Lorsque par la suite j’ai travaillé dans la jungle beaucoup m’ont pris pour un aventurier mais j’ai découvert des personnages auprès desquels je passais encore pour un enfant de cœur. J’ai constaté par la suite que même si on crapahutait aux fins fonds de la brousse on y rencontrait toujours plus aventurier que soi.
Souvent les Blancs parlent « des Africains »comme si c’était un seul peuple, certes ils ont des caractéristiques communes, mais il y a énormément de différences d’un pays à l’autre, puis d’une région à l’autre.
Qu'il soit clair avant de commencer que ce livre n'a pas pu être écrit par Jean Patrick Manchette, bien que babelio s'entête à ne pas vouloir corriger:
"Jean-Patrick Manchette souffre, entre 1982 (date du voyage au Cameroun)et 1989, de symptômes notables d'agoraphobie, qui le laissent la plupart du temps retranché dans son appartement du XIIe arrondissement. Grand fumeur depuis l'âge de treize ans, il contracte en 1991 un cancer du pancréas. Il en meurt le 3 juin 1995 à Paris, à l'hôpital Saint-Antoine"
JP Manchette n'était pas topographe, et n'est jamais allé au Cameroun.
D'ailleurs, à partir de maintenant, je m'appelle Delphine de Vigan.
On passe hors piste à flanc de collines (quand la route a été dévastée et remplacée par un trou de deux mètres ) on touche là à la différence fondamentale entre l’Europe et l’Afrique ; L’Européen crie au scandale en exigeant que quelqu’un répare immédiatement, alors que l’africain se débrouille car il sait que personne ne réparera. Et les évènements lui donnent raison, pourquoi réparer puisque les voitures passent quand même ?
Le Nigeria avait décidé d’expulser tous les étrangers de son territoire…. Et oui, c’est un pays africain qui le premier a viré tous les étrangers de chez lui…. Au passage, on peut noter que le Nigeria qui était déjà un pays bordélique, le sera encore plus après cette décision brutale, les étrangers assuraient tous les petits boulots et les expatriés occupaient eux les rôles d’encadrement.
Je suis partagé entre une certaine fierté et une profonde gêne. Fierté d’avoir été à la hauteur et d’avoir pu faire ce que j’estimais le mieux. Ici on est dans la jungle, c’est la loi du même nom qui s’applique, et ce n’est pas facile quand on est originaire de contrées plus policées.
Si on plante la voiture il n’est pas question d’appeler le garagiste : il n’y a pas de téléphone et de toute façon il n’y a pas de garagiste.
Je vais directement voir le commissaire. Lorsque je lui indique où s’est passé l’incident, il me déclare « Mais ce n’est pas mon secteur, on n’a jamais envoyé une patrouille là-bas, vous êtes sûr que c’était des vrais policiers ? » Et là je tombe sur le cul.
J’explique pour les novices : un flic peut très bien prêter son uniforme à son frère ou son cousin le soir, lequel va se planter au bord de la route pour soutirer du fric aux pauvres types de passage. Ensuite on partage, quoi de plus normal en famille ?
Nous y mangions à l'européenne avec des couverts en argent, et il y avait même un menu en français.
Parfois nous regardions la version anglaise pour être
certains car le traducteur n'était pas toujours au top de sa
forme. Je me souviens des courgettes devenues "Gorgettes
sautées", j'ai repensé à la vieille Georgette de mon village
qui aurait bondi d'indignation en voyant sa réputation ainsi
bafouée.
En partant de la palabre et en passant par l’emphase, on arrive vite au mensonge, mais attention, ce mot n’a pas la même connotation négative qu’il a chez nous. « Le mensonge donne au langage un sel qui manque toujours à la vérité pure ». Un Camerounais peut dire une chose et son contraire cinq minutes plus tard, mais attention, il se vexera à mort si vous le traitez de menteur. Mentir c’est induire volontairement quelqu’un en erreur, alors qu’enjoliver la vérité, voire la distordre un peu, n’est qu’un réflexe normal, c’est le petit grain de sel justement.