L'un est galeriste, l'autre est peintre et sculpteur, les deux sont écrivains : le Book Club reçoit Jean Frémon et Richard Texier pour évoquer la façon dont ils ont raconté la création artistique dans leurs livres, de part et d'autre du marché de l'art.
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Notre degré "élevé" de civilisation nous autorise au pire et nous absout de toute révérence envers la Création. Cette absence de spiritualité nous exonère du plus élémentaire hommage au vivant qui nous entoure. A terme, elle va nous dessécher et nous tuer. Aucun culte en Occident ne célèbre les oeuvres et les prouesses de la Nature. Pourtant, elles enchantent continûment nos jours, mais la gratitude a quitté nos esprits mesquins et nos coeurs rétrécis.
Ceux qui tranchent dans le vif ne sont pas légion. Il faut de l'audace et de l'abnégation pour s'opposer aux grimaces du destin. L'éducation des petits êtres est souvent un sacerdoce que beaucoup rechignent à assumer, et l'idée qu'il faille souffrir pour exister répugne à la plupart. Croyant préserver leur quotidien engourdi, les humains se montrent souvent veules. Ils masquent leur lâcheté par un fatalisme du bon aloi. Les mines contrites des braves gens déplorent en se lamentant les épreuves de la vie, mais ils restent les bras croisés devant l'adversité. Pourtant, les voitures n'ont pas vocation à écraser les poules, les troubadours à sectionner les queues et les canaris à vivre en cage. On s'étonne, on s'attriste, mais on s'habitue. La somme des petits renoncements ordinaires fait tranquillement le lit du pire, et la résignation à vivre courbé prépare en silence l'avènement des grands malheurs.
Quelle est la nature de cette force qui surgit ainsi dans notre vie ?
Les artistes en parlent comme d'une inspiration fugace, les scientifiques comme d'une fulgurance, les autres comme d'une révélation soudaine. Chacun se souvient de l'avoir croisé un beau jour. Sa présence brasse les cartes, oriente le champ des possibles. Elle convoque une idée, provoque une rencontre, un événement qui va tout changer. Pourtant, elle demeure un principe volatil, un sentiment furtif et aérien, un prodige qui virevolte autour de nous et se pose parfois sur notre épaule tel un papillon enchanteur.
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Avant d'aller à sa rencontre, de pister sa délicate présence, il faut savoir une dernière chose.
Si elle se hasarde dans les brèches de l'imagination, son pouvoir est immense.
Le petit Shanghaïen, dont la famille avait été persécutée par le communisme et humiliée par la Révolution culturelle, était parvenu au sommet de son Everest artistique. La France l'avait enfin reconnu comme l'un de ses peintres les plus valeureux. Il pouvait mourir en paix, son rêve était accompli et son père vengé. (p. 33)
Chacun se nourrit de la conviction des autres, est-ce un aveu de faiblesse ? En tout cas l'approbation d'un pair fait pousser des ailes. (p. 40)
Notre amitié a débuté à cet instant précis dans l'élan spontané d'un éclat de rire qui se moquait de nous-mêmes. L'affinité élective est un cadeau du ciel. (p. 22)
Et rien de fort ne naît que dans la solitude.
Le film que je lui avais consacré des mois plus tôt commençait ainsi :
Cet homme était un peintre, de cette espèce ancienne, croyant en la capacité de la peinture à saisir le mystère, l'essence du monde. Il sait tout de Monet et de ses nymphéas, de Matisse captivé par la couleur, de Pollock en action painting, de Soulages dont il fut le compagnon d'aventure, de Joan Mitchell éblouie par la vie. Il aime tant la peinture, elle lui a tant donné. Il fut chinois, passionné, voyageur, lettré, mais le peintre en lui disparaîtra le dernier. (p. 151)
Ce geste généreux fit date. J'ai commencé ce jour-là une collection d'oeuvres de Zao Wou-ki. Elle me console aujourd'hui du manque de sa présence amicale et me remet en mémoire nos échanges d'artistes. Je revois sa main qui dansait dans l'espace pour terminer les phrases quand les mots lui manquaient. Il tentait d'exprimer l'indicible en mimant dans l'air le geste du peintre qui parvient à capter le vol de l'esprit. (p. 53)
Je suis peut-être devenu sculpteur ce jour-là, en pressant méthodiquement les tétines des vaches. Mes œuvres récentes doivent un peu à cette activité gélatino-érotiques. Le mystère sensuel de la mécanique des fluides inspire toujours l’activité mentale des artistes.