Une année au Cameroun>Pierre Duchesne III
Après deux ans passés en Ethiopie, où il s'étonne d'avoir été si heureux au milieu de la plus grande pauvreté alliée à une dictature pas spécialement cool, l'auteur est nommé comme topographe au Cameroun.
Il s'agit, ni plus ni moins de construire une route à quatre voies entre les deux grandes villes du pays, Douala et Yaoundé, jusque là reliées en partie par des chemins de terre défoncés et parfois impraticables. L'autoroute prévue fera sauter pas mal de cases, mais, bon.
Il nous présente un tableau tellement vivant, de cette partie de l'Afrique ubuesque, que l'on pense tout de suite à l'humour de
Nigel Barley .
Première constatation : il ne sait plus ce qui normal ou pas.
« Après ce que j'ai vu ( à l'aéroport, que les Camerounais appellent l'aviation l'assaut donné pour entrer de force dans l'avion) je ne sais plus s'il y a une limite, en tout cas je suis maintenant certain que s'il y en a une, elle est assez élevée. »
La vie en brousse commence, l'assaut de millions de moustiques, un petit serpent vert invisible au milieu de la végétation, mais que ses compagnons voient ( est-ce un canular ou un rite d'initiation ? il préfère ne pas y penser.
L'eau boueuse qui emplit le chemin fait patiner les voitures, qui doivent être poussées moyennant finance par des riverains, lesquels, la nuit s'empressent de déverser abondamment des baquets d'eau, avec un esprit louable d'entreprise créatrice d'emploi.
Même constatation que l'anthropologue, les blancs sont jugés comme ne pouvant être que des mauviettes. le jeune Pierre comprend vite que s'il veut se faire respecter, il doit, justement, se faire respecter, refuser de se faire manipuler ( même si ce sont des Français qui l'ont le plus manipulé, exploité et pas payé. )Ceci dit, il sait qu'il subit des tests, peut être le serpent, plus encore quant au temps de travail : « si je réagis mal, je suis certain qu'ils vont m'emmerder par la suite, mais si je réagis bien je n'ai aucune garantie d'avoir la paix ».
Monde du travail où les difficultés se doublent du délit de facies en version locale.
Les élections sont un grand moment : parti unique oblige, le vote est pourtant obligatoire.
Au Gabon, dit l'auteur, où le vote est aussi obligatoire, même les Blancs sont invités à voter et plusieurs fois, de plus : ce qui fait que ce pays riche, en gonflant son nombre d'habitants, peut être considéré comme pauvre et recevoir des aides financières pas négligeables.
Mêmes détails encore concernant la douane à son arrivée, ses papiers dont finalement, dans l'impossibilité de les obtenir, il doit se passer, et le permis de chasse demandé à un chasseur en pleine campagne ( ce qui prouve que la maréchaussée a de l' humour,) dit l'auteur d'
Une année au Cameroun.
Puis ils se font cambrioler, ils n'osent pas sortir et lorsqu'ils entendent : police ! « on se dit que là ils nous prennent pour des cons mais on répond quand même ».En réalité, c'est une tournante, chaque gardien d'immeuble à tour de rôle se faisant « séquestrer », pour permettre aux voleurs de travailler efficacement.
Un chef de village s'installe et déclare : « Voilà, nous allons rendre la justice », Commentaire de l'auteur : La version locale de Saint Louis sous son chêne, ça peut paraître ridicule, mais ça génère quand même le respect ».
Palabres, emphase, fatalisme, corruption des ministres, et solidarité.
Quant au sort des femmes, comme je suis contente de lire ce que j'ai moi aussi vécu :
Les femmes camerounaises qui ont des enfants avant mariage ne sont pas du tout rejetées, au contraire, puisqu'elles ne sont pas stériles. La polygamie, qui est une affaire d'argent, est parfois souhaitée par la première épouse, elle reçoit une aide et partagera les travaux, sans que le mari aille dilapider ailleurs.
Il est difficile de tout citer de cet excellent livre, qui rappellera des souvenirs à ceux qui connaissent le Cameroun et qui peut donner une idée de ce monde farfelu, rempli de maladies, où les sorciers côtoient dans les têtes la religion, remplies de sensations fortes et pourtant négatives.
Confronté à une expérience pas prévue, celle de la brousse africaine plus monotone qu'aventureuse , devant prendre seul des décisions compliquées, il analyse cette différence des cultures avec intelligence et humour-
Je le conseillerai à tous ceux qui veulent se faire une idée de l'expérience africaine de lire «
Une année au Cameroun. Pierre Duchesne III, j'insiste.
@dombrow01.