce n'est qu'à mon huitième anniversaire, et après avoir établi des liens avec la diaspora ukrainienne de Paris, que mon père se mit soudainement à nous parler en ukrainien. Il n'évoquait jamais son enfance, il n'était guère plus loquace quant à sa déportation en Allemagne, mais le deuil du nazisme a pu se faire et ce, pour deux raisons : la première, c'est que les Allemands n'avaient pas la prétention de convertir au nazisme leurs victimes ; torturer puis détruire les corps leur suffisait et ils ne s'attaquaient pas aux consciences. Les communistes ajoutaient l'autocritique, la culpabilisation et le viol psychique avant le meurtre. "Nous en ferons une cervelle parfaite avant de la faire sauter", proclame le Parti dans 1984 de George Orwell.
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Plus la guerre avançait et plus la soupe devenait claire, plus la sciure de bois s'ajoutait à la farine du pain. À la distribution il fallait viser la bonne place, la bonne louchée qui vous donnerait une soupe plus épaisse et moins liquide. Parfois les prisonniers parlaient cuisine. Ils racontaient les détails de festins familiaux et des traditions culinaires de leur pays. Nous, c'est à dire moi et un ami ukrainien, on ne parlait jamais cuisine. Raconter quoi ? La famine de 1933 ? Nos disettes chroniques ? Je n'avais jamais vu de chocolat, ni banane, ni orange... Leur parler de la famine ? Personne ne m'aurait cru. Il pouvait même y avoir des communistes parmi nous. Je n'avais pas besoin d'emm... supplémentaires. Et puis un jour, mon reflet dans un miroir trouvé par hasard : le cou décharné de poulet, l'air hagard et les orbites creuses, la mort qui pointe son mufle...
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