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Critiques de Pierre Bec (2)
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Chants d'amour des femmes-troubadours

Je dois avouer que c'est davantage une curiosité historique et sociologique que poétique qui m'a poussée vers cet ouvrage au départ. Et j'y ai trouvé mon compte grâce à une introduction bien développée sur la place des femmes dans la société au Moyen-Age, en particulier dans les pays d'Oc (beaucoup plus libre et ouverte que dans le Nord), la vision négative dûe à la religion, les statuts de la femme dans le concept du "fin'amor" (amour courtois) etc. Etant novice en poésie médiévale, j'ai regretté le manque d'explications de certains mots techniques (nécessité de chercher ailleurs, la majorité est finalement expliquée plus tard ou se laisse comprendre par le contexte - par exemple ce que sont les "tenso, canso, vidas, razos" etc.).



Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant, c'est l'interrogation sur l'éventualité d'une écriture féminine spécifique qui permettrait de distinguer un troubadour (homme) d'une trobaraitz (femme) : il n'y en a pas, ni sur le forme, ni sur le fond, seules les biographies (vidas) et explications (razos) qui accompagnent parfois les textes permettent d'assurer la maternité ou la paternité d'une oeuvre.



Autre point intéressant : le statut social de ces autrices (toujours de haute naissance, contrairement aux hommes) et le statut du "je" dans leurs textes. Je cite : « La dame-poétesse reste donc bien dans le système, mais elle s'y intègre beaucoup moins en tant que femme, c'est-à-dire avec l'expression éventuelle de sa féminité authentique, qu'en tant que "dòmna", c'est-à-dire, encore et toujours, comme protectrice et dominatrice » (dans le respect du fin’amor donc). La femme, dans ces textes, peut remplir notamment le rôle d’amoureuse esseulée, éventuellement trahie (à tort ou à raison...), de mal-mariée (qui se plaint d’un mari violent et se donne passionnément et effrontément à un amant – Olympe de Gouges et sa dénonciation du mariage comme esclavage ainsi que sa promotion d’un « contrat social de l’homme et de la femme » m’ont paru assez proches !), d’intermédiaire entre deux amants (j’ai pensé à Lunette d’Yvain, le chevalier au lion, qui joue l’entre-metteuse de nombreuses fois entre Yvain et Laudine). On y retrouve également des raisonnements paradoxaux mais tellement ancrés qu’ils deviennent instinctifs, et que l’on peut encore voir aujourd’hui, de femmes qui ont tendance à perpétuer un monde patriarcal et machiste.



Nous pouvons découvrir les trente-quatre poèmes et chansons de vingt-huit autrices, dans leur langue originale, l’occitan, et bien entendu dans leur traduction en français contemporain.

Je ne connais pas la prononciation de l’occitan mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier la qualité du rythme et des jeux de sonorités par endroits (je n’ai pas lu tous les textes en occitan, je vous rassure…). Un petit exemple en citation ci-dessous pour les curieux.

Un constat : la forme est extrêmement travaillée et requiert indéniablement un grand talent d’une part, mais également des connaissances pointues sur ces formes littéraires. Ces femmes ne sont donc vraiment pas n’importe qui. De fait, à la lecture de leurs œuvres autant que des commentaires de Pierre Bec, on comprend qu’elles étaient éminemment cultivées voire savantes, affirmées et respectées, avec du caractère, sensibles, mais pas sans humour (l’une des chansons met en scène une femme qui ne veut pas se marier pour ne pas avoir d’enfant car elle ne veut pas avoir les seins qui tombent…).



En ce qui concerne la littérature du Moyen-Age en général, j’ai trouvé très intéressant d’observer la variété des genres – très codifiés – qui ont pour moi fait écho ici ou là à d’autres formes ou topoi littéraires, médiévaux mais aussi plus tardifs (chanson, chanson dialoguée – basé sur un débat, sur ce que doit faire ou non un bon amant par exemple, impliquant une réelle casuistique amoureuse -, lamentation funèbre, aube – un poème mettant en scène le guetteur, serviteur surveillant la venue de l’aube pour que les amants ne se fassent pas surprendre, dialoguant éventuellement avec l’un d’eux – ça peut paraître stupide mais je trouve ça fascinant qu’il ait existé une forme littéraire spécifique pour relater cette situation ! Et cela en dit long sur les rapports hommes / femmes, époux / épouses etc.).



Même si les textes en eux-mêmes sont souvent courts, j’ai retiré de cet ouvrage une multitude d’informations passionnantes. Une lecture enthousiasmante (il faut être un peu intello pour ça, soit…;-) !
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La Langue occitane

Un livre facile à lire par une sommité de la langue occitane, le poitevin Pierre Bec décédé en 2014. Ce livre est paru en 1963 et a été réédité à plusieurs reprises.
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