La lumière d'une goutte d'eau suffit pour éclairer le chemin, en faire
un lieu de fête, un beau manège pour le silence et tenir le jour dans le
vœu des premières étincelles.
Les sirènes…
Les sirènes parties depuis longtemps,
la pluie frappe et délave les histoires.
Tu entends souffler l'homme qui monte dans l'escarpement
du monde
et voit la mort grandir.
Quelle saisie pour le bec, l'île évanouie dans la lumière des
larmes,
la pluie qui mêle la boue aux écrits !
Les nuages ne disent rien d'autre que la beauté des étoffes où se
perdent les mains…
Les jours obscurcissent le ciel où le vent s'engouffre ; nous sommes liés
à leurs fils secrets qui font des vêtements de gloire aux rives où l'on
persévère.
Le peu d'ombre fait une muraille de Chine au regard ; on n'a plus assez
de lampes pour monnayer un or qui n'a plus cours.
La nuit bleuit au bout des chemins immobiles et, sur les chantiers
désertés ne tournent plus les bétonneuses des bouches médisantes,
leurs grains d'outrage dans les galets remués.
Anonyme l'oiseau …
Anonyme l'oiseau éperdu chante
Il ne veut pas la gloire
Il siffle comme un peintre
Juché sur son échelle
L'autre lui répond dans l'arbre
Il chante indifférent
À qui glose sur le chant
Lui que tu imagines dodelinant de la tête
Comme un sage sur son texte
Il chante
Et tu reconnais sa voix
Vous me regardez …
Vous me regardez comme jamais je ne me verrai
et il est interdit d'entrer où j'habite depuis que
je suis né…
Que saisissez-vous de moi ?
Incisez et vous n'aurez que du sang.
Ainsi des villes, de leurs formes plaquées sur des rétines
voyageuses,
des messages étrangers.
Là-bas, dans la continuité du geste,
les habitudes prises jusqu'à la morsure des dents.
L'eau suspendue…
L'eau suspendue aux lèvres des fontaines,
S'arrêter où progresse le soleil sur le mur,
reproduction exacte de la fenêtre que la nuit effacera
à la limite du doigt,
frontière du cadastre où la parole n'ajoute rien au silence,
rien au temps qui la déchiffre…
Il s'agit de réapprendre …
Il s'agit de réapprendre ce qu'on n'a pas oublié des paroles
à quai,
de la langue sur la langue, du mélange des salives
Pourquoi donc faire l'inventaire des choses mortes,
du souvenir réduit à rien ?
L'exubérance du Sud, les ors sur la sobriété du dit
peuvent-ils rallumer le feu des nuits éteintes ?
Arrivé au point de non retour, à l'impossibilité de savoir
on jette la fleur sur une chose morte…
Tout a été dit du jour …
Tout a été dit du jour qui commence à parler, d'une terre
qui n'est plus,
de la manduation des mots que tu ne digères plus.
On peut toujours rêver d'un horizon qui disparaît,
la mer replie les pages de son histoire.
…
Les mots restés dans le sable…
Les mots restés dans le sable
Les doigts collés que le vent sèche
tu oublies le sel qui aggrave la soif.
Le ciel vacille sous la liqueur
et son regard se révulse
la flèche piquée au mille de la pupille.
…