On est d'emblée attiré par cette couverture, ces trois couleurs brutes, la ligne caractéristique de la linogravure, mais aussi le titre en forme de clin d’œil qui balance entre le conte et la fête foraine tendance Freaks.
Dès les premières pages, la diseuse de bonne aventure envoie le sommaire de l'histoire. Je n'avais jamais pensé au caractère prophétique de ce dispositif... Et c'est évidemment sous le signe de la clé (à molette) que s'annonce l'histoire d'amour entre Rosa la femme à barbe (et à barbapapa) et Barbe bleue, le charmant garagiste. Pourtant, que faire lorsque l'ennui se pointe ?
Le bleu outremer domine les images, il est ciel, forêt, herbe, tatouage, mur. Il donne un côté encre fraîche, un côté bleu de travail qui va comme un gant à cette histoire d'amour ordinaire, vécue par des personnages bien peu ordinaires. Barbe bleue, loin du fossoyeur du conte, est un brave type amoureux, prêt à tout pour retrouver sa belle à barbe rouge.
Au-delà d'une première lecture linéaire, le texte invite à se balader dans le livre au gré de la prédiction du début, à courir d'une page à l'autre en prenant des raccourcis. L'objet livre prend alors sa place parmi les personnages, met un instant l'histoire à distance. Les numéros de pages se perdent dans un trou, se fondent dans le décor, disparaissent. On reprend alors le texte depuis le début, en suivant les chiffres et leurs transformations.
Renaud Perrin réussit là un album singulier et émouvant, foisonnant, optimiste.
Lien :
http://le-cabas-de-za.over-b..