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Critiques de Raymond Poincaré (11)
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Au service de la France,neuf années de souven..

En début d’année, Poincaré évoque les négociations franco-anglaises sur la répartition des terres arabes du Moyen-Orient sous domination turque. Elles avaient été proposées par l’Angleterre en Octobre 1915 et la France avait dépêché à Londres son consul général à Beyrouth, Georges Picot. Au Conseil des ministres du 4 janvier Briand expose l’état des pourparlers. La France aurait en pleine souveraineté Alexandrette, la Cilicie et l’arrière pays, le sort de Mossoul restant en suspens. Elle aurait aussi le Liban avec Tripoli et Beyrouth mais l’Angleterre ne nous laisse la Syrie que sous la suzeraineté de l’émir de La Mecque alors qu’elle réclame pour elle-même la Palestine. Briand a demandé le partage de cette dernière et un condominium sur la ligne ferrée qui aboutit à Haïfa.

La bataille de Verdun occupe une place relativement mineure dans les mémoires de Poincaré. Des lors que nos troupes résistent et tiennent la position, ses fonctions présidentielles écartent ses activités de la bataille et le plongent dans les intrigues des parlementaires, les manœuvres de Clemenceau, les relations avec les Anglais, les Serbes, les Russes, les Roumains, sans oublier la visite du roi du Monténégro et les fréquents échanges courtois avec la Cour Royale de Belgique.

Il faut toutefois lui rendre cette justice qu’il visite fréquemment le front, jusqu’aux premières lignes et non sans péril. Il interroge les hommes et les officiers, sur leurs besoins, les perfectionnements à apporter, sur leurs réclamations. Il en tire une foule d’informations et d’observations qu’il répercute aux ministres et à Joffre. Il se considérait mieux renseigné qu’eux sur l’état de l’armée.

Le dimanche 20 février, veille de l’attaque allemande sur Verdun, Poincaré sur le front à l’est de Reims, rencontre le général Langle de Cary, qui commande le groupe d’armées du Centre dont dépend la défense de Verdun. Le général s’attend à une prochaine et violente attaque sur Verdun où ont été amenés des renforts et de l’artillerie.

Poincaré ne fut pas complètement informé du déroulement de la bataille. Il en apprit des épisodes par la radio allemande.

Il est préoccupé par le nombre de prisonniers faits dans les rangs français, révélateur de leur combativité ; à Verdun 125 000 au 25 avril selon le général Castelnau.(p.209) A la même date on comptait 347 000 hommes prisonniers en Allemagne(p.211). Lors du conseil des ministres du 13 avril Poincaré note : « l’ordre du jour attribué au général de Bazelaire par les Allemands est exact ; le général a bien dit que si les troupes se repliaient encore, elles seraient exposées à être écrasées par notre propre artillerie, qui ne modifierait pas son tir pour les épargner ».

L’attitude du général Gallieni, ministre de la guerre, trouble cette période. Il s’oppose à Joffre et donne l’impression de vouloir se démarquer du gouvernement. Il est amené à démissionner le 16 mars et est remplacé par un autre général.

Le 26 février Pétain avait été nommé chef de la 2ème armée dont dépendait la région de Verdun, sous les ordres de Langle de Cary, lui-même coiffé par de Castelnau, Joffre étant général en chef de toute l’armée. Le 2 mai Nivelle remplaça Pétain qui succéda à Langle de Carry atteint par la limite d’âge.

On sait que les Anglais et, dans une moindre mesure, les Français lancèrent une grande et sanglante offensive sur la Somme le 1er Juillet. Elle avait été concertée à un Conseil du 31 mai auquel Pétain n’avait pas été invité. Comme lui, Joffre estimait que nos capacités d’offensive étaient devenues limitées.



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Au service de la France, neuf années de souve..

Le 14 novembre 1917, alors qu’il était pressenti pour former un nouveau gouvernement, Clemenceau avait déclaré à Poincaré qu’il fallait mener la guerre de manière à attendre les Américains et ne pas s’user jusqu’à leur arrivée. Sage politique qui sera suivie avant que les Allemands lancent des offensives.

On sait qu’en mars 1918 ils enfoncèrent le point de jonction des armées britanniques et des armées françaises. C’était la percée !

Poincaré rapporte les circonstances de la conférence de Doullens qui avait été convoquée le 26 mars entre généraux alliés et à laquelle participait Douglas Haig. Au contraire de Pétain qui tenait des propos défaitistes et avait donné l’ordre aux troupes françaises de se replier, Foch était d’avis de tenir. Poincaré et Foch, avant la conférence, retournèrent complètement Clemenceau qui avait adopté le point de vue de Pétain et avait même envisagé le départ du gouvernement à Tours; Lors de la conférence la position de Foch fut adoptée. Il fut nommé généralissime des troupes alliées. Désormais il coiffait Pétain et le front fut peu à peu stabilisé.

C’est pendant cette offensive allemande que commença le bombardement de Paris par une grosse pièce d’artillerie qui effondrait les immeubles et tuait des civils.

Autre point fort du livre, parmi un flot nourri d’entretiens et événements, les «Souvenirs » rapportent les vifs échanges qui opposèrent Clemenceau et Poincaré lors de la demande d’armistice de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Turquie le 5 octobre. Le premier voulait terminer les hostilités au plus vite alors que le second était partisan d’une position plus dure à l’égard de l’Allemagne.

L’image de Clemenceau, sauveur de la patrie, est surfaite. Jusqu’à sa présidence du Conseil il n’a cessé de critiquer et intriguer. Poincaré a passé beaucoup plus de temps que lui sur le front à visiter les premières lignes. Poincaré se plaint amèrement des falsifications d’image du « père de la Victoire ».

Le Conseil des ministres du 24 décembre décida l’envoi de troupes en Syrie et l’interdiction du droit de grève pour les fonctionnaires. On était en paix.

Les "Souvenirs" de Poincaré contiennent une foule d’informations, recréent l’atmosphère de l’époque et, malgré une lecture parfois fastidieuse, permettent de répondre, au moins en partie, aux questions que l’on se pose quand on voit, dans tous les villages de France, ces listes de noms affichés sur les monuments aux morts.

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Au service de la France, neuf années de souve..

Le livre commence au 1er octobre 1916 et couvre toute l’année suivante. La fin de l’année 1916 est dominée par une vague de pessimisme, provoquée par des succès allemands dans la Somme et sur la Roumanie devenue notre alliée. Poincaré passe curieusement sous silence le coup d’état favorable à l’Entente de Venizélos à Thessalonique, aidé par le chef de notre expédition, Sarrail

L’offensive en Champagne du 12 avril 1917, combinée avec celle des Anglais du 9, l’entrée en guerre des Etats Unis et la révolution russe sont les événements de l’année. Les deux derniers sont traités de façon anecdotique dans le livre.

Des conditions dans lesquelles l’attaque du 12 avril a été décidée Poincaré ne dit rien, sauf l’allusion le 17 février d’une opération nécessitant des renforts. C’est le 2 avril, lors de la visite en Champagne de Poincaré accompagné des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, que l’on comprend. Ils rencontrent le généralissime Nivelle. Ce dernier est « très sûr d’un complet succès tactique, mais beaucoup moins catégorique en ce qui concerne la possibilité d’une exploitation stratégique». Le général Franchet d’Esperey est « très affirmatif sur les résultats ». Le général Mangin, qui présente « deux régiments noirs dont il fait un vif éloge», se déclare très confiant. Après le déjeuner, on visite un poste d’observatoire de la 5ème armée commandée par le général Mazel. L’ennemi s’attend à l’attaque car il a doublé ses divisions et ses batteries. « Nivelle et Mazel déclarent qu’il s’en félicitent et affirment qu’ils pourront ainsi faire un plus grand nombre de prisonniers ».

Le 5 avril Poincaré, Ribot (président du Conseil) et Painlevé (ministre de la guerre) discutent de l’offensive. Painlevé annonce que plusieurs généraux dont Pétain, estiment que son succès tactique est certain mais qu’il ne faudra pas compter sur son exploitation stratégique. Comme Ribot, il n’est pas très favorable à une offensive dans laquelle la France jouerait son va-tout, puisque les Etats-Unis vont intervenir et nous donner le moyen de poursuivre la guerre. Il parle de retarder l’offensive. Poincaré combat cette idée.

Le 6 avril, lors d’une réunion des mêmes au GQG avec Nivelle et les chefs des groupes d’armées, dont Pétain, on reprit la discussion. Le comité de guerre se déclara d’accord avec Nivelle qui considérait que l’entrée en guerre des Etats-Unis n’était pas une raison valable pour modifier nos plans. Il décida aussi qu’il faudra éviter de s’obstiner si la 3ème ligne allemande n’était pas franchie. Par contre sur l’hypothèse d’une percée le Conseil était divisé. Nivelle préconisait d’exploiter la brèche en mobilisant toutes nos forces. D’autres en restaient à une attaque limitée.On comprend en somme que des dizaines de milliers d’hommes allaient être sacrifiés pour un objectif volontairement limité.

Après bataille, Nivelle mit Mangin en congé et fut lui-même remplacé par Pétain. Foch était conseiller du gouvernement sans responsabilités opérationnelles.

Poincaré, inquiet, note scrupuleusement les signes de mécontentement de la troupe et les condamnations. Le 30 mai, 2 régiments d’infanterie décident de marcher sur Paris, des tracts sont distribués dans les gares. Des hommes ont crié : « A bas la guerre et vive la révolution russe ! » Le 1er juin, Pétain recherche des meneurs qu’il croit en rapport avec la CGT et menace de démissionner si on ne prend pas des mesures contre la propagande pacifiste. Le 5, Painlevé intervient au Conseil des ministres en faveur de 2 condamnés à mort qu’on va exécuter le lendemain sur l’insistance de Pétain. Le Conseil décide de suivre l’avis de Pétain (lequel, sur ultime démarche de Painlevé dans la nuit, commutera la peine infligée à l’un). Le 11 juin, au Comité de guerre, Pétain parle de 2 corps d’armée presque entiers qui ont été « contaminés » (sic). Il pense en triompher en quelques semaines en faisant des exemples dans tous les régiments qui se sont mutinés et renoncer à la grâce dans tous les cas de désobéissance collective et d’abandon de poste concerté. Le Conseil l’approuve. Pétain ajoute « qu’une première impression de terreur est indispensable ». Le 19 juin Painlevée annonce au Conseil que 18 condamnés ont été exécutés et que Pétain n’a pas transmis le recours en grâce de 7 d’entre eux. 26 juin, c’est encore 5 exécutions qui vont avoir lieu, suite au rejet des recours en grâce. Le 4 juillet les députés de la Côte d’Or viennent demander à Poincaré la grâce de 17 condamnés à mort. Finalement « il n’y aura qu’une exécution ».

La lecture des mémoires est passablement décourageante. On y voit un monde de généraux dont la science militaire n’a pas particulièrement brillé tout au long de la guerre, en proie « aux rivalités personnelles, aux ambitions contradictoires et aux jalousies secrète » envoyer se faire tuer des centaines de milliers d’hommes. On y voit des politiques qui intriguent, qui cherchent à se faire une place, à grappiller des honneurs, à soigner leur personnage, comme le fait Poincaré à travers ses témoignages.

Toute cette période est aussi infestée de scandales judiciaires où patrons de presse, politiques, financiers, magistrats sont mis en cause dans des financements allemands.Le 13 novembre Painlevé, chef du gouvernement est mis en minorité à la Chambre. Clémenceau lui succède le 16.





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Au service de la france, neuf annees de sou..

Le Conseil des ministres du 21 septembre 1915 illustre assez bien ce second semestre. Malgré les échecs sanglants des tentatives de percée, Foch va déclencher prochainement une nouvelle attaque d’envergure, dans la région d’Arras et en Champagne. Elle a été décidée pour soulager l’armée russe qui est contrainte de se replier avec des pertes énormes. Les Allemands ont atteint la Biélorussie. La décision a été prise dans une réunion des généraux alliés à laquelle participait Millerand, notre ministre de la guerre. « C’est une dette d’alliance » a répondu Joffre à Poincaré qui s’en inquiétait .Joffre affirme néanmoins qu’elle a des chances de réussir. En Orient la situation est également bloquée. Les Turcs résistent toujours dans le détroit des Dardanelles et malgré les promesses qu’on leur a faites la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie ne se décident pas à rejoindre l’Entente.

« Conseil des ministres lugubre » écrit Poincaré. Le ministre de la guerre annonce des statistiques douloureuses : on compte en France 64 000 prisonniers allemands contre 272 000 français retenus en Allemagne. Au 17 septembre le nombre de nos tués et disparus s’élevait à 18 575 officiers et 808 205 hommes, outre les morts et disparus dans les combats aux Dardanelles soit 286 officiers et 12 119 hommes de troupe. Compte tenu de ces pertes, auxquelles il faut ajouter près de 900 000 blessés, Foch prévoit qu’à partir du début de 1916 il faudra appeler sur le front la classe 17 (c’est à dire les hommes qui auront 20 ans en 1917), ce qui sera décidé le 15 décembre.

Le ministre des affaires étrangères, Delcassé, informe ensuite le Conseil que la Bulgarie a commencé à mobiliser son armée et va rejoindre le camp de l’Allemagne. Le ministre des finances expose ensuite que la Russie, pour continuer la guerre, a besoin d’un prêt de 10 milliards qu’elle offre de garantir par un dépôt d’or d’1 milliard.

Quelques jours après , le samedi 25, démarrait la grande offensive. Elle était menée, dans le nord, par 17 divisions, appuyées de 700 canons de 75 et de 380 pièces lourdes, et en Champagne par 30 divisions avec 1 200 canons de 75 et 850 pièces lourdes, De son côté l’armée anglaise passait aussi à l’attaque. Journée d’angoisse pour Poincaré qui regrette qu’au lieu de lancer cette offensive l’armée ne se soit pas retranchée solidement sur le front français avant de porter un coup dans les Balkans. Le général Castelnau aurait été de cet avis. Poincaré écrit que lui-même et Briand avaient « demandé »cette décision (propos crédible?) Samedi soir, le GQG juge le résultat, » excellent », ou « très bon », « très brillant ». Dimanche soir : « nous attaquons les secondes lignes dans de bonnes conditions ». Lundi : Joffre estime que l’offensive des environs d’Arras est enrayée. En Champagne les troupes sont au contact de la dernière ligne allemande mais elle est précédée d’un réseau dense de fils de fer barbelés que l’artillerie n’a pas détruit et l’assaut est arrêté sous une pluie terrible. Avec des troupes fraiches, on reprit l’offensive la semaine suivante mais le GQG n’en attendait plus « qu’un succès très limité ».

A la suite de ce nouvel échec Joffre se vit interdire une offensive en Alsace qu’il envisageait de monter en fin d’année. Sous le feu des critiques venues du Parlement et qui visaient particulièrement Millerand, le Gouvernement Viviani donna sa démission. Lui succéda, après de laborieuses et écœurantes discussions où l’intérêt personnel des pressentis et des impatients dominait, un gouvernement dirigé par Briand, où étaient entrées, sans portefeuille, des personnalités de premier plan : Freycinet, Combes, Bourgeois, Cochin .Millerand était remplacé par le général Gallieni.

C’est la situation en Orient qui domina la fin de l’année. Suite à l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés de l’Allemagne et de la Turquie, la France commença à envoyer des troupes en Grèce, à Salonique, dès le 5 octobre, sous le commandement du général Sarail. Leur mission était d’occuper la ligne de chemin de fer reliant la Macédoine du Nord à Salonique pour faire parvenir des armes aux Serbes. Elles devaient aussi contenir les Bulgares de façon à ce que les Allemands ne puissent rejoindre la Turquie. 72 000 hommes de l’armée française étaient sur place début novembre avec de l’artillerie et des mulets Mais très vite l’armée serbe fut défaite et ses débris gagnèrent la côte adriatique à Scutari.

L’Angleterre avait prévu d’envoyer à Salonique 90 000 hommes mais après le débarquement de quelques unités, elle revint sur ce plan. Lord Kitchener, ministre de la guerre, constatant que la défaite des Serbes ouvrait aux Allemands la route de Constantinople jugeait prioritaire la défense de l’Egypte. Il redoutait une descente d’unités allemande au Moyen Orient, en Irak et en Egypte. Il proposait donc l’abandon de l’expédition de Salonique et le repliement des troupes en Egypte. On resta jusqu’à la fin de l’année dans une sorte de statut quo. Mi décembre les troupes françaises et anglaises s’étaient complétement repliées dans un camp retranché à Salonique. L’Angleterre fortifiait l’Egypte et essayait de mobiliser les chefs arabes contre les Turcs et de s’en faire des alliés.

Cette chronique au jour le jour a l’intérêt de nous montrer l’enchevêtrement des problèmes causés par la guerre et l’importance des décisions des chefs. Aucune personnalité n’en sort grandie. Poincaré soigne son image et défend son irresponsabilité. Il ne livre aucune analyse personnelle et se contente de rapporter les dépêches dont on l’alimente. Sauf dans la crise ministérielle qui a conduit au départ de Viviani, il ne paraît avoir aucune prise sur les évènements, quoiqu’il en dise.







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les origines de la guerre

Plaidoyer pitoyable d'un homme qui n'a rien compris au monde qui l'entourait avant pendant mais aussi après la Grande Guerre. Lisez le portrait qu'en dresse Giraudoux au début de "Bella" !
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les origines de la guerre

Bien que biaisé afin de polir sa propre image, ce témoignage sous forme de conférences données après la Grande Guerre montre à quoi pouvaient ressembler les relations diplomatiques entre les différents pays impliqués.

On sent que Raymond Poincaré tente de déresponsabiliser entièrement la France des origines du conflit et de prouver que son gouvernement aurait fait un sans faute. On sait qu'il en est autrement. Clémenceau a dit que Poincaré était doté d'intelligence mais il lui manquait à ses côtés qu'un homme de caractère. Les historiens le dépeignent généralement en effet comme un président qui a manqué de poigne durant les temps troubles.

Pas très époustouflant dans son style oratoire, il est toutefois passionnant de lire les lettres que s'envoyaient rois, empereurs et présidents pour tenter de calmer les ardeurs de certains, essayer de sauver la paix ou localiser la guerre.

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Au service de la france, neuf annees de sou..

Dans ce volume consacré au 1er senestre de 1915 Poincaré note le 1er juillet : « Lentement, lentement, l’année se traîne et la victoire ne vient pas ». C’est l’un des intérêts de ses mémoires de nous faire sentir le vécu du Président, qui, de temps en temps, nous fait part de ses interrogations anxieuses : le pays sera-t-il moralement assez fort pour combattre jusqu’à la victoire ? Les troupes garderont elles confiance dans leurs chefs ? Depuis les 1ers jours de l’année de grandes offensives se sont succédé entraînant, à chaque fois, des dizaines de milliers de tués et de disparus, sans aucun gain territorial. Echec en janvier au nord de Soissons où, selon Joffre, une division ne serait pas intervenue « avec la vigueur prévue ». Echec en Champagne en février dont on dit qu’elle est due à des ordres du GQG de Joffre qui n’ont pas permis l’engagement de réserves disponibles. Pour la même raison, échec en juin au nord d’Arras D’offensives partielles qui n’ont pas pour objectif de percer le front on dit qu’elles ont été ordonnées pour « alimenter les communiqués ». D’ailleurs Joffre dans un rapport du 17 mars adressé à Millerand, ministre de la guerre, écrivait à leur sujet : « je poursuivrai et engagerai des actions de détail, qui auront pour objet de maintenir le moral de l’armée et du pays ».

Ces échecs, le sang répandu inutilement entrainent un certain malaise. D’abord, chez les officiers qui sont sur le terrain et qui critiquent l’état –major. Des hommes de troupe auront aussi manqué d’enthousiasme. On les comprend. Poincaré n’en parle pas mais quand il signale le 7 juin avoir gracié 23 soldats du 50 ème régiment d’infanterie qui avaient été condamnés à mort pour avoir abandonné une tranchée, on se doute que parfois la troupe ne marchait pas. Ce malaise oppose aussi les civils aux militaires et à l’inertie des bureaux du ministère de la guerre. Il s’installe au Parlement, dans les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale, lesquelles sans répit interpellent le ministre de la guerre Millerand et le président du Conseil Viviani. Pendant plusieurs heures par jours ils « comparaissent « devant les commissions et doivent justifier et expliquer. L’artillerie lourde était particulièrement en cause. La production de canons était insuffisante et, pire, des pièces avaient des défauts de fabrication et éclataient après quelques tirs (18 éclatements sur 48 canons de 105 fabriqués).La commission de l’armée du Sénat, dont Freycinet ( ami politique de Poincaré)était président et Clémenceau vice-président, était très active

Il ne faut pas se faire trop d’illusions. Dans ses mémoires Poincaré n’aura pas minimisé son rôle dans la victoire finale. Mais il faut reconnaître qu’analysant froidement chaque problème, à l’inverse de l’impulsif Clémenceau qui sanglotait souvent, il parait avoir bien manœuvré pour trouver des solutions, à la limite de l’apparence d’un président qui restait dans ses attributions constitutionnelles. Il était d’abord confronté à la nécessité de soutenir Joffre, officiellement, bien qu’il ne partageât pas certaines de ses orientations, comme le refus initial de Joffre d’affecter aux troupes combattantes une partie de 1 200 000 hommes qui étaient « à l’arrière » dans les dépôts, son refus initial d’envoi d’une armée de diversion à Salonique. Poincaré devait en même temps soutenir le gouvernement alors même que la commission de l’armée du Sénat, très critique à l’égard du gouvernement, s’adressait à lui. Poincaré « causait » alors avec toutes les parties et enchaînait discussions avec le bureau de la commission du sénat à l’Elysée en présence de Viviani, interventions discrètes auprès du gouvernement ou d’un ministre, entretiens avec Viviani ou un ministre à l’Elysée, déjeuners à l’Elysée réunissant Joffre et des ministres ou des membres de la commission du Sénat. Ancien sénateur de la Meuse, Poincaré avait gardé des liens privilégiés avec cette commission.

Le 21 mars, lors d’une réunion à l’Elysée avec le gouvernement, Joffre avait annoncé qu’il comptait percer le front avant le mois de mai. Le 13 juin, après l’échec de l’offensive en Artois, Poincaré note : « sur les conseils du gouvernement et sur les miens Joffre a réorganisé aujourd’hui le commandement » en répartissant les forces en 3 groupes d’armées : le groupe du nord (commandé par Foch), celui centre (de Castelnau) et celui de l’est (Dubail). Ces 3 généraux recevaient des pouvoirs qui étaient auparavant centralisés au GQG de Foch. Le 23 juin, lors d’une réunion au GQG Poincaré suggère à Foch que ces 3 généraux se réunissent de temps en temps avec lui pour échanger leurs vues et communiquer sur leur expérience. Refus de Joffre, d’abord hostile à cette nouvelle limitation de ses pouvoirs, mais qui finit par s’incliner.

Les négociations avec l’Italie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie occupent une grande place dans les mémoires car ces pays faisaient monter les enchères territoriales pour rejoindre l’Entente .Par ailleurs Poincaré est soucieux de l’avance technologique de l’Allemagne. Des zeppelins bombardent Paris (21 mars) Londres (1er juin).Un canon de très gros calibre à longue portée bombarde Dunkerque (28 avril). Il n’a pas d’équivalent dans l’armée française. L’armée allemande lance la première attaque au gaz au nord d’Ypres le 22 avril.. Au polygone de tir de Bourges on fit un test le 19 juillet en présence de Poincaré, avec des obus à fumée asphyxiante. « Le tir terminé, nous nous rendons aux lignes bombardées(…) De malheureux moutons, des lapins, attachés par les pattes derrière les retranchements, sont ahuris, quelques-uns tués ou blessés par les éclats, mais aucun asphyxiés. Ils nous regardent avec des yeux terrifiés et plaintifs, et paraissent se demander quelle folie s’est emparée de l’humanité ».

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Au service de la France, neuf années de souve..

Avec ce volume on retombe dans le système d’une chronique bâtie sur des notes, prises au jour le jour, sur la base des seules données connues alors de l’auteur ,tirées notamment d’ informations distillées par les chefs de l’armée, des débats du conseil des ministres , du conseil de Défense et des nombreux contacts qu’avait le Président dans tous les milieux.

Ce qui frappe dans cette chronique c’est la critique courtoise, feutrée du Président à l’égard des chefs militaires ou tout au moins ses interrogations, qu’il n’a jamais manifestées publiquement pendant la guerre. Déjà, dès le mois d’Aout 14, une mise au point fut nécessaire. L’armée, de l’avis de Poincaré, manifestait des velléités d’indépendance à l’égard du gouvernement. S’il était indiscutable que le pouvoir politique n’avait pas à intervenir dans la conduite des opérations il revenait au gouvernement « de déterminer les conditions générales, politiques, financières, économiques diplomatiques dans lesquelles devait se poursuivre la guerre ».

Il regrette aussi l’opacité du Grand Quartier Général-GQG qui distillait au gouvernement et à lui –même des tableaux enjolivés, inexacts, lacunaires des opérations ; Ainsi, le 21 août c’est par les journaux que Poincaré apprend le grave revers subi devant Morhange, c’est par les communiqués de l’état-major allemand que, le lendemain, il a connaissance de la débâcle des troupes en Lorraine , c’est par l’Angleterre et la préfecture du Nord que le 24 août il est averti de l’entrée des troupes allemandes dans le Nord. Et c’est par un communiqué alambiqué (reproduit p 166) que le GQG annonce la défaite, l’invasion et la perte de l’Alsace.

Poincaré met en cause la doctrine de « l’offensive quand même » qui fait que « de jeunes saint-cyriens ont marché au feu, en grande tenue, avec le casoar sur la tête ». Le général Joffre, le 25 Août, le reconnaissait : « on n’a pas suffisamment préparé par le tir des canons les attaques des troupes, on les a lancées de trop loin et à découvert, on a jeté en ligne des unités trop nombreuses et trop denses, on eut tort de croire que le courage et l’entrain suffisaient à tout ». Erreurs de nos grands chefs qui ont provoqué des dizaines de milliers de morts !

Certaines options prises par l’état-major sont sources d’interrogations. Poincaré remarque d’abord que le plan de campagne de l’armée française, établi en avril 1913, avait écarté l’hypothèse d’une manœuvre enveloppante ennemie à travers la Belgique (hypothèse défendue par le général Michel en 1911). Première erreur. Puis, après l’entrée des troupes allemandes en Belgique, Poincaré note « A la frontière belge nous restons là, surveillant, l’arme au pied, la marche des armées allemandes » si bien que les français entrèrent en Belgique tardivement. « Certains ministres belges se plaignent que la Belgique n’eut pas été secourue plus efficacement » est-il rapporté au conseil des ministres du 25 aout.

Les Mémoires relatent les circonstances du repli du Gouvernement et du Président sur Bordeaux, dans la soirée du 2 septembre. La 1ere armée allemande de von Klück avait alors atteint Senlis et Chantilly et le gouvernement, persuadé qu’elle allait investir Paris, avait accepté de se replier à la demande pressante des généraux du GQG. Mais ces dernier, avertis que l’armée von Klûck ne visait plus Paris mais s’infléchissait en direction de Meaux, n’avait pas communiqué l’information au gouvernement. Poincaré le regrette car le départ pour Bordeaux aurait pu être ajourné et n’avoir jamais eu lieu du fait de la victoire de la Marne. Il ajoute «Une des grandes tristesses de ma vie m’eut été épargnée »

15 jours plus tard, le 16 septembre, après la bataille de la Marne et le reflux des troupes allemandes vers le nord il note : « la poursuite commencée par nos troupes après la bataille de la Marne, et malheureusement interrompue par un court repos, a atteint sur tout le front, hier et avant-hier, les arrière-gardes allemandes qui se sont arrêtées pour nous faire face et qui se trouvent maintenant renforcées par le gros de leur armée ». Puis le 18 : « nous commençons à nous demander ce que cache le silence du quartier général. Que se passe-t-il au front ? On nous avait dit que l’ennemi s’était arrêté malgré lui et que nous étions sûrs de le déloger ». Il a fallu à nos grands chefs des centaines de milliers de tués pour s’apercevoir qu’on ne pouvait le déloger.

Le Président Poincaré et le gouvernement revinrent à Paris le 8 décembre. Le Parlement, qui s’était ajourné le 4 Aout fut convoqué en session extraordinaire pour le 22 décembre. Toutes les propositions du gouvernement furent acceptées sans débat : ouvertures de crédit, emprunts, report au 1er janvier 1916 de la mise en vigueur de l’impôt sur le revenu, suppression des droits de succession en faveur des héritiers des militaires tués au combat, ajournement de toutes les élections jusqu’à la fin des hostilités.

La chronique est également consacrée aux relations diplomatiques, notamment avec la Turquie, la Bulgarie et l’Italie qui n’avaient pas choisi officiellement leur camp au début de la guerre.



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Au service de la france, neuf annees de sou..

Dans les premiers jours de l’année furent préparées 2 visites officielles. La première était celle du roi d’Angleterre Georges V accompagné de son épouse qui vinrent à Paris le 21 avril dans une ambiance de fête amicale. La seconde fut vraiment dramatique. C’est celle où Poincaré, accompagné du Président du Conseil Viviani, firent le voyage de Russie par mer pour rencontrer Nicolas II le 20 juillet à Saint Petersbourg. C’est à la fin de cette visite, le 23 juillet au soir, qu’on peut dater le commencement de la guerre de 1914 car c’est dans la nuit, une fois que le navire sur lequel voyageaient Poincaré et Viviani avait quitté les eaux russes, que l’Autriche lança son ultimatum à la Serbie. Elle avait attendu que Poincaré et Nicolas II ne puissent communiquer que par leurs ambassadeurs, ce qui interdisait une franche discussion.

Mais dans cette première moitié de l’année on combattait encore à fleuret moucheté L’Allemagne marquait un point avec l’envoi en Turquie d’une mission militaire commandée par le général Liman de Sanders. La question du partage des chemins de fer d’Asie Mineure et de la ligne de Bagdad donnait lieu à d’interminables discussions entre Français et Allemands. Le marché boursier parisien était sollicité de tous côtés, notamment par la Turquie qui avait l’audace ou la naïveté de lancer un emprunt pour payer l’achat de deux cuirassés allemands, mais aussi par la Russie qui voulait construire 5320 km de voies ferrées militairement stratégiques, s’ajoutant à un projet de 11000km

Sur le plan interne Poincaré revient plusieurs fois sur les épisodes de la campagne de presse lancée, à partir du 8 janvier, par Gaston Calmette , directeur du Figaro, contre Caillaux , alors ministre des finances. A l’époque l’émission d’un emprunt à la bourse de Paris nécessitait une autorisation administrative qui, monnayée, (« les frais d’émission ») alimentait les fonds électoraux. Dans un précédent gouvernement, Caillaux était même intervenu auprès du procureur général de Paris pour arrêter les poursuites diligentée contre un financier véreux qui, pour sa défense, menaçait de révéler la liste des établissements financiers qui avaient accepté de payer des « frais d’émission ». L’affaire se termina tragiquement. Excédée par la campagne de presse lancée contre son mari et persuadée que Calmette allait publier une correspondance intime d’elle, Henriette Caillaux assassina le directeur du Figaro le 16 mars à coups de revolver Elle fut acquittée le 28 juillet par la cour d’assises.

Mais la majeure partie du livre est consacrée aux circonstances dans laquelle est intervenue la guerre. Il se termine sur la journée du 3 aout, date de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. Ces circonstances sont rapportées de façon précise. Poincaré livre d’abord un témoignage direct. Il porte sur des dépêches diplomatiques qu’il a vues et commentées, sur les conseils de ministres qu’il a présidés, sur ses entretiens avec les ambassadeurs, les généraux, le personnel politique etc.. Il fait référence et cite aussi des documents qui ont été connus après la guerre grâce aux commissions d’enquêtes, notamment les courriers entre ambassadeurs allemands et autrichiens. Son témoignage est enrichi aussi d’analyses tirées de travaux d’historiens de différents pays. C’est donc une masse considérable d’informations dont il fait état. Il les relate comme on le fait dans sa profession d’avocat : en affirmant une thèse et en en rapportant la preuve. Car dans ce livre il désigne les responsables

Après l’attentat de Sarajevo l’Autriche se sera demandé quelle devait être sa réaction. Il lui est apparu qu’elle ne pouvait pas ne pas réagir énergiquement même si un risque de guerre avec la Russie s’ensuivait. La situation interne de l’empire austro-hongrois et la relative dégradation de sa position dans les Balkans la poussaient à choisir l’option « dure ». Et elle a obtenu l’accord et la garantie de l’Allemagne. Les raisons pour lesquelles l’Allemagne a donné cette assurance à l’Autriche ne sont pas claires : le calcul machiavélique de provoquer au final une guerre avec la France ? L’inconséquence de ses dirigeants ? Le pari d’une réaction molle de la Russie ? Pendant plusieurs semaines on a guetté et attendu la réaction de l’Autriche.

Une fois le coup parti (l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie) la guerre n’était pas inéluctable. l’Autriche avait encore la possibilité de s’en tenir à la réponse Serbe à l’ultimatum, réponse qui était jugée satisfaisante par tout l’Europe, mais elle a préféré déclarer la guerre à la Serbie et s’est entêtée à refuser tout compromis, d’autant que l’Allemagne qui aurait pu déclencher un règlement amiable du conflit austro-serbe , a refusé 1) d’intervenir auprès de l’Autriche comme médiateur et 2) la mise en place d’une médiation européenne à laquelle la France et l’Angleterre lui proposaient de participer

Cette guerre russo-serbe aurait pu rester localisée mais la Russie en a décidé autrement. La Russie n’était pas liée avec la Serbie par un traité d’alliance. Pourquoi a-t-elle adopté des mesures belliqueuses à l’égard de l’Autriche, même si cette dernière avait rassemblé des troupes sur sa frontière ? Etait-il bien sensé de prendre le risque de déclencher une guerre européenne pour défendre cette misérable Serbie ? C’est pourtant la Russie qui a déclenché la catastrophe finale en décrétant sa mobilisation générale, décidée par ’empereur Nicolas II

La mobilisation générale de la Russie sur toutes ses frontières a entrainé la mobilisation allemande puis ses déclarations de guerre à la Russie et à la France. Finalement il apparait que les gouvernements contestés et déclinants de Vienne et de St Pétersbourg ont joué la carte de la guerre pour essayer de restaurer leur autorité et leur prestige et que l’Allemagne, qui avait préparé de longue date une agression délibérée contre la France, sûre d’une victoire qui, à l’exemple de celle de 1870, assurerait sa domination pendant 40 ans, a saisi l’occasion. La guerre était bien inévitable par volonté de l’Allemagne.

Le lendemain de la déclaration de guerre de l’Allemagne, le mardi 4 Aout, était lu au Parlement un message de Poincaré appelant à « l’union sacrée » de tous les français, expression qui fait le titre du livre.

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Au service de la france, neuf annees de sou..



La chronique commence pratiquement avec l’élection de Poincaré à la Présidence de la République le 18 février. Elle constitue un morceau assez plaisant qui tranche sur l’atmosphère orageuse de 1913. Un front républicain composé des sénateurs et députés appartenant aux groupes de gauche avait organisé dans les locaux du Sénat une « primaire » afin de désigner leur candidat. Poincaré obtint 180 voix sur 634 mais au second et au 3ème, il se trouva second derrière Pams, ministre de l’Agriculture. Poincaré décida cependant de se présenter. C’est alors qu’une délégation de parlementaires, dont faisait partie Clémenceau, vint lui demander de retirer sa candidature. La scène est plaisamment décrite : « Ils avaient pris leur air le plus solennel et semblaient déjà conduire mes obsèques ». Nouveau refus de Poincaré qui fut finalement élu par le Congrès réuni à Versailles par 483 voix sur 859 suffrages exprimés.

Cependant cette élection, qui lui offrait tous les honneurs et les égards, le laissait insatisfait. Peu de temps après, il notait « Je me trouvai jeté dans une existence qui contrastait étrangement avec mes occupations préférées et dans laquelle visites et réceptions prenaient une place prépondérante » La montée des périls qui menaçaient la paix n’était peut-être pas étrangère à la frustration du nouveau président qui, dans la constitution de la 3ème république, était plus témoin qu’acteur des évènements qui agitaient l’Europe.

Il s’agissait d’abord des guerres balkaniques, la 1ere , engagées au 3ème trimestre 2012 par la Serbie , la Bulgarie et la Grèce qui avaient repoussé jusqu’à Edirne la majeure partie des troupes turques , puis la 2ème , à la fin du printemps de 1913 qui opposa la Bulgarie à ses anciens alliés pour le partage des terres conquises . Les Mémoires témoignent que ce fut une période d’intense activité diplomatique que rallumaient des crises locales. Le siège de Scutari par les troupes du Monténégro alors que l’Autriche voulait que la ville revint à l’Albanie fit plusieurs fois l’actualité. Poincaré évoque la guerre et les crises en citant longuement les dépêches des ambassadeurs.

On peut regretter qu’il n’ait pas livré une analyse personnelle d’ensemble ; La rivalité entre la Russie et l’Autriche dominait le jeu. Est rapporté, p82, un entretien entre le prince autrichien Hohenlohe et le ministre russe des affaires étrangères, qui préfigure les évènements de 1914 : l’Autrichien annonce que son pays ne veut pas d’un grand état slave à sa frontière sud et que pour « conjurer le danger serbe » il a mobilisé 2 corps d’armée en Bosnie et renforcé 5 autres sur le Danube. Et le Russe de répliquer que la Russie pourrait bien difficilement rester immobile en cas d’attaque de la Serbie.

Le renforcement considérable de l’armée et de la marine allemandes était un autre sujet de préoccupation. Il avait été décidé en octobre 1912 et janvier 1913. En Aout 1913 M .Doumer, dans un discours au Sénat, faisait le constat que l’armée allemande, en temps de paix, réunissait 42000 officiers, 112000 sous-officiers et 722000 hommes de troupe contre, du côté français, 29000 officiers, 48500 sous-officiers et 532500 hommes de troupe (dont plus de 50000 étrangers et coloniaux). En réaction , en France, le service militaire qui avait été réduit de 3 ans à 2 ans en 1905 fut de nouveau porté à 3 ans par une loi adoptée en Aout 1913. L’incorporation intervenait à 20 ans.

L’opinion publique allemande et celle des cercles dirigeants était un autre sujet d’inquiétude. Souvent, en Allemagne on exultait le sentiment patriotique du pays en rappelant la retraite de l’armée française en 1813. On faisait un parallèle à 100 ans de distance. En Décembre Poincaré eut connaissance de la teneur d’entretiens intervenus entre le roi des Belges, en visite à Postdam, et l’empereur d’Allemagne et le général de Moltke. Ces derniers, qui se plaignaient que l’action de l’Allemagne fut contrecarrée partout par une France hantée par l’idée de revanche, déclarèrent qu’ils étaient convaincus de la supériorité de leur armée. De Molke confia même que la guerre était « nécessaire et inévitable » (propos rapportés par l’ambassadeur de Belgique à Berlin)

Mais, c’est aussi une vie faite de discours et d’éloquence, de réceptions mondaines et même royales, de déplacements dans les belles et tranquilles provinces de France, des délices des intrigues parlementaire et politiques et d’innombrables rencontres où l’on « causait » que rapporte ce livre des « mémoires ».



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Au service de la France. tome 1 : le lendem..

« Le lendemain d’Agadir « s’ouvre sur une crise ministérielle provoquée par la révélations de l’existence de discussions secrètes qui avaient eu lieu avec l’Allemagne, à l’initiative de Joseph Caillaux, Président du Conseil. Ce dernier avait court-circuité son ministre des affaires étrangères, M.de Selves, dans la négociation des traités du 4 novembre 1911 par lesquels la France céda une partie du Congo au profit du Cameroun allemand contre la possibilité de conclure un traité de protectorat au Maroc. Ces traités mettaient fin à la crise franco-allemande provoquée par l’envoi d’une canonnière le 1er juillet 1911 dans la rade d’Agadir.

La démission de M. de Selves provoqua la chute de Caillaux L’opinion était d’autant plus énervée qu’on avait appris également qu’en 1903 un accord, resté secret, avait été conclu avec l’Espagne aux termes duquel la France acceptait que son futur protectorat soit amputé du nord du pays comprenant les Présides, territoires occupés par L’Espagne depuis des siècles . Le président Fallières appela Poincaré, alors sénateur de la Meuse, à former un nouveau gouvernement. Poincaré y exerça également les fonctions de ministre des affaires étrangères. L’ouvrage est consacré principalement aux relations internationales où œuvraient aussi les frères Cambon, tous deux ambassadeurs de France et esprits perspicaces, Paul à Londres et Jules à Berlin.

Le Maroc y occupe une place importante. Poincaré relate le combat parlementaire qu’il dut mener pour obtenir la ratification des traités du 4 novembre 1911, les difficultés de mise en application du protectorat conclu avec le Sultan Mouley Hafid le 30 mars 1912 et la négociation avec l’Espagne du tracés de la frontière et des relations entre le protectorat et les possessions espagnoles.

A la même période, fin 1911 – début 1912 l’Italie se lança, non sans mal, à la conquête des territoires qui constituent aujourd’hui la Lybie et qui étaient alors possession de la Turquie. La France entendait rester neutre. Les « mémoires », exposent les origines de guerre italo-turque et la stratégie de la diplomatie italienne qui permit à cette conquête de s’opérer avec l’assentiment tacite des grandes puissances de l’époque.

Les relations franco-allemandes, sont un sujet permanent de préoccupation. Guillaume II annonça le 7 février 1912 une augmentation du budget militaire (l’effectif en temps de paix fut porté à 683 000 hommes). Est longuement cité un rapport du 26 mai 1912 du colonel Pellé, attaché militaire à Berlin. Il y expose le sentiment de l’opinion en Allemagne : elle est insatisfaite des traités du 4 novembre 1911, voit dans l’alliance franco-russe une menace d’encerclement et a une confiance absolue dans la supériorité de son armée. Les nationalistes militants ont des représentants dans le parti conservateur, au ministère de la Marine ; la caste militaire se répand dans l’administration, dans la diplomatie impériale elle forme l’entourage du souverain. Et le colonel Pellé de conclure qu’après un délai d’une année, le temps que se mettent en place les grosses mesures militaires dernièrement décidée par l’Allemagne, on devait craindre une agression et s’y préparer sans tapage. « C’est à cette préoccupation que n’a cessé d’obéir le gouvernement » précise Poincaré.

Avec l’Angleterre c’est un renforcement de l’Entente cordiale que rechercha Poincaré. L’Angleterre avait été inquiète de certaines positions prises par Caillaux. Poincaré, immédiatement après sa nomination s’attacha à renouer les liens. Il fut ensuite confronté à une négociation engagée par l’Allemagne qui voulait obtenir de l’Angleterre une promesse de neutralité dans le cas où l’Allemagne serait entraînée dans un conflit non provoqué par elle .La formule aurait ruiné l’Entente cordiale. Du jour où l’Angleterre refusa de prendre cet engagement de neutralité l’Allemagne renforça sensiblement son programme d’armement naval. Les mémoires relatent cette négociation importante dont les Anglais tenaient informé Paul Cambon.

La négociation anglo-allemande se poursuivit jusqu’en 1914 mais fut limitée à l’éventualité d’un partage des colonies portugaises qui aurait permis à l’Allemagne d’acquérir l’Angola, sorte de compensation à l’acquisition par l’Angleterre de l’Orange et du Transvaal intervenue en 1898 sans opposition de l’Allemagne. Poincaré raconte que cette dernière demanda à la France, en complément du traité du 4 novembre 1911 sur le Maroc, de lui céder le droit de préemption sur le Congo Belge qu’elle tenait de la Belgique, ce qui lui fut refusé

Les Mémoires de Poincaré insistent aussi sur les démarches françaises qui visaient à obtenir de l’Angleterre un véritable accord de défense mutuelle. Elle le refusa toujours. Les accords techniques passés entre états-majors lui laissaient toute liberté d’engager ou non ses forces dans le cas où la France serait victime d’une attaque. Cette liberté d’appréciation fut expressément confirmée dans l '‘accord naval conclu sous le gouvernement Poincaré.

La question de la neutralité de la Belgique est également évoquée. Comme la France et l’Angleterre étaient garantes de l’intégrité de la Belgique (en vertu du traité fondateur de 1831) les états-majors avaient prévu le débarquement de 6 divisions anglaises en cas d’agression contre la Belgique. Poincaré raconte que les états-majors s’attendaient à ce que l’armée allemande viole la neutralité de la Belgique mais qu’à aucun moment on a envisagé des mesures préventives qui auraient permis aux armées françaises et anglaises de franchir la frontière belge avant les Allemands dès une menace d’invasion. Au risque d’être balayée par l’armée allemande la Belgique s’en tint à la primauté du principe de sa neutralité.

L’année 1912 vit aussi le dénouement de négociations que l’ambassadeur de France à Vienne, M. Crozier, avait cru devoir engager avec le ministre des affaires étrangères autrichien. « Un tour de valse « selon le mot de Poincaré. A la fin de l’année précédente l’Autriche avait quasiment subordonné son acceptation des traités du 4 novembre sur le Maroc à la possibilité d’émettre sur la bourse de Paris deux emprunts de 500 millions. Cette exigence était d’autant plus malvenue que la France s’était abstenue de toute réaction lorsqu’en 1908 l’Autriche avait unilatéralement annexé la la Bosnie –Herzégovine qui était sous son protectorat . On observait aussi que l’emprunt de l’Autriche lui aurait permis de renforcer son armée. Cependant M. Crozier avait engagé une négociation, chimérique, visant à obtenir la neutralité de l’Autriche en cas de conflit. La demande d’émission sur la bourse de Paris fut refusée, l’ambassadeur fut remercié et l’Autriche accepta les traités du 4 novembre

Le volume se termine par d’importants développements sur les relations franco-russes, leur origine, et le traité de défense mutuelle de 1892. Poincaré insiste sur l’humiliation que constitua pour la Russie l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche et dresse un parallèle avec l’attitude de cette dernière envers la Serbie en juillet 1914. Il traite des guerres balkaniques dans un deuxième volume.



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