série P3 Le film Point de vue du scénariste et romancier Pierre-Alain Mageau
Que la volonté d'Allah soit faite ! Mais quelle était la volonté d'Allah ? Bien impudent celui qui prétendait la connaître. Il avait souvent constaté que l'homme s'appropriait la volonté de celui-ci pour arriver à ses fins.
- Vous avez cinq minutes mon capitaine ?
La référence à son grade et le vouvoiement inquiétèrent un peu plus Joubert. Il invita le policier à s'asseoir.
- Vas-y, je t'écoute. Qu'est-ce qui t'arrive ?
Saïd grimaça.
- Je crois que viens de faire une connerie.
L'inquiétude de Joubert s'accrut. Saïd excellait dans le travail d'infiltration. Servi en cela par son faciès et son passé, il avait un certain talent pour se mêler à la pègre.
Dans une ville de province comme La Rochelle on avait peine à imaginer qu'un beur soit flic. Joubert connaissait les risques que couraient les infiltrés. A trop se mêler à la pègre, on pouvait facilement franchir la ligne.
Question ligne, Saïd avait-il touché à la poudre ? Avait-il les stups sur le dos ? Si c'était cela, il ne pourrait rien pour lui.
- Qu'as-tu fait ?
Saïd se pinça les lèvres.
- Je viens de coller mon poing dans la gueule de Filippi !
Ce n'était que ça ! Joubert ne voyait pas où était la connerie.
- Oui. Il me semble que si cette gamine a mal tourné, c'est en grande partie à cause de Castella. Tu ne crois pas qu'elle a droit à un procès loyal, cette fois ? Avec cette cassette, ça devrait pouvoir le faire, non ?
Il ne pouvait pas lui répondre que cette dernière avait été une monnaie d'échange pour sauver Saïd et qu'il avait donné sa promesse à Castella de ne pas s'en servir. Elle ne l'aurait pas compris et surtout accepté.
Il lui en voulut.
L'autre jour, à la rédaction, poursuivit-elle, nous avons reçu un coup de fil d'un contact au service des urgences qui nous signalait la découverte d'un cadavre près des deux tours, place Saint-Jean d'Acre.
Didier Frelance sentit le sang bouillonner dans ses veines. Son rythme cardiaque s' accéléra. Sa respiration! Il fallait qu' il la rythme! Il en était toujours ainsi avant le moment fatidique. Une brusque production d' adrénaline qu' il fallait gérer. Il ferma les yeux. Inspiration: un-deux-trois-quatre-cinq-six. Blocage; un-deux-trois-Expiration: un-deux-trois-quatre-cinq-six. C' était bien, il sentait la tension redescendre. Ne pas se laisser influencer par la clameur de la foule. Il recommencera. Inspiration, blocage, Expiration. Parfait, le calme total. il arma son tir...
Il tenta de s'humidifier le palais, mais il n'y parvint pas. Sa bouche ne répondait pas à sa sollicitation. Les commissures de ses lèvres semblaient figées. Un peu comme une sorte de paralysie. C'est ça ! Une paralysie ! Il était paralysé ! D'ailleurs, il ne pouvait pas bouger la tête comme si elle était prise dans un étau. Ses bras ! Ses jambes ! Plus rien ne répondait.
Joubert sentit la colère sourdre avant de l'envahir. Il se surprit à souhaiter que l'autre victime ne fut pas le tueur. Son instinct de chasseur avait pris le dessus. Si c'était le cas, il n'aurait de cesse de trouver celui ou ceux qui avaient fait ça. S'attaquer à un membre de son groupe, même indirectement, c'était comme s'en prendre à un membre de sa famille.
- Gravedigger a eu quelques difficultés à croire qu'un type puisse se suicider en tenant son flingue à environ vingt à trente centimètres de son front. Comme il a vu que c'est cette version qu'on voulait, il a conclu que le suicide n'était pas probable, mais possible. Ça te va ?
Livre dédicacé à Rochefort le 01 avril 2006