Un grincement derrière lui le fit se retourner. Dans un geste réflexe, il porta une main à son épée et la sortit de son fourreau. Au fond de lui, il n'était pas certain qu'elle lui serait d'un grand secours. Il connaissait les histoires de maison hantées. Combattre un homme était une chose, combattre un esprit, une autre. Prenant son courage à pleine main, il explora la pièce, jeta un coup d'œil aux fenêtres scellées, puis s'approcha de la cheminée.
Soudain, celle-ci s'embrasa dans un panache de flammes qui le fit bondir en arrière.
L'entité anima ses lèvres. Aucune parole ne sortit de sa bouche. À la place de quoi, il sentit s'imposer à sa pensée un mot familier que jamais il ne se souvenait avoir entendu;
Legendion.
Aussitôt, une force invisible l'attira en arrière. En un rien de temps, il traversa malgré lui les arches ouvertes et plongea dans le vide. Les murs du monastère, puis la falaise, défilèrent, avant que son corps ne s'enfonçât dans les eaux sombres de la mer.
Chaque moment est le futur d'un présent dépassé.
Il se sentait soudainement comme arraché à ce monde, ballotté par une tempête d'émotions étrangères et sournoises. Il connaissait leur nature. Cela le répugnait. Tristesse, amour, bienveillance. Il rejeta ces nuisibles avec véhémence. Géhenne insurpportable !
"Qu'ils périssent, ils renaîtront. Par d'autres incarnations, ils poursuivront. Car le Mal n'a ni visage, ni nom, il est, et doit être, sublimant, par son antagonisme,la Lumière même infime."
Mamias se tut, laissant Eloran perplexe.
_ Je n'ai jamais su trouver le moindre sens aux textes sacrés. Quel rapport avec le sorcier ?
_ Il est le Mal sans visage et tu es la lumière.
Eres tressaillit. Si les Rehaens croyaient revenir de l'enfer, ils sauraient bientôt que le pire n'était pas encore venu. Après la bataille viendraient le tourment, la panique, les tremblements, les vomissements, les insomnies, les crises de panique. On ne faisait pas d'un homme un soldat en une seule nuit. Il le savait. Leur enfer ne faisait que commencer.
Certes, les hommes n'étaient, ne sont et ne seront sans doute jamais mauvais. Ni bons d'ailleurs. C'est ce qui les rend si particuliers. Leur âme est naturellement neutre, capable du meilleur comme du pire. Ils ont le choix.
_ L'archange Iigaran ? Est-ce vous ?
_ C'est exact. J'ai bien des formes, car je n'en ai aucune Je sculpte cette apparence car c'est ainsi que les hommes me conçoivent. La douceur est un trait de caractère que vous associez à la féminité. Je n'ai en réalité, pas plus de genre que de forme. Je suis l'archange Iigaran, première assesseuse au père éternel, notre créateur.
La lueur d'Eloran se mit à frémir tandis qu'il réalisa toute la grandeur de l'entité qui lui faisait face. Il en perdit ses idées?, chancelant soudain quant à la légitimité de sa présence dans ce non-lieu si sacré.
_ Je ...pourquoi suis-je ici ?
_ Tu es revenu, comme tu l'as toujours fait. Ton esprit connaissait le chemin. Tu n'était qu'un enfant que je t'ai rencontré. Tu as rejoint le néant D'Iigaran et l'as inondé de tes rêves.
Le problème avec les mensonges, c'est qu'ils s'empilaient comme un château de cartes prêt à s'effondrer.
Durant les dernières heures, il avait amèrement découvert que chaque maison de ce hameau n'était habitée que par des cadavres. Il les avait alors traînés un par un et empilés sur des rondins sec. Un travail colossal pour un seul homme, de se muscles à son esprit.