AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Erik35


Les hommes n'ont pas conscience que le jour n'est pas celui qui chasse la nuit. Pour eux, même lorsqu'elle est voilée de nuages, la présence du soleil est l'état naturel de la terre et du ciel. Quand ils pensent aux collines, ils ne les imaginent pas dans l'obscurité, de même qu'ils ne se représentent jamais un lapin sans fourrure. Ils oublient le squelette sous la chair, ils oublient le clair de lune et prennent le jour pour acquis, alors que celui-ci ne fait pas partie des collines. Le clair de lune est inconstant, il décroît puis croît à nouveau. Les nuages peuvent l'obscurcir bien plus qu'ils n'obscurcissent le soleil. On ne peut vivre sans eau, mais on peut se passer de cascades. Elles sont jolies, elles sont un luxe. On a besoin du jour, il est donc utile, mais pas du clair de lune. Quand il descend, il ne satisfait aucun besoin. Il transforme. Il se pose dans les vallons et sur les prairies, et distingue la longue tige de la voisine ; d'un seul monceau de feuilles couvertes de givre, il fait une myriade d'éclats étincelants ; il file son trait tremblant le long des branches humides comme si la lumière elle-même était malléable. Ses longs rais blancs et durs se déversent entre les hêtres, leur clarté pâlit lorsqu'elle s'enfoncent dans le cœur des bois, poudré de brouillard à mesure que s'avance la nuit. Au clair de lune, un champ d'agrostis, dont les tiges rugueuses et hirsutes comme le crin des chevaux ondulent à hauteur de cheville, ressemble à un golfe houleux creusé de replis ténébreux. Le tapis est si dru et emmêlé que même le vent ne peut l'agiter, mais le clair de lune semble lui insuffler comme une certain tranquillité. Le clair de lune n'est jamais acquis. Il est comme la neige d'automne ou la rosée des matins de juillet. Il ne révèle pas : il transforme ce qu'il recouvre. Sa pâleur même - tellement plus blême que celle du jour - invite à penser qu'il s'est ajouté à la colline pour lui donner, l'espace d'un instant, une propriété singulière et merveilleuse qu'il faut s'empresser d'admirer, car elle est vouée à disparaître sous peu.
Commenter  J’apprécie          112





Ont apprécié cette citation (11)voir plus




{* *}