Le dôme de la cathédrale byzantine, élevée sur le plateau d'argile près de l'Harricana, reflétait les rayons de la lune. Sa voûte avait la beauté anonyme des objets élevés à la gloire des dieux éternels et gourmands. (p.99)
Jérémie eut l'intuition qu'il y avait une sorte de récupération de la mort dans le repas funèbre. Un allègement. Cela permettait par la suite de mieux fonctionner. Le psychisme absorbait la mort, en même temps que l'estomac se remplissait de victuailles. (p.161)
Maigrir. Devenir une ombre. Ne plus avoir de volume. Une absence. Ètre celle qui ne mange plus. Qu’on ne peut pas manger.
Ou grossir? Devenir énorme. À soi seul un carnaval, un désordre, un monde! Se camoufler dans la lourdeur mystique de ceux qui ne peuvent plus bouger.
(p.38)
Son enfance ressemblait à un lièvre qui fuyait, à des jeux qui ne seraient jamais terminés, à des jours où elle trépignait d’impatience devant un lendemain qui ne voulait pas venir. Comme le temps était long!
(L'Instant même, p. 70)
Il y a des morceaux de ta vie ou de celle des autres qui tracent une ligne droite juste dans ta direction. Tu peux chercher à te rassurer. Personne ne viendra te sauver. Tu te dois d’être présent, ouvert aux autres et à leurs lubies. Disponible. T’as pas le choix, remarque.
Une sorte d’euphorie se saisit de toi. Tu sens le vent crépiter à tes oreilles. L’univers ne reflète plus que des objets difformes, des bouts de bras, un orteil, des cloportes, du bavardage. C’est remarquable comme tu as l’impression que, jusqu’alors, tu ne faisais que perdre ton temps.
Cette collision t’apparaît comme le fondement même de ta vie. Éviter les accidents, ça ne sert à rien. Les accidents ce sont des désirs qui ont mal tourné.
Une fois parti, il vaut mieux ne pas s’arrêter. On ne sait jamais.
Pourquoi ce qui nous est inconnu offre-t-il une telle séduction ?
Je veux juste me réveiller et savoir que rien n’est prévisible.
Toutes les directions pour l’instant se valaient et l’Ouest ne voulait plus rien dire.
L'invasion des couleuvres semblait une preuve frappante que l'Histoire se compose d'une suite de destins ratés, de fausses manoeuvres commises sous le coup des circonstances. p.43
Les caméras de surveillance devenaient une nouvelle forme de conscience collective. Autrefois il y avait Dieu qui se tapait seul la besogne mais aujourd'hui chaque action pouvait être enregistrée par des appareils d'espionnage sophistiqués.
"Croyons- nous encore à la justice, à la sainteté, à l'égalité? Peu nous importe, mes amis, la comédie de ce monde. NOUS NE CHERCHONS NI LE BONHEUR NI LE CHÂTIMENT. NOUS NE CHERCHONS PLUS! NOUS SOMMES DANS LE RÊVE!" p.126
La génération de nos jours n'attend que le malheur. Nous ne cherchons pas, et nous ne observons pas le monde. Nous sommes préoccupés de notre liberté et ne voulons faire rien, pour se développer et progresser. Ironie- l'autodérision de cette génération qui ne sait pas quoi faire et où aller. Désenchantement. L'absence, l'aire vide, liberté sans soutien, tout est dit, gravité légère...les thèmes retrouvés dans (presque) chaque oeuvre littéraire contemporaine.