AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de chris49


EN 1871
Arthur Rimbaud jaillit en 1871 d'un monde en agonie, qui ignore son agonie et se mystifie, car il s'obstine à parer son crépuscule des teintes de l'aube de l'âge d'or. Le progrès matériel déjà agit comme brouillard et comme auxiliaire du monstrueux bélier qui va, quarante ans plus tard, entreprendre la destruction des tours orgueilleuses de la civilisation de l'Occident.
Le romantisme s'est assoupi et rêve à haute voix : Baudelaire, l'entier Baudelaire, vient de mourir après avoir gémi, lui, de vraie douleur ; Nerval s'est tué ; le nom de Hölderlin est ignoré ; Nietzsche s'apprête, mais il devra revenir chaque jour un peu plus déchiqueté de ses sublimes ascensions (Hugo, le ramoneur sénestre, ivre de génie autant que de fumée, sera demain massivement froid comme une planète de suie) ; soudain, les cris de la terre, la couleur du ciel, la ligne des pas, sont modifiés, cependant que les nations paradoxalement ballonnent, et que les océans sont sillonnés par les hommes-requins que Sade a prédits et que Lautréamont est en train de décrire.

L'enfant de Charleville se dirige à pied vers Paris. Contemporain de la Commune, et avec d'analogues représailles, il troue de part en part comme une balle l'horizon de la poésie et de la sensibilité. Il voit, relate et disparaît, après quatre ans d'existence, au bras d'une Pythie qui n'est autre que le Minotaure. Mais il ne fera que varier de lieu mental en abdiquant l'usage de la parole, en échangeant la tornade de son génie contre le trimard du dieu déchu.

Il n'a rien manqué à Rimbaud, probablement rien. Jusqu'à la dernière goutte de sang hurlé, et jusqu'au sel de la splendeur.

(1951)

III. GRANDS ASTREIGNANTS
OU
LA CONVERSATION SOUVERAINE
Commenter  J’apprécie          140





Ont apprécié cette citation (13)voir plus




{* *}