Ce que je me rappelle aussi, c'est que durant les quelques années où ma mère m'a donné des leçons de violon, j'en ai éprouvé un grand plaisir. Ou, plus exactement, aimant l'entendre lorsqu'elle faisait de la musique, chose qui me paraissait alors tout à fait naturelle, j'appréciais moi-même de jouer.
C'est pourquoi sans doute je ne me consolerai jamais d'avoir dû arrêter. Et lorsqu'il m'arrive d'entendre un enfant jouer du violon, comme il y a quelques années dans une rue d'Avignon, à l'époque du festival - c'était pourtant un pauvre violon et une interprétation de quatre sous- , mes yeux immanquablement s'embuent et je sens le chagrin m'envahir.
On ne se console pas de ce qui nous a été irrémédiablement arraché durant l'enfance et qui demeure comme une plaie ouverte à jamais au plus secret de soi. (P.143)
Il est faux de croire que l'on gouverne sa vie. Il n'y a nul hasard, il y a seulement des rencontres, des appels du pied un peu insistants du destin auquel il est vain de vouloir se soustraire. (P.105)
'La leçon de guitare' n'a pas grand chose à voir avec les oeuvrettes de boudoir ou les polissonneries de garçonnières de la Belle Epoque chères à un Willy. Il émane au contraire de la toile un mélange de cruauté et de sérénité, d'étrangeté et de gravité qui en fait une oeuvre érotique proprement inclassable, dont la charge perverse, à bientôt quatre-vingt-dix ans de distance, n'a rien perdu de sa force.
« Peindre est une prière », ne cessait de répéter Balthus qui, à propos des jeunes filles peuplant ses tableaux, affirmait, toujours en référence aux maîtres du passé : « Toutes mes figures féminines sont des anges, des apparitions. Les gens pensent que c’est de l’érotisme. C’est parfaitement absurde. » Peut-on vraiment le croire ?