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Citations de Pierre-Albert Jourdan (56)


Ce mouvement de vagues dans le sang …

J’ai ton odeur sur ma poitrine
ton odeur sèche et fiévreuse

Tu es parfois
à la pointe de mes mots
lorsqu’ils se plient à ton soleil
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Ébauche d'un paradis perdu - extrait
     
Très loin, le craquement d'une écorce. Un arbre qui étouffe.
     
Il faut grandir. Les rêves sont prohibés. L'immémorial été a franchi les colonnes de la terre. Les saisons neuves déjà se bousculent et plantent leurs blasons. Et cette route infatigable passe par leur corps. Et ils se savent dans le sommeil liés à ce corps délirant, ils n'ont que lui comme miroir. La grande table de la terre !
     
Il faut grandir ; ils grandissent, mêlés aux touffes de thym, aux romarins vibrants, aux fleurs brutales des grenadiers. Membres épars dans ce massacre, ils savent les liens. Ils se fortifient d'absence. (Les rides sont le langage du dieu).
     
Il faut grandir encore mais déjà, comme un enfant émerveillé lance les dés, l'aube roule sur les collines. Il y a dans leurs muscles, au réveil, la trace d'un chemin inconnu.
     
Qu'ils partent ! Qu'ils soulèvent la poussière ! Ô, qu'ils partent et que la poussière se tasse sur leur chemin, que la poussière leur soit douce !
     
- - -
     
L'homme s'éveille avec peine de cette longue nuit. Il s'arrache aux liens tissés. Il le croit. Il secoue sa compagne, comme si la prière de l'aube résonnait encore dans sa tête. Partir ! Mais il contemple ce corps allongé près de lui. Il lèche cette chair endormie. La chaleur monte dans ses reins. Et le désir s'échappe, glisse dans les terres, frappe l'ombre miroitante et se love dans les collines. Il gonfle la pâte des nuages, étoffe les feuillages, leur donne odeur puissante. Il entaille la terre, l'ouvre aux semences.
     
L'homme et la femme marchent d'un même pas. La tâche n'est pas remplie, vide est encore l'horizon qu'ils ne foulent pas. Il faut donner un nom à cette beauté éparse, la convaincre d'exister.
     
Ils franchissent des terres innombrables. Veulent-ils oublier ce lieu sauvage d'éblouissement et de terreurs ? Peuvent-ils fuir ? Ils ne fuient pas. Ils sont ces étranges intercesseurs sans rien connaître de la nécessité qui les porte. Ils longent de grandes étendues et la fatigue voilent leurs yeux. Depuis combien de jours déjà ?
     
Parfois comme une voix semble raser l'herbe nouvelle : de frêles tiges de sauterelles où bleuissent de petites mousses ; des plaques rousses sur le sol craquelé, l'étendue passionnément grise. Une voix, oui, qui froisse de longues tiges noires et jaunes et d'un duvet la caresse soyeuse, petites crinières de vent.
     
Et le vent est partout.
     
Ils s'arrêtent, se logent dans cet abri. Des oiseaux blancs aux longues pattes d'or dessinent les étoiles d'un ciel commun.
...
     
pp. 275-276
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Bleu
   
Comme une brume de beau temps qui se lèverait, qui effacerait les aspérités du paysage. Et le regard, un instant, peut voler dans cet espace. Il dessine cette demeure.
Tout ce qui était perdu, que l’on disait distance, tous ces lointains ne forment plus qu’une poudre bleue, diluée dans le bleu.
La preuve est là, dans cette grande douceur. Un acte désespéré pour nous approcher. Sans image vraiment : simplement parce que quelque chose s’inscrit, s’efface, pour nous montrer que de plus hauts degrés sont possibles. Qu’il est possible à ce corps de les gravir. Tu pourrais naître dans ce bleu.
 
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Il y a une parole confiée au silence, que l'ombre nous transmet. Une parole d'effacement qui est parole de tendresse. Peut-être pourrions-nous aussi parler de bonté. Lavis d'ombre sans que soit raturée cette lumineuse coulée qui la contient. Mais plus proche de notre dénuement. Je crois à cette parole d'ombre. Elle n'est pas jeu de lumière ou de solitude mais ce que nous pouvons comprendre d'un dialogue qui se fait, qui se défait en nous. A chaque instant. Car nous ne pouvons comprendre que l'ombre. La brisure de l'éclat.


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L amandier ce matin est tout murmurant d abeilles. C est le calme, l expression la plus profond du calme. Cela s enfonce très loin à travers les murs. Il n y a plus de séparations. Les barrières à ce point si merveilleusement fragiles, il me semble que les blessures s effacent. C est ce que nous pourrions appeler le miel de la mort légère. Il n est pas question de faire de la littérature, il est question de capter cette légèreté. Qu elle ne nous soit pas donnée n y change rien. On la sent. Comment ne pas rêver d une telle alliée ?
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Le dépourvu


Extrait 15

Il n’y a rien,
il n’y aura jamais rien
à dire
de ce qui seul
nous fait parler.

//Roger Munier (21/12/1923 – 10/08/2010)
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Faire son jour comme on dit faire son trou.
Mais pas en s'enterrant. En s'aérant.
Avec des mots, bien sûr, mais aussi avec ce
que le dérapage des mots peut t'apporter
de distance par rapport à eux.
T'éloigner d'une souveraineté suspecte.
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COUSU DE BLEU


Curieuse façon du silence que d'imposer ce chant d'un
coq lointain, de renverser les saisons, de faire venir au
goût cet été sommeillant, éternel. Cette solaire enfance.
Visitation du silence. Ici, entouré de présences plus
fortes qu'un hiver. Ici où, presque, la parole m'est retirée,
m'est donné ce glissement non pas fataliste mais comme
une résignation plus haute. Que, par exemple, ce dialogue
muet est plus important ; que la vérification du lieu se
passe de paroles, passe uniquement par le corps comme
une source qui l'irriguerait.
Trois points lumineux où se cache le soleil sous une
masse grise, c'est un signe et il se change en ces fumées
lointaines au pied du mont, en rouge-gorge sur une
branche nue de micocoulier, en cette main qui trébuche
sur le papier. Mobilité du signe mais aussi profonde muta-
tion d'être. Les barrières sont si légères ! Tu as vu cela
avec quels yeux ? Les yeux de celui qui brûlait. Et il l'igno-
rait. Comme j'ignore cette bourrasque de neige sur la mon-
tagne et comme elle m'aspire maintenant, me rend à la
présence en m'éblouissant….

p.568
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LA LANGUE DES FUMÉES


VII
Une paix grise, quelques touffes de renouveau, l'élan
proche et inaccessible.
L'altitude du regard.
p.34

XXI
Les promontoires ailés. Chemin de ronde à la rare végéta-
tion de sable, de vent, de froid.
L'espace à la proue de ces lieux privilégiés ne cesse de
s'engranger dans le cœur.
La faim perpétuelle qui le dévore n'explique pas.
p.45

XXIII
Chair brûlante. Alors le désir est partout absorbé.
Une bruyère. Un fantastique château se découpe.
Toutes les causes de l'alphabet sont fermées.
S'évade aussi le nom divin.
Chaque pouce d'air contient du monde.
p. 47


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Le silence revient, il ouvre le ciel. Il porte ce bleu profond que tu es de toute éternité, toi, l'accroc de ce bleu. Toi, repriseur de bleu. Toi, cousu de bleu.
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Le jardin des errances



extrait 3

Crachez les plumes et le fiel, embrochez,
tournez sept fois la langue dans la bouche
ne dites pas que c'est vous qui l'allumez
si vous avez tout desséché
cœurs désertiques vous faut-il donc
ces monstres pour vous empaler ?
Si le pacte d'alliance se fait sur terre
plaignez-vous de l'avoir perdu !
Et si le bleu ne descend plus
plaignez-vous de l'avoir recouvert !
Si le pacte est fragile – c'est sur terre
somnambules nous errons
la cavalcade, la ronde en nous ne cesse point.
Suffirait-il d'adoucir les gestes
il y aurait tant à brûler !
Sommes-nous si peu mélodieux
que la harpe nous transperce…

Quand donc, équilibristes impossibles
trouverons-nous la route du cœur ?
Terra incognita.
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COUSU DE BLEU


…Ce moi pulvérisé est mon moi. Cela se dévide hors de
moi, hors de mon ventre. Cela s'envole. Car le parcours
est infini. Épuisant parce que tu veux tenir, retenir. Est
épuisante l'infinité parce que mort est en toi. Une certaine
image de la mort. Son autre versant est neige aussi, est la
même infinité. Le peu que s'ouvrent les barrières : tu ne
reviens pas entier. C'est le pas gagné.
Tu absorbes le froid. Il a démantelé les raisons de ta
« personne ». J'entends bien : personne, ici personne, c'est
une multitude de liens, personne au sein d'une multitude de
présences. Et il n'y a rien à rassembler. Tout est rassemblé.
D'énormes distances sont franchies qui me font m'aban-
donner. Abandonner cet écran. Moi-écran. Mains-oiseaux
dans le froid et le passage et l'éclat. Et la percée du soleil,
et l'envol des plumes neigeuses, le rebondissement d'arbres
en arbres, écoutant l'autre voix, son éternel regain, sa façon
d'essaimer le rien. De m'en éblouir. De me tuer ainsi.
Déchire ce bouclier dérisoire !
Alors, de neige en soleil, tu cueilleras l'unique fleur et
les voyages s'ouvriront à son parfum de lumière. Le silence
revient, il ouvre le ciel. Il porte ce bleu profond que tu es,
de toute éternité, toi, l'accroc de ce bleu. Toi, repriseur de
bleu. Toi, cousu de bleu.

p. 569
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Premier volet



extrait 1

(…)

Dans cette image déchirée de mon enfance, au-dedans de moi,
je ne savais pas ce soir-là, je devine à peine aujourd’hui, quelle
force avait pris racine et me nourrissait. Le ciel où nous nous
heurtions enfants, les collines traversées, août furieux, les pluies
de septembre, les perpétuelles vendanges, cela forme une aire à
fouler, à parcourir jusqu’au vertige ; une aire d’envol : tout ce
qui reste pour s’évader du labyrinthe. (…)
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Avec mon pinceau …



Avec mon pinceau je trace dans l’air
des signes d’encre
oh si légers !
ils sont nuages au couchant

Le soleil a sauté
les grillons parlent
eux seuls
ils strient finement l’espace
notre espace de nuit claire
la douleur n’est plus
que semence dans mes paumes
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À la rencontre d’un pin

La parole chargée de guérir a dressé cette ruine
de quelques chardons bleus, de poussière et de vent ;
ce chemin où la mort, empoignée par tant de mots,
comme un figuier portant ses fruits dans un vieux mur
et l’embellie de lierre sur la porte fanée,
se referme sur le devenir joyeux,
le lointain, très lointain murmure
d’un pin amoureux.
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Donnez-moi une place au soleil
le creux d’une pierre
où le lézard s’est chauffé
si près du tremblement des herbes
qu’un autre espace s’y reflète

Les dimensions de la peur se sont réduites
à cette offrande secrète d’un corps
car les distances aussi s’amenuisent
qui ramènent à la terre
herbe pierre lézard
sont les pas qui s’en approchent

Paupières fermées sur le soleil
ô le rouge tremblement de ce couchant
la demeure inviolée dans les fibres de l’être
et son éclatement peut-être
quand l’autre place si longuement frôlée
soudain étouffera
l’impossible silence des mots
là sous la pierre nue

et le lézard sera pensée
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Premier volet



extrait 2

(…)

Un vorace nuage de sollicitations tourbillonne autour de moi.
Demain le matinal parfum des pinèdes sacrera la maison.
J’ai l’impression de m’éveiller, d’être en retard. Mon pas
fait rouler les pierres, je les entends cascader, c’est un bruit
poignant, étouffé, de passé qui s’écroule. Je lève les yeux.
Oui, là-haut, peut-être…
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En creusant



Le silence est notre chambre depuis toujours
les solitudes ne peuvent s’atteindre
qu’à travers de multiples déchirures
et c’est sans doute le sens ultime
de la lente pénétration de la terre dans nos corps.
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Marcher



Pierre et poussière du chemin,
homme désagrégé, homme comblé
tout entier dans cette image de son sang,
de son avenir de silence ;
lente et lourde pierre poussiéreuse
qui dévale le sang abrupt,
long cri se délivrant
de l’étouffant tableau de calme inaccessible

le corps soudain se connaît cible,
se fait violence
à portée de la masse obscure
qui l’étreint.
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Donnez-moi une place au soleil…



Donnez-moi une place au soleil
le creux d’une pierre
où le lézard s’est chauffé
si près du tremblement des herbes
qu’un autre espace s’y reflète

Les dimensions de la peur se sont réduites
à cette offrande secrète d’un corps
car les distances aussi s’amenuisent
qui ramènent à la terre
herbe pierre lézard
sont les pas qui s’en approchent

Paupières fermées sur le soleil
ô le rouge tremblement de ce couchant
la demeure inviolée dans les fibres de l’être
et son éclatement peut-être
quand l’autre place si longuement frôlée
soudain étouffera
l’impossible silence des mots
là sous la pierre nue

et le lézard sera pensée
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