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Citations de Renée Dunan (54)


« Que la sexualité cesse d’être une chose horrifique et cachée sous un triple voile. Soudain l’idée qu’il existe des torts sexuels naîtra dans l’esprit de chacun et l’amateur de vierges aussitôt apparaîtra une fripouille. »
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Acculé dans la chambre obscure, je frissonne et sens une brusque sueur mouiller mes tempes.
- C’est May.
La voix reprend.
- Rubbia… Viens…
Rubbia se tait.
Ecumant, je saute encore à la fenêtre, armé cette fois du poignard. Un homme arrive juste à ma hauteur. Il tire, et me manque ; je lui porte un formidable coup de stylet. Je sens l’acier pénétrer dans sa chair, et je recule sans laisser l’arme. Le corps s’affaisse lourdement. Je l’entends choir sur la terre.
- Rubbia… Rubbia…
May jette dans la nuit un appel de chatte en folie. Les deux syllabes taraudent le silence et s’en vont comme des êtres, je les sens frôler mon cerveau fou.
- Rubbia… Rubbia…
Je grince des dents et je retourne à la fenêtre pour injurier cette femelle miaulante. Un coup de revolver me chasse une fois de plus et j’ai vu qu’un autre homme montait à l’échelle, courageusement.
- Rubbia… Viens !
Alors, un corps presque nu s’accroche au mien, un corps semblable à un tentacule de poulpe, qui se dérobe à la défense et pourtant l’annule, une sorte de force insaisissable qui m’immobilise à-demi.
C’est Rubbia.
Ah ! ça, je suis en plein cauchemar.
J’éloigne cette forme, elle revient, nerveuse et acharnée.
De sa bouche sort un cri farouche :
- May… Viens, je le tiens !
Je veux écarter cette démente, mais son énergie calculée de félin domine mes réflexes troublés, et dirais-je enfin que j’hésite encore à le meurtrir.
Je dis :
- Rubbia, laisse-moi, tu es folle, laisse… laisse…
Je la traîne après moi dans le noir sans pouvoir m’en débarrasser. Cependant, du jardin monte un cri délirant, une sorte d’hosanna :
- Oui… Oui…
Et, à la fenêtre, une voix d’homme demande :
- Cette fois, il est bien à nous.
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Cette indifférence aux contingences, cette sorte de certitude de se trouver hors les atteintes du malheur voisin, sont le fruit d’une éducation millénaire, qui a détruit dans la femme le sens de la responsabilité sous lequel je pliais à Paris pendant la traque. Il faut avouer d’ailleurs que les civilisations modernes favorisent beaucoup les êtres qui ne veulent jamais calculer et dont l’existence se projette de jour en jour, sans aucun principe d’organisation intérieure. Il y a comme cela, à Paris, des centaines de milliers d’humains qui se lèvent le matin sans un sou, sans gîte et sans espoir apparent. Et quand le soir arrive, ils ont bu et mangé, ils trouvent un lit pour s’étendre, mais n’ont rien de plus, et devront recommencer le lendemain. J’ai remarqué là-dessus que les hommes soumis à ce type d’existence sont toujours des loques ou des vaincus, mais les femmes y restent généralement bien armées et se tirent à l’occasion sans accrocs de leur vase, où il semblerait qu’elles dussent rester ensevelies. Ainsi, Rubbia, femme supérieure à tant d’égards, et si réellement que je n’ai jamais vu la limite de sa raison, de son savoir et de son goût, Rubbia n’en gardait pas moins cette âme nuageuse, indifférente au futur, emplie du seule présent et purement passive, qui caractérise tant de petites prostituées du trottoir parisien.
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Enfin, j’avais fini par convaincre à demi cet Eldyx, qui s’était trouvé fort déçu par Théopipe. Mais il fallait cinquante mille francs et le drille regimbait. Le chantage, tout comme la terre à blé, ne rendait plus selon les statistiques. Quant à la publicité, elle tendait à devenir exclusivement lupanaresque. Or, Eldyx avait des scrupules. Moraux d’abord, puis autres, parce qu’il lui répugnait, ayant des intérêts dans une maison de tolérance, de se ruiner en prônant dans son canard la concurrence des maisons de rendez-vous. Malgré les tiraillements, je pensai bien vaincre mon homme et ce jour-là je me rendais chez lui d’un pas allègre, avec des arguments fourbis à neuf.
L’Emporium se trouve boulevard Haussmann. À droite et à gauche on édifie des gratte ciel, au moins de petit module, mais enfin assez confortables, puisque la municipalité a autorisé d’atteindre le douzième étage.
Or, j’arrivais d’un pas tranquille aux palissades qui s’étendent jusqu’aux trottoirs et venait de descendre sur le pavé de bois quand derrière moi plusieurs autos à la file arrivèrent.
Je remontai par une porte sur la partie réservée aux maçons, pour éviter les carrosses qui me faisaient souvenir du coup de la rue de Boudreau. Alors, au-dessus de la tête j’entendis une sorte d’ébranlement et je fis aussitôt un bond de côté, sans savoir pourquoi et avant d’avoir réfléchi.
Au même moment, une énorme pierre, pesant bien dans les cent kilos, tombe à ma gauche et d’enfonce profondément dans les gravats en faisant une poussière énorme et ébranlant le sol.
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J’arrêtai le chauffeur et lui dis de nous ramener par les boulevards extérieurs.
- Voulez-vous venir dans un café, dans une pâtisserie ?
Elle prit un air mutin et affirmatif.
- Non… À Suburre.
J’eus un sourire amusé. Diable, cette enfant connaissait Suburre, le nouveau restaurant de nuit dont les hardiesses faisaient tant de bruit… Me serais-je trompé comme un naïf en la croyant chaste ?
Nous fûmes à Suburre trois minutes plus tard. Cet établissement occupait trois étages d’un vaste immeuble nouvellement bâti. On y pratiquait la débauche américaine, coûteuse et compliquée, sans regarder à violer aucune règle morale, aucun savoir-vivre et aucune mœurs. J’y avais jadis rencontré lord Harlot of Whorely, ancien ministre des Affaires étrangères de son pays qui, abominablement saoul, m’avait fait des déclarations extraordinaires, à cause desquelles, lorsque je les eus publiées, le ministre français manqua d’attraper la jaunisse.
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J’habitais boulevard Montmartre, au centre du quartier général journalistique, entre la rue Vivienne et la rue de Richelieu. Les loisirs momentanés dont je jouissais parfois me permettaient de fréquenter un tas de salons politiques et mondains, teintés aussi de Belles Lettres, où je cultivais de plaisantes idylles. De ce chef, la vie me semblait fort supportable, d’autant, en sus, que je possède quelque fortune.
Or, un soir, il était, ma foi, près de minuit, je revenais d’une soirée passée chez Eléonora de Virmaigle. Cette veuve du grand boursier donnait dans la mode littéraire du jour : le Goulisme. Comme vous savez, pour un Gouliste, tout est culinaire, et la Cuisinière Bourgeoise est un chef-d’œuvre très supérieur à Madame Bovary. On avait donc entendu Jean Porto dire vingt-quatre tercets sur les petits fours et le début du poème épique de Pol Mac Limoje sur la Colman’s Mustard. Ç’avait été une soirée charmante. La maîtresse de maison nous faisait goûter en plus des crèpes à la résine de baobab, qui sont une chose exquise, rappelant un peu le condor rôti, dont j’ai mangé en Bolivie. On nous avait promis enfin une prochaine soirée anthropophage, strictement confidentielle bien entendu. Les chefs du mouvement Goulistes exubéraient. Le grand problème était de deviner ce que serait le dîner de cannibale ? Y mangerait-on de la jeune fille, de l’homme fait, de l’enfant ou de la femme de quarante ans ? Les discussions devenaient acharnées. La femme se rôtit, mais l’homme se fait cuire en cocotte. Quant à l’enfant, c’est en gratin dauphinois qu’il réalise toute sa succulence. La jeune fille seule comporte une certaine variété de préparation. Le président du groupe Gouliste parlait d’une cuisine à base d’aubergines qui, selon lui, atteignait l’empyrée des délectations de bouche.
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— Tu as gardé ta pensée d'avant le cataclysme.
— Je n'ai qu'une pensée. Et puis j'ai vu cela. Je l'ai vécu...
— Elle a raison. Le goût de s'individualiser est maladif quand il pousse à renier les seules belles choses que les vieilles théologies avaient révérées et qui nous sont chères par tant de fibres ancestrales.
— On ne peut pas tout juger sous l'aspect de la morale nietzschéenne.
— Mais vous savez bien que la conception du Maître, qui règne et fabrique des superéthiques, finit dans la paralysie générale. Je crois bien que cette conversation nous indique un moyen de charmer les heures à passer ici. Que celles-ci soient longues ou que la plèbe vienne nous assiéger.
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— L'émotion la plus âpre est-elle sexuelle ou autre ? Est-elle de surprise et de défaite, ou de défense et de triomphe ? Voilà le problème secrètement posé à illustrer.
— Très bien. Nous passerons en revue la sensibilité humaine entière...
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— Enfin quoi ! nous sommes l'ovule d'où sortira, si nous vivons, la civilisation future...
— Pourquoi non ? Crois-tu qu'au quatrième siècle de notre ère il n'a pas fallu, au milieu de ces invasions de barbares détruisant tout, qu'il subsistât, par petits îlots, de subtils et intelligents gallo-romains pour transmettre en les éduquant le flambeau à ces sombres brutes venus de la forêt Hercynienne. Sans cela la civilisation actuelle serait en retard de quinze cents ans. Le nom de ces hommes a été oublié. Mais on trouve chez Sidoine Apollinaire une vision de telles choses et l'auteur les vécut.
— Rengorgeons-nous ! L'avenir du genre humain repose peut-être sur onze être orgueilleux, voluptueux et riches en caprices...
— Jacques, puisque seul tu connais le langage de tes serviteurs, dis-leur donc de nous préparer quelques-uns de ces cocktails qui aident la poésie du crépuscule...
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Le soleil tombait mollement à l'Occident. Des écharpes de mousseline rose paraient son déclin. À travers les arbres fraîchement velus de folioles il caressait d'un pinceau doré les profils, les poses et les objets. Au nord, il jetait sur un petit château fluet et artificiel dans son architecture d'ironie, tout un prisme de clartés folles. Le charme puéril des murs mélangeant la brique rose et la pierre crémeuse, les toits à poivrière des tours d'angle, la volute de l'escalier médian à la façade, la sveltesse des fenêtres agacées des rideaux versicolores, toute la grâce alambiquée de cette demeure s'en trouvait rehaussée et soulignée.
Le parc s'étendait vaste et muet au-delà d'une pelouse herbue nuancée d'absinthe. Au loin, les arbres avaient de la majesté et les troncs revêtaient cette couleur charnue que donne le soleil couchant aux écorces neuves. Au-dessus des corps sveltes ou robustes, assouplis aux dossiers et aux accoudoirs, le feuillage clair répandait une tiédeur acide.
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Autour d'une table aux pieds sveltes, surchargée de flacons polychromes, des sièges aux formes disparates étaient habités par de beaux corps. Huit femmes variant la grâce et les certitudes de séduire :
Ly, obstinée en des regards possessifs ;
Idèle, affaissée comme une favorite et portant une inquiétude en ses yeux glauques ;
Kate, trop mince et garçonnière, avec un col courbe et des pupilles traînantes ;
Hérodiade, masque tourmenté et acide, jambes repliées et doigts frémissants ;
Yva, sombre et combative, le poil couleur de houille et déjà semblable à une Idole aux sclérotiques immuables.
D'autres encore...
Et trois hommes venus de terres lointaines au rendez-vous lointainement promis...
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Des mâles encore fussent présents si le destin n'avait pas, en quelque coin perdu de la planète, aboli traîtreusement la vie en eux.
Deux femmes aussi ont connu la disparition du monde en leurs rétines lentement obscurcies.
Et l'on ne parle pas d'elles parce que leur beauté les désignait pour la mort ignominieuse que donne la harde bestiale des révoltés.
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Ils savent que la douceur de l'air et les promesses de la nature sont offertes surtout agonisants. L'ironie de la joie coite et subtile qui tend son mirage en ce soir caressant leur est sensible. Mais ils savent aussi que les fatalités hostiles viennent rarement sur ceux qui les guettent. Et ils savent sourire.
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Les femmes ont la langueur qui menace et le fléchissement qui vainc. Les jambes lisses et glacées de soies claires, trépidantes ou croisées, voluptueuses ou rigides donnent à la conversation amusée et cynique leur discrète salacité, courbes turgides des mollets affilés descendant aux chevilles étroites ; caresses des jarrets entrelacés, plénitude d'une chaire ambrée transparente sous le lacis sérique. Ça et là, un genou cambre le tissu transparent et luit comme un fruit, tandis que les bouches arquées découvrent les dents nettes, au rythme des mots lents suivis de gestes rares et félins.
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Les serviteurs s'affairaient parmi les timbales d'argent et les flacons stilligouttes. Entre leurs mains naissaient des mélanges complexes et opalisés. La flamme des alcools passa dans les corps, incendia les prunelles, porta au centre des vies frémissantes son ardeur et ses énergies.
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Chacun se taisait. Des buissons de rosiers Bengalis entourant le groupe émanait une lubricité sucrée.
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— Vous savez, les aventures qu'on raconte sont toujours celles auxquelles on échappa. D'où leur intérêt. La guerre, pour ceux qui en reviennent, est un tableau supportable et les dangers qui furent mortels aux autres sont dans leurs histoires simplement destinés à mettre en valeur les vertus... qui sauvent...
— C'est l'évidence même. Il est impossible de deviner la part de hasard contenue dans l'événement qui, pouvant être très dangereux, s'est finalement calmé comme les lions du prophète Daniel.
— Il faut juger les humains non sur ce qu'ils disent mais sur la façon dont ils utilisent pour se sauver... ou réussir, des contingences obscures et mal lisibles...
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— Vous abrutissez les fillettes de défenses et les jeunes femmes de licences. Vous voulez l'épouse éduquée de telle façon qu'à votre gré elle soit chaste comme une moniale à minuit moins cinq, mais puisse être animée de toute la ferveur corinthienne à minuit juste. Vous bouleversez l'économie de son cerveau et mettez sa sensibilité à la torture. Naturellement il advient que certaines acquièrent dans ce désordre une sensualité déréglée et trouble, toujours près du seuil de la conscience et que l'homme se figure sottement être, soit le produit de l'amour, soit une prédisposition dangereuse. Alors il prend des airs savants... Il affirme des choses subtiles. Il se donne de ce chef un rôle civilisateur et une responsabilité sociale qui le flattent.
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— On n'est pas ivrogne pour boire volontiers un verre de cognac ou de chartreuse. Serait-on vicieuse quand on satisfait sans y attacher plus de valeur morale ou intellectuelle, un autre prurit... On peut dire franchement que l'importance de l'impulsion subie s'accroît par la seule importance donnée à la volonté de résister.
— Oui ! le vice est là seulement.
— Absolument ! Le vice c'est d'être en bataille avec soi-même. Quand on est de santé normale, de bon équilibre, sensible, et de cerveau clair, ces désirs sont rares et sans action sur le moi pensant.
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Là-haut, place Pigalle, c'est la noce nocturne. Il doit être trois heures du matin. Je ne veux pas, nu-tête, passer parmi les spécialistes : clients et fournisseuses de cette débauche illustrissime qui fait plus pour la renommée de Paris que les savants et les poètes. Je monte la rue Henri Monnier, je frète la rue Victor Massé et traverse la rue des Martyrs. Me voici vraisemblablement hors du cercle, d'ailleurs étroit, que l'on nomme Montmartre. Je veux dire Montmartre-plaisir.
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